Corre (70) : remblais illégaux dans le lit majeur et sur la rive gauche de la Saône au sein du périmètre Natura 2000, la CPEPESC saisit le tribunal administratif pour contraindre les pouvoirs publics à agir
En février 2017, l’association apprenait l’existence d’un vaste remblai de pierres et autres déchets inertes en bordure immédiate de la rivière Saône, en rive gauche, au lieu-dit Sur le Champ Choix, sur le territoire de la commune de CORRE. Il représente aujourd’hui un volume cumulé de plusieurs centaines de mètres cubes et couvre une surface atteignant 570 m².
Cet important dépôt a été effectué sans procédure préalable concernant son incidence sur le milieu naturel et sans que son auteur ne dispose des autorisations requises au titre du Code de l’Environnement.
Au titre de la loi sur l’eau, ces travaux/dépôts relèvent incontestablement de la nomenclature officielle annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement qui liste les opérations soumises à autorisation ou à déclaration au titre de la législation « eau et milieux aquatiques » :
Tout d’abord, au titre de la rubrique :
3. 2. 2. 0. Installations, ouvrages, remblais dans le lit majeur d’un cours d’eau :
Surface soustraite supérieure ou égale à 10 000 m2 (Autorisation)
Surface soustraite supérieure ou égale à 400 m2 et inférieure à 10 000 m2 (Déclaration)
Au sens de la présente rubrique, le lit majeur du cours d’eau est la zone naturellement inondable par la plus forte crue connue ou par la crue centennale si celle-ci est supérieure.
La surface soustraite est la surface soustraite à l’expansion des crues du fait de l’existence de l’installation ou ouvrage, y compris la surface occupée par l’installation, l’ouvrage ou le remblai dans le lit majeur.
Mais également, au titre de la rubrique :
3. 1. 4. 0. Consolidation ou protection des berges, à l’exclusion des canaux artificiels, par des techniques autres que végétales vivantes :
Sur une longueur supérieure ou égale à 200 m (A).
Supérieure ou égale à 20 m mais inférieure à 200 m (D)
Cette dernière rubrique n’a, à notre sens, pas été retenue à tort par l’administration puisque les remblais ont été déversés par l’exploitant, M. Guillaume JOLIMAITRE, dans le but de consolider illégalement les berges de la Saône au niveau d’un méandre dont l’érosion naturelle s’effectue au sein du lit majeur du cours d’eau qui divague normalement dans son espace de liberté.
Le dépôt d’un dossier « loi sur l’eau », régulier et complet, aurait normalement permis aux services de l’État d’apprécier l’impact de l’opération projetée et de fixer les prescriptions indispensables et/ou mesures compensatoires à la préservation des intérêts protégés par la législation sur l’eau et les autres intérêts visés par le Code de l’Environnement, d’autant que ces remblais sont situés dans le périmètre du site Natura 2000 « Vallée de la Saône » et que leur réalisation était normalement soumise à évaluation d’incidence au titre de l’article L.414-4 III 1°) et R.414-19 I 4°) du Code de l’Environnement.
Informée, l’administration a mis en demeure l’exploitant de procéder à la régularisation administrative de ces travaux par arrêté 70-2017-08-29-003 signé le 29 aout 2017, en déposant soit un dossier de déclaration loi sur l’eau, soit une demande de remise en état des lieux dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision préfectorale.
C’est dans cet arrêté que l’on apprend que les services de l’ONEMA (devenu AFB au 1er janvier 2017) ont procédé à un premier contrôle dès le 29 avril 2016. A cette époque, la surface des remblais couvrait encore moins de 400 m². Monsieur Guillaume JOLIMAITRE a alors été informé de la réglementation applicable aux travaux de remblaiement en lit majeur d’un cours d’eau par courrier en date du 21 juillet 2016.
Errare humanum est, perseverare diabolicum
Un second contrôle, effectué le 26 février 2017, a révélé que la surface des remblais avait augmenté passant de 278 m² à 570 m². Un rapport de manquement administratif daté du 21 avril 2017 a alors été communiqué à M. Guillaume JOLIMAITRE par le service en charge de la police de l’eau de l’axe Rhône/Saône conformément à l’article L. 171-6 du code de l’environnement, lequel est resté sans réponse de sa part. L’AFB a par ailleurs dressé un procès-verbal, clôturé le 1er juin 2017, pour exécution de travaux nuisibles à l’eau et au milieu aquatique sans détenir de récépissé de déclaration.
Après avoir constaté le 8 décembre 2017 que M. JOLIMAITRE n’avait pas satisfait aux obligations prévues par la mise en demeure et lui avoir adressé un nouveau rapport de manquement en date du 11 janvier 2018 qui, comme pour le premier, n’a fait l’objet d’aucune réponse, Monsieur le Préfet a pris le 12 mars 2018 l’arrêté n°70-2018-03-12-002 prononçant une amende administrative d’un montant de 500 euros considérant que cette sanction était adaptée en vue de mettre un terme aux dommages sur l’environnement causés par les travaux de M. JOLIMAITRE.
Mais, le 7 mai 2018, la CPEPESC a constaté que le site était toujours encombré par lesdits remblais. L’amende prononcée à l’encontre de l’exploitant, dont on ignore d’ailleurs si elle a pu être recouvrée, n’a donc toujours pas atteint le but escompté.
Sachant que la situation sur le terrain demeure inchangée et que le non-respect de la mise en demeure du 29 août 2017 constitue un manquement caractérisé et réitéré, la CPEPESC a demandé le 17 mai dernier à Monsieur le Préfet d’ordonner la remise en état des lieux en application du 4e alinéa de l’article L. 171-7 du code de l’environnement et ce indépendamment des sanctions qui pourraient encore être prises en vertu des dispositions du II de l’article L. 171-8 du même code :
« S’il n’a pas été déféré à la mise en demeure à l’expiration du délai imparti, ou si la demande d’autorisation, d’enregistrement, d’agrément, d’homologation ou de certification est rejetée, ou s’il est fait opposition à la déclaration, l’autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code ».
On attend les prochaines inondations?
Confrontée au refus tacite de Monsieur le Préfet de donner la suite qu’il convient au non-respect de sa mise en demeure, la CPEPESC a demandé l’arbitrage du tribunal administratif par une requête déposée le 25 juillet 2018.
Aujourd’hui, la situation administrative n’a toujours pas été régularisée, la réglementation demeure totalement bafouée nonobstant l’existence d’une mise en demeure préfectorale. A la date du 18 octobre 2018, suite à une nouvelle visite sur les lieux, la CPEPESC est en mesure de préciser que les remblais encombrent toujours la rive gauche de la Saône.