Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Dossier CASSE-CAILLOUX. Consultation publique pour la seconde liste locale relative au régime d’autorisation propre à Natura 2000 dans le département du Doubs : la CPEPESC demande au préfet de revoir sa copie

publié le6 juillet 2018

L’article 6.3 de la directive européenne Habitats Faune Flore prévoit que « tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site Natura 2000 mais susceptible de l’affecter de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. »

Évaluer les incidences Natura 2000 d’un plan, d’un projet ou de toute autre activité, consiste à vérifier qu’ils ne vont pas fondamentalement à l’encontre des objectifs de conservation de la biodiversité poursuivis au sein des périmètres Natura 2000. Les sites Natura 2000 étant désignés du fait de la présence significative en leur sein de certaines espèces de faune, de flore et d’habitats naturels (tourbières, prairies, forêts, etc.), dit « d’intérêt européen », l’évaluation des incidences Natura 2000 s’attache plus spécifiquement à vérifier, préalablement à leur approbation, la compatibilité des projets et activités avec le maintien d’une bonne représentation de ces espèces et habitats dans les sites.

Suite à la condamnation de la France par la Cour de Justice de l’Union Européenne du 4 mars 2010 pour insuffisance de transposition du régime d’évaluation des incidences sur Natura 2000, la France a renforcé son dispositif réglementaire à travers 3 listes :

– une liste de portée nationale des plans, programmes, projets et activités soumises à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation distincte de Natura 2000, codifiée à l’article R. 414-19 du Code de l’Environnement depuis 2010. Cette liste concerne des régimes d’encadrements pré-existants ;

– une liste de portée départementale (première liste « locale ») complétant ce cadre national en soumettant à évaluation des incidences Natura 2000 d’autres plans, programmes, projets et activités relevant aussi d’un encadrement administratif ciblé (par ex : certaines autorisations d’urbanisme). Dans le Doubs, l’arrêté préfectoral n°2011170-0018 a été signé le 23 juin 2011 ;

– une seconde liste locale qui vise des activités ne relevant jusque-là d’aucun régime d’encadrement administratif. Cette liste est restrictive : elle doit être élaborée à partir de la liste nationale de référence codifiée à l’article R. 414-27 du Code de l’environnement. Elle comprend au maximum 36 rubriques d’activités différentes.

L’Etat dans le Doubs n’ayant pas satisfait à l’obligation qui lui incombait pour l’établissement de cette seconde liste

alors qu’une circulaire ministérielle du 26 décembre 2011 exigeait expressément une prise de décision rapide pour son établissement afin de respecter les engagements de la France vis-à-vis de l’Union européenne et de prévenir les atteintes aux objectifs de conservation des sites Natura 2000, la CPEPESC a saisi en décembre 2017 le préfet du Doubs afin qu’il engage sans délai la procédure d’élaboration de cette seconde liste locale conformément au V de l’article L. 414-4 et à l’article R. 414-20 du code de l’environnement.

Elle justifiait notamment sa demande par la réalisation de travaux au « casse-cailloux » sur la commune de Remoray-Boujeons au sein du site Natura 2000 « Vallons de la Drésine et du site de la Bonnavette », lesquels travaux, s’apparentant à des retournements de prairies, avaient impacté significativement la biodiversité, les sols et les paysages : Broyage des sols au « casse-cailloux » dans les zones Natura 2000 ça suffit …

Le préfet a répondu en avril 2018 à l’association qu’il procèderait à une consultation du public sur un projet d’arrêté « liste 2 » avec l’objectif d’une signature pour l’été.

Cette consultation s’est déroulée du 6 au 28 juin dernier. Les observations de la CPEPESC sont résumées ci-dessous :

Ses remarques ont porté notamment sur la procédure pour laquelle on apprend qu’elle avait été initiée dès 2013 puis suspendue sans qu’on en connaisse les raisons… Si la liste avait été prise à cette époque, les travaux évoqués ci-dessus auraient pu être évités ou pour le moins faire l’objet d’une régularisation.

S’agissant des rubriques visées, seules 12 d’entre-elles ont été retenues sur les 36 que comporte la liste nationale de référence fixée à l’article R. 414-27 du Code de l’environnement.

D’après l’analyse de l’association, 16 autres rubriques pouvaient être intégrées dans le contexte des sites Natura du département : il s’agit des rubriques n°8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 25, 30, 32 & 34. Les rubriques 8 à 24 concernent les installations, ouvrages, travaux et activités au-dessous des seuils fixés pour l’obligation de déclaration par le tableau annexé à l’article R. 214-1 du code de l’environnement.

Rappelant que les principes devant guider l’élaboration de cette nouvelle liste nécessitent de prendre en considération toutes les pressions humaines susceptibles d’affecter les dits sites, la CPEPESC a demandé à ce que la liste soit réévaluée à la lueur des enjeux inhérents aux sites Natura du Doubs.

Parmi ces 12 rubriques, deux feraient l’objet de restrictions géographiques alors que les autres s’étendraient à l’ensemble des sites du territoire départemental. Il s’agit du retournement de prairies (7) et de l’arrachage de haies (29).

La première ne s’appliquerait qu’à 4 sites Natura seulement alors que le Doubs comporte une quinzaine de sites susceptibles d’être concernés par des retournements de prairies. De façon totalement incohérente et aberrante, même le site « Vallons de la Drésine et du site de la Bonnavette », pourtant directement impacté en 2017, n’est pas pris en compte.

Il a donc été logiquement réclamé à l’Etat de revoir sa copie sur ce point sachant que les explications apportées ne sont guère satisfaisantes.

S’agissant des arrachages de haies, la note de présentation précise que les critères de sélection ont été les suivants :

– linéaire de haies important ;

– proportion élevée de milieux ouverts (plus de 80%) ;

– présence sur le Formulaire Simple de Données (descriptif de référence des sites) d’un nombre d’espèces inféodées aux haies suffisant, avec une attention particulière à la prise en compte d’espèces présentant des enjeux particuliers en Franche-Comté (Laineuse du Prunellier, Cuivré de la Bistorte et Écrevisse à pieds blancs, Petit et Grand Rhinolophes) ;

– mise en évidence de disparition contemporaine de haies sur la cartographie réalisée par la DREAL et la DDT.

Ce qui a abouti à ne retenir que 8 sites… Là encore, la CPEPESC estime que ces choix, totalement arbitraires, ne permettent pas de respecter les objectifs de conservation des sites Natura du département. Les arasements de haies constituant bien des atteintes non négligeables à l’intégrité physique des dits sites, et nonobstant le fait que le territoire de certaines communes soit déjà couvert par une disposition réglementaire comme l’indique encore la note de présentation, notre association a demandé à ce que cette rubrique s’applique à la quinzaine de sites Natura susceptibles d’être concernées par cette pratique et non aux 8 seuls sites retenus.

En conclusion, la CPEPESC a émis un avis favorable sur ce projet sous la réserve expresse d’une prise en compte intégrale des remarques et propositions de modifications exposées ci-dessus.