Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

De lourds travaux agricoles de girobroyage dans un site NATURA 2000 sanctionnés par la justice à DAMPVALLEY-LES-COLOMBE (70)

publié le1 mars 2019

Les 20 et 21 avril 2018, Monsieur Laurent GOISET, exploitant en agriculture biologique depuis 2015, a fait procéder par l’entreprise LAMBOLEY domiciliée à BOUHANS-LES-LURE au girobroyage mécanique de plus de 3 ha de fruticée au sein du site NATURA 2000 des Pelouses de la région vésulienne et de la Vallée de la Colombine au niveau de la commune de DAMPVALLEY-LES-COLOMBE, lieu-dit Côte de Roncourt.

Compte tenu de l’impact de l’opération sur les habitats d’espèces et les espèces protégées (cf. infra), la CPEPESC a déposé plainte dès le 5 juin 2018 auprès du procureur de la République du tribunal correctionnel de Vesoul.

Des travaux aussi lourds, à cette période, devaient en effet être soumis à autorisation au titre des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement et nécessitaient donc le dépôt d’un dossier de demande de dérogation en application de l’arrêté ministériel du 19 février 2017 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées.

L’autorisation requise en pareilles circonstances n’a apparemment pas été sollicitée.

Comme l’enquête de l’ONCFS l’a montré, les habitats naturels détruits (milieux arbustifs et bosquets) constituaient des biotopes de reproduction et des sites de repos de nombreuses espèces de l’avifaune protégée au sens de l’article L. 411-1 du code de l’environnement. Parmi les espèces à enjeux de conservation (Listes rouges ou annexe I de la Directive oiseaux) inféodées à ces milieux particuliers, signalons notamment la présence de l’Alouette lulu, du Tarier pâtre, du Bruant jaune ou encore de la Pie-grièche écorcheur.

En outre, au vu de la date des travaux, il était également reproché à Monsieur GOISET d’avoir détruit des nids de ces mêmes espèces.

Le fait de porter atteinte à l’intégrité physique des individus d’espèces protégées et à la conservation d’habitats naturels de ces mêmes espèces est constitutif de DELITS de destruction d’espèces et d’altération et dégradation d’habitats d’espèces protégées, délits prévus et réprimés par l’article L. 415-3 du code de l’environnement et dont les actes sont susceptibles de faire l’objet d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.

Sur l’élément intentionnel

L’élément moral est pleinement constitué puisque M. GOISET savait que les opérations de girobroyage, menées sur un site NATURA 2000 et effectuées en période de nidification, étaient dommageables tant aux habitats qu’aux espèces associées.

D’une part, Monsieur GOISET, désormais converti à l’agriculture biologique, exploite depuis plusieurs années des terrains localisés sur le site de la Réserve naturelle nationale du Sabot de Frotey-lès-Vesoul et est bénéficiaire de contrats NATURA 2000 sur le secteur. En 1999, il avait déjà engagé des travaux (arasement partiel d’un murger et girobroyage de la végétation) en méconnaissance de la réglementation de la réserve. Monsieur GOISET avait versé une amende de composition au Trésor public en application de l’article 41-2 du code pénal dans sa version en vigueur à l’époque des faits. Il ne pouvait donc faire valoir son ignorance en matière d’enjeux liés à la biodiversité dans le cadre de cette nouvelle affaire.

D’autre part, les travaux qu’il a commandés à l’entreprise LAMBOLEY auraient pu et auraient dû être effectués en hiver, hors période pluvieuse, après réalisation d’un diagnostic écologique initial afin de s’assurer que le but poursuivi (réouverture du milieu en déprise) présentait une réelle plus-value environnementale.

Enfin, l’argument en défense avancé selon lequel il n’aurait pu percevoir les aides au titre de la PAC et d’un futur contrat NATURA 2000 si les travaux n’étaient pas réalisés avant le 15 mai n’est qu’un prétexte d’ordre économique qui ne peut justifier les atteintes et les dommages relevés sur les habitats et les espèces protégées.

Sur l’élément matériel

L’infraction est matérialisée par les faits et les actes commis à l’initiative de M. Laurent GOISET. Les travaux engagés, conduits en période de reproduction de l’avifaune, sont à l’origine de dommages et d’atteintes à plusieurs espèces patrimoniales protégées qui se sont trouvées confrontées à l’altération/dégradation de leurs habitats nécessaires à l’accomplissement de leur cycle biologique au printemps 2018.

Condamné à verser une amende de composition pénale et des dommages et intérêts à la CPEPESC

Le procureur a proposé une procédure de composition pénale pour les seuls faits d’altération et de dégradation d’habitats d’espèces animales protégées non domestiques qui a été acceptée par le mis en cause le 4 février 2019 et validée quatre jours plus tard par la Présidente du TGI de Vesoul. Reconnaissant sa culpabilité, il a écopé d’une amende de 750 euros et a par ailleurs été condamné à verser à la CPEPESC, en réparation de son préjudice, la somme de 600 euros au titre des dommages et intérêts.