Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Disparition de Raymond BARRE. Les opposants au « projet débile de grand canal Rhin Rhône » n’ont pas perdu la mémoire.

publié le28 août 2007

Alors que beaucoup de grand responsables publics et la presse ne tarissent pas d’éloges sur les qualités de feu Raymond Barre, beaucoup de franc-comtois jadis opposants au projet débile de « grand canal Rhin Rhône » n’ont pas perdu la mémoire.

Les qualités déclamées de l’homme, décédé le 25 août 2007, ne peuvent tout de même pas faire oublier que c’est sous son impulsion, lorsqu’il était Premier Ministre, que sera ré exhumé vers 1979 un très vieux projet de grand canal jeté aux oubliettes parce que déjà jugé dispendieux et irréalisable.

Beaucoup plus tard, début 1995, Raymond Barre est à la fois maire de Lyon, administrateur de la CNR, président de l’association Mer du Nord – Méditerranée, un lobby d’aménageurs. Il fait pression et obtient que la loi Pasqua sur l’aménagement du territoire concrétise la réalisation de  » la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin, un grand canal qui doit être achevé en 2010. Pour financer les travaux cette loi ponctionne la « rente du Rhône », c’est-à-dire le bénéfice d’EDF sur l’électricité produite à faible coût par les barrages sur le Rhône de la CNR.

Mais la révolte gronde en Franche-Comté où des manifestations monstres anti-canal se succèdent : Besançon en avril 1995, Dole en mars 1996, Besançon à nouveau en juin 1996, Montbéliard en mars 1997. En 1996, lors d’une consultation publique enfin concédée aux habitants par le gouvernement Juppé, pour donner un air de démocratie au projet, 4 sur 5 citoyens déclarent être opposés au canal !

Le 9 juin 1996 , lors de la grande manif de Besançon qui a rassemblé 12000 personnes contre le projet de Grand Canal dans le lit même du Doubs, la CPEPESC attribue le « Chiottar d’or » à Raymond Barre… Un prix destiné à « récompenser » les grands pollueurs ou destructeurs de l’environnement ou leurs complices.

Le « Chiottar d’or » décerné à Raymond Barre le 9 juin 1996 lors de la manifestation fleuve de Besançon contre le projet de grand canal

L’ex « plus grand économiste de France » qui déclarait sans rire « On va racornir et complètement dessécher la région de Lyon et de Marseille si on ne fait pas le grand canal » s’est complètement « planté ». Le 18 avril 1996, le rapport d’expertise sur le projet demandé par l’État à l’Inspection Générale des Finances et au Conseil Général des Ponts et Chaussées, qui aurait dû rester confidentiel, est tombé entre les mains des opposants. La réalisation du grand canal serait aussi un total désastre économique !

Les conclusions sont sans appel . Rappelons ici, seulement trois points :
– Au lieu des 17,3 milliards annoncés en 1993, « le coût financier devrait s’établir à 49,4 milliards de francs »,
– Quelles que soient les hypothèses retenues le déficit de gestion devait dépasser 100 M F (valeur en 1995) par an.
– Entre Marseille et Rotterdam le temps de navigation n’est que de 7 jours par la mer au lieu de 9 minimum prévus par le canal !

Heureusement, ce crime prémédité contre l’environnement et la beauté de la vallée sinueuse du Doubs ne sera pas commis.

Le projet fut annulé par décret le 30 novembre 1997 par Dominique Voynet, nouvelle ministre de l’Environnement du Gouvernement Jospin.

Il est vrai qu’en 2006 les vieux démons de l’aménagement des rivières tentent encore de relancer ce projet maléfique. Des études sont même programmées par l’État…
Mais même à cette occasion, le ministre délégué à l’Aménagement du territoire, Christian Estrosi, qui veut promouvoir la voie d’eau, déclare « qu’une option par la vallée du Doubs est désormais irréaliste » . (29.06.2006 – Assemblée générale de l’association Seine Moselle Rhône à Marseille)

La vallée du Doubs grâce à des milliers d’anonymes survivra longtemps à la disparition inéluctable de la poignée d’affairistes qui voulaient en être les fossoyeurs !

Comment expliquer cette obsession à vouloir creuser ce désastreux grand canal Rhin-Rhône chez Raymond Barre, un homme que l’on a toujours présenté comme un « économiste brillant, rigoureux, lucide, passionné de vérité, doté d’une intransigeance intellectuelle et d’un solide bon sens,etc, etc… » ???
L’avenir nous éclairera probablement sur cette énigme.

Aujourd’hui certains autres responsables semblent beaucoup mieux dotés de ces qualités, lorsqu’ils réclament la mise en œuvre du transfert des marchandises des camions sur les trains. Le transport combiné serait au moins vingt fois plus efficace en terme de capacité que ne l’aurait été le grand canal Rhin-Rhône.

François Devaux