A propos des transports de neige pour permettre le passage de la Transjurassienne de ski nordique en février 2011 sur un artificiel cordon de neige.
La sénatrice Dominique Voynet avait, dès le mois de mars, adressé une question à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, sans recevoir de réponse.
Elle a donc reformulée sa question oralement en séance, le 5 juillet 2011. Le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, etc.. lui a répondu.
Question de Dominique Voynet
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’interroge sur l’utilisation de neige artificielle lors de la prestigieuse compétition de ski nordique, la Transjurassienne, qui s’est déroulée les 12 et 13 février 2011.
Cette compétition, créée en 1979, est devenue le plus grand événement de masse du ski français et, avec la Vasaloppet suédoise, l’une des plus grandes compétitions européennes de ski nordique. En effet, plusieurs milliers de concurrents se mesurent chaque année sur les soixante-seize kilomètres d’un parcours traversant les départements du Jura et du Doubs, et allant même jusqu’en Suisse.
Chaque année, cette course attire des milliers de visiteurs et des dizaines de milliers de téléspectateurs. Cela constitue, pour la région Franche-Comté, une chance incroyable de valoriser son patrimoine touristique, sportif et, jusqu’à présent, environnemental. De fait, en 1979, en 1990, en 1993, en 2001 et en 2007, ce sont des considérations environnementales qui ont conduit les organisateurs à annuler sagement la compétition, faute de neige.
Tel n’a pas été le cas en 2011 : la Transjurassienne s’est déroulée dans de très faibles conditions d’enneigement. Mais il a été décidé de remédier à ce manque de neige par la création de toutes pièces, sur les soixante-seize kilomètres du tracé, d’un cordon de neige permettant le déroulement de la compétition. La neige nécessaire a été obtenue par deux moyens : la production artificielle de neige de culture et l’acheminement par camion de quantités considérables de neige provenant d’un autre massif.
Cette décision me paraît plus que contestable. Elle pourrait en effet avoir des conséquences désastreuses dans le Jura, pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, le Jura a fondé son développement sur l’idéal d’un développement durable respectant l’environnement, un développement durable qui se combine avec la diminution de la consommation d’énergie, d’eau et d’autres ressources naturelles ; vous aurez reconnu la définition qu’en avait donné le Président de la République lors du lancement du Grenelle de l’environnement.
Ensuite, on peut craindre que ce recours à la neige artificielle ne contribue à ternir l’image « écologique » du ski nordique. Face au ski alpin, dont les tracés ne respectent pas toujours strictement le paysage et qui cause bruit et pollution à cause des remontées mécaniques et des engins de damage, le ski nordique apparaissait comme le garant d’une approche authentique et respectueuse de la nature. Qu’en reste-t-il quand les courses se déroulent sur un étroit cordon de neige artificielle, fabriquée au détriment des ressources en eau ou acheminée par camion sur des centaines de kilomètres ?
Enfin, en cette année de sécheresse, j’estime que la banalisation du recours à la neige artificielle constitue un mauvais signal, alors qu’il existe, de la part de l’ensemble des acteurs, une volonté politique d’utiliser de manière optimale nos ressources en eau. Quelle image entendons-nous donner au-delà de nos frontières ? Celle d’une région où les considérations économiques à court terme priment sur toute autre considération ? J’espère que tel n’est pas le cas.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d’État, connaître votre avis sur cette entorse majeure aux engagements du Grenelle de l’environnement.
Réponse de Benoist Apparu, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, etc..
Madame le sénateur, la compétition Transjurassienne de ski nordique des 12 et 13 février 2011 a nécessité la production de neige artificielle, à partir d’installations autorisées par l’État.
Cette neige a été produite en quantité limitée et transportée sur de courtes distances, pour enneiger des tronçons déficitaires. Il ne s’agit pas d’une entorse aux engagements du Grenelle de l’environnement, qui, je vous le rappelle, ne traitent pas de la question de la neige artificielle. Il ne s’agit pas non plus d’une innovation, puisque de nombreux sites nordiques disposent d’installations d’enneigement artificiel pour garantir un enneigement minimal.
