Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

« Je n’ai jamais été indifférent, j’ai regardé, écouté, goûté, touché, respiré, aimé. Aimé toute chose et toutes choses, belles et laides, émerveillé par les miracles qui m’entourent et dont je suis fait. »

publié le18 avril 2008

« J’ai des amis chasseurs. Ils ne sont pas tout à fait mes amis. Il y a leur fusil entre nous. Et vous qui êtes chasseur et qui me lisez, vous êtes aussi presque mon ami. C’est pour eux, c’est pour vous que j’écris ceci : la prochaine fois que vous irez à la chasse, essayez, honnêtement, de faire ce petit exercice, au moins une fois : quand vous aurez un oiseau ou un lapin au bout de votre canon, n’appuyez pas aussitôt sur la détente. En un instant, regardez-le, VOYEZ-LE, tel qu’il est, miracle de vie en mouvement, combinaison prodigieusement organisée de chair, de sang. d’efficacité et de beauté. 

Il a fallu trois milliards d’années pour le fabriquer et le mettre au point dans sa perfection. Allez-vous le détruire. VOUS ?
Si votre index appuie, voilà, vous n’êtes plus que cela, réduit à la dimension de cette phalange, commandée par un instinct automatique qui est devenu votre maître et sous laquelle votre personnalité disparaît.

Si vous VOYEZ, si vous admirez et laissez vivre, c’est votre esprit qui est entré en jeu, votre esprit d’homme capable de comprendre et d’aimer. Et alors, quelle Joie vous éprouverez, qui se renouvellera sans cesse…
Pour avoir VU la VIE en un instant, vous allez la reconnaître et la voir partout.

Dans ces arbres nus parmi lesquels vous marchiez sans les regarder et dont chaque cellule prépare avec puissance, avec obstination, le retour du printemps. Sous l’herbe sèche que vous foulez, et dont les racines vives contiennent les plans et l’élan de l’herbe nouvelle. Dans la motte de terre que votre semelle aplatit, et qui abrite autant de vies microscopiques qu’un ciel d’étoiles. Et en vous-même, qui sans cesse oubliez que vous vivez… »

Ce texte est extrait d’un article intitulé « Laissez les vivre » de l’écrivain René Barjavel paru dans le Journal du Dimanche du 30 novembre 1975.

Quelques semaines avant sa disparition en 1985, cet autour résumait : « Je n’ai jamais été indifférent, j’ai regardé, écouté, goûté, touché, respiré, aimé. Aimé toute chose et toutes choses, belles et laides, émerveillé par les miracles qui m’entourent et dont je suis fait. »