Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Déposition de la CPEPESC à l’enquête d’utilité publique du projet de TGV Rhin-Rhône branche Est

publié le25 juillet 2000

La lettre qui suit, exprime la position de l’association CPEPESC « nationale » sur le projet de réalisation de la TGV Rhin-Rhône par la vallée de l’Ognon.

Elle a été adressée le 25 juillet 2000 au président de la commission d’enquête sur le projet de TGV Rhin-Rhône (branche Est).

Monsieur le Président,

Le projet de ligne TGV Rhin – Rhône, Branche Est, soumis à enquête d’utilité publique, traverse des zones « naturelles » jusque là préservées, barre la vallée de la Saône, emprunte la vallée de l’OGNON sur une grande partie de son cours, traverse des entités naturelles et un grand nombre de communes aux patrimoines et paysages admirables et représente aussi un capital de nuisances environnementales sans précédent dans cette vallée.

Le choix délibéré de ne pas utiliser les voies ferrées déjà existantes (Dijon – Dole – Besançon – Mulhouse) va créer une coupure, un cloisonnement supplémentaire inacceptable pour l’environnement et les biotopes, gaspiller des hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, tout en ne desservant pas directement les villes et cela pour le seul le transport de voyageurs…

Sans mésestimer la nécessité de mettre en place des moyens de transports modernes dans notre pays, nous contestons les choix qui ont été faits pour ce projet tant au plan économique que pratique qui vont à l’encontre de l’intérêt général et des principes du développement durable.

En effet, à part un gain de temps d’une heure (et uniquement pour le voyageur en transit) ce projet n’apporte que des désagréments sans aucune mesure compensatoire.

En premier lieu, pourquoi ce projet délaisse-t-il le transport de fret marchandises, qui aurait constitué une sérieuse mesure compensatoire ? En effet, le déséquilibre entre la route (poids lourds) et le rail pose et va poser, de plus en plus, de sérieux problèmes en matière de sécurité et d’environnement.

Cela était possible, à l’instar du projet novateur de nouvelle liaison à grande vitesse Lyon -Turin fret et voyageurs (dont 64 km en tunnel sous les Alpes) ce qui doit permettre d’éviter par reports du trafic voitures et poids lourds 6130 tonnes par an d’oxyde de carbone, d’hydrocarbures et d’oxyde d’azote dans l’atmosphère !

Cette possibilité n’est même pas évoquée dans le dossier d’enquête !

Ensuite il est relevé que la solution alternative du système « pendulaire » sur voies existantes améliorées ne coûte que 750 millions de francs (selon l’étude SNCF) et serait opérationnelle beaucoup plus vite (a). Le projet TGV pour le seul tronçon Auxonne – Petit Croix s’élève déjà à 8,9 milliards de francs… avec pour bénéfice un gain de temps limité et dans 8 ou 10 ans seulement !

En bonne économie, cette petite heure ne peut justifier à elle seule l’énormité des dépenses et des atteintes à l’environnement ; (gain de temps d’ailleurs réduit du temps d’accès aux gares installées à la campagne; il est même nul dans le cas de Besançon !).

En page 22 de la notice explicative, la conclusion de la justification de l’énormité du projet tient sur 35 lignes. Elle confirme que la seule justification du projet repose sur le seul GAIN DE TEMPS.

Ces mêmes conclusions concèdent par ailleurs que la solution pendulaire permettrait de gagner presque 25 minutes sur le trajet Mulhouse-Dijon.

Ce projet, confiné strictement à un objectif chronométrique, ne respecte pas les « conditions économiques, sociales et environnementales les plus avantageuses pour la collectivité » exigées par la Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 (modifiée) d’orientation des transports intérieurs (LOTI) :

– Article premier – (modifié par Loi n°99-533 du 25 juin 1999, art. 39, 1°) « Le système de transports intérieurs doit satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques, sociales et environnementales les plus avantageuses pour la collectivité. Il concourt à l’unité et à la solidarité nationales, à la défense du pays, au développement économique et social, à l’aménagement équilibré et au développement durable du territoire ainsi qu’à l’expansion des échanges internationaux, notamment européens. »

(modifié par L. n°99-533 du 25 juin 1999, article 39, 2°) Ces besoins sont satisfaits « dans le respect des objectifs de limitation ou de réduction des risques, accidents, nuisances, notamment sonores, émissions de polluants et de gaz à effet de serre » par la mise en œuvre des dispositions permettant de rendre effectifs le droit qu’a tout usager de se déplacer et la liberté d’en choisir les moyens ainsi que la faculté qui lui est reconnue d’exécuter lui-même le transport de ses biens ou de le confier à l’organisme ou à l’entreprise de son choix.