Cependant, la réduction de l’aléa de la variabilité de l’enneigement par la production de neige de culture doit se faire d’une manière plus respectueuse de l’environnement, en intégrant les conséquences attendues du changement climatique. Le recours à l’enneigement artificiel pour les loisirs et le déroulement d’événements sportifs doit se faire dans le respect du milieu naturel, sans polluer ce dernier par l’emploi de produits chimiques ; il doit également être compatible avec la préservation des ressources en eau, qui risquent de diminuer à l’avenir, et ne pas conduire à la multiplication d’aménagements conçus au détriment de zones humides ou qui détournent les circulations hydrologiques naturelles et perturbent les régimes hydrologiques.
Concernant plus particulièrement la Transjurassienne, il est d’ores et déjà prévu d’améliorer les conditions d’organisation de cette compétition en 2012. Pour ce faire, un groupe de travail associant les organisateurs a été mis en place, afin de veiller à l’intégration de toutes les réglementations environnementales et à la prise en compte des aléas climatiques.
L’objectif est d’accompagner la préparation et le déroulement de cette épreuve dans le respect de l’environnement et de la ressource en eau, qui est loin d’être inépuisable, notamment dans cette région.
Le groupe de travail constitué dans le Jura a bien vocation à répondre à l’ensemble des enjeux environnementaux.
Il a été demandé aux services du ministère de contribuer activement à ce groupe de travail et de faire part à Mme Kosciusko-Morizet de l’état d’avancement de ses travaux.
Je tiens à vous signaler que, dans le même esprit, Nathalie Kosciusko-Morizet et Chantal Jouanno vont très prochainement publier un guide pratique pour accompagner les organisateurs de manifestations sportives de pleine nature dans l’établissement de leur évaluation des incidences Natura 2000.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
La réponse que vient de donner M. le secrétaire d’État tranche agréablement avec le ton utilisé par les organisateurs de la Transjurassienne dans le Jura, qui semblaient nier l’existence des problèmes.
La mise en place du groupe de travail constitue au contraire l’aveu de l’importance de ces problèmes, qui devront être surmontés si la crédibilité de la manifestation est bien une préoccupation partagée par l’ensemble des acteurs.
Monsieur le président, vous avez exprimé l’intérêt personnel que vous portiez à ces sujets avant que M. le secrétaire d’État ne réponde à la question de M. Martin relative à la chasse ; je vous indique donc que le tracé initial de la course aurait affecté la zone de protection ultime du grand tétras du parc naturel régional du Jura. Seule la mobilisation des associations a permis de modifier ce tracé.
L’enneigement artificiel – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État – a été conçu au départ comme une mesure d’adaptation ponctuelle à l’insuffisance d’enneigement. Pourtant, la surface des pistes concernées et le nombre de stations ayant recours à la neige de culture ne cessent d’augmenter. Très fragiles sur le plan économique, les stations de moyenne montagne ne pourraient en effet fonder leur développement sans la généralisation à grands frais de cette technique.
Il faudra bien imaginer un autre modèle de développement plus durable pour ces stations de moyenne montagne, et, à ce propos, je renvoie chacun au rapport intitulé Neige de culture : état des lieux et impacts environnementaux, élaboré en 2008 et publié en 2009 par le ministère de l’écologie.
Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d’État, de consacrer maintenant quelques instants à une sorte de bilan des séances de questions orales du mardi matin.
Le ministre que j’ai été ne garde pas un très bon souvenir de ces séances. Il est en effet très difficile de lire devant un auditoire clairsemé la réponse préparée par les services d’autres ministères sur des sujets variés, a fortiori lorsque l’on n’est pas convaincu par celle-ci, ce qui peut arriver.
Je reste aujourd’hui perplexe quant à l’utilité de ces séances qui mobilisent énormément de moyens et beaucoup de parlementaires pour quelques minutes, le tout pour entendre des réponses qui ne sont parfois pas satisfaisantes.
Si nous, parlementaires, continuons néanmoins à poser des questions orales, c’est d’abord parce que les courriers que nous envoyons régulièrement au Gouvernement ne reçoivent en général pas d’autres réponses qu’un accusé de réception et l’« assurance » que, dans quelques semaines ou quelques mois, nous pourrons en savoir davantage.
Si nous voulons réformer le fonctionnement du Parlement et améliorer l’allocation de ses moyens, sans doute faudrait-il demander au président et aux vice-présidents de notre institution de plaider auprès du Gouvernement pour que nos courriers reçoivent une réponse dans des délais raisonnables. Ainsi, je n’aurais pas posé cette question orale s’il avait été répondu à mon courrier du mois de mars à Mme le ministre de l’écologie. (JO Sénat du 06/07/2011 – page 5855).