– Article 14 – (modifié par Loi n°96-1236 du 30 déc. 1996, art. 16.) Les choix relatifs aux infrastructures, équipements et matériels de transport et donnant lieu à financement public, en totalité ou partiellement, sont fondés sur l’efficacité économique et sociale de l’opération. Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité et « de protection de l’environnement », des objectifs du plan de la Nation et de la politique d’aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l’évolution prévisible des flux de transport nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux « dont ceux des atteintes à l’environnement ».

En conséquence, notre association demande aux commissaires enquêteurs de donner un avis défavorable à ce projet destructeur qui ne répond pas aux attentes les plus urgentes des populations et des générations suivantes.

Nous faisons par ailleurs nôtres toutes les observations ponctuelles concernant de nombreux points du tracé, qui vous seront adressées par la CPEPESC de Franche-Comté (association régionale agréée), notamment quant au franchissement des lits majeurs des cours d’eau concernés par le tracé (insuffisante longueur des viaducs au dessus de la Saône et de sa plaine inondable sur le secteur d’Athée-Flammerans, sur l’Ognon à Voray/l’Ognon, sur les ruisseaux d’Auta, de Beuveuge et de la Prairie sur les communes des Magny, de Saint-Fergeux… et l’Autruche sur la commune de Fontenelle) d’où tout remblai devrait être proscrit.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la Commission d’Enquête publique l’expression de nos meilleurs sentiments.

Pour la CPEPESC nationale

François Devaux

Sont développées ci-après quelques observations pertinentes sur la solution alternative rejetée à tort. Elles éclairent les éléments développés ci dessus.

(a) A propos d’une alternative « pendulaire » voies existantes.

– La situation de la voie ferrée actuelle est noircie volontairement dans l’imprécision : « le « maillon » faible du système ferroviaire se situe entre la Saône et le Rhin » (page 15, de la Notice explicative, Chapitre B, Justification). Mais cette prétendue faiblesse n’est fondée que sur les « performances modestes surtout en matière de vitesse et de rapidité ».

Une présentation honnête des choses, devrait rappeler que l’infrastructure existante assure à la fois le transport voyageurs et frets, et que si « le trajet Strasbourg – Lyon, nécessite au moins une heure de plus que part la route » il existe, outre cette double fonction, des problèmes améliorables par exemple : absence de voie d’évitement, ligne unique avec circulation alternée (secteur St Amour, déséquipé il y a quelques années par la SNCF elle même), cafouillages liés à des équipements vétustes,…

– Si, comme le dit le dossier, l’augmentation des déplacements actuels passe de 32 M actuels à 45 M en 2008, il y aurait lieu de répondre beaucoup plus rapidement à cette augmentation en améliorant l’existant sans attendre l’hypothétique mise en service bien lointaine du TGV dont le financement est pour l’instant loin d’être assuré. Ceci aurait pour avantage de doper l’existant et de mieux le rentabiliser, ce qui ne sera certainement pas le cas avec une ligne supplémentaire qui poussera plutôt à son démantèlement.

– Pour justifier à tout prix le projet, le dossier (page 17) « démolit » les solutions alternatives sans poser la seule vraie question : pour gagner 1 heure, faut-il dépenser tant d’argent et créer tant de nuisances ?

– D’après le tableau du volume III, Évaluation socio-économique, page 35 :
Entre Dijon et Mulhouse, on peut calculer que le « meilleur temps  » prévu pour le TGV sera de 0 H 55 alors que le « meilleur temps sur le réseau actuel annoncé » est de 2 H 30.
En utilisant la technique pendulaire (gain de 25′) ce meilleurs temps passerait à 2 H 05 d’où une différence de 1 h 10.

– Entre Dijon et Besançon, ces meilleurs temps sont respectivement 0 H 20 , 0 H 50, 0 h 40, d’où un gain de temps pour le TGV de 0 H 20 entre la nouvelle gare d’Auxon et Dijon. Mais vingt minutes que le voyageur perdra dans le nécessaire trajet Gare d’ Auxon – Gare Viotte.