Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

La bromadiolone n’a pas été interdite : Une hécatombe annoncée pour le milan royal

publié le30 novembre 2011

En un mois, 22 rapaces, dont le très menacé milan royal, ont été retrouvés morts en Auvergne, dans des parcelles traitées à la bromadiolone. Dans un communiqué du 30 novembre 2011, la LPO dénonce l’utilisation de ce poison anticoagulant aux effets, hélas bien connus, sur l’ensemble de la faune et exige une suspension immédiate des campagnes de traitements dans les zones fréquentées par ce rapace.

« Parmi les 22 cadavres découverts dans le Puy-de-Dôme, 14 sont des milans royaux et 8 des buses variables, deux espèces protégées par la loi. Tous ces cadavres ont été découverts sous des reposoirs dans des secteurs traitées avec de la bromadiolone. Cet anticoagulant est utilisé pour lutter contre les populations de campagnols terrestres, qui provoquent des dégâts à la production de fourrage.

Hélas, la bromadiolone ne tue pas que le campagnol terrestre. Lorsqu’elle est épandue sur de vastes surfaces, comme c’est le cas en ce moment, son usage s’avère catastrophique puisqu’elle tue également les prédateurs naturels des campagnols (rapaces, hermines, renards), les oiseaux granivores, la faune chassable (sangliers, chevreuils, lièvres) et les animaux domestiques (chats et chiens). Dans les années 1980-1990, l’emploi massif de la bromadiolone avait provoqué un déclin de 80 % de la population de milans royaux dans le Doubs.

En cette période, où près de 400 milans royaux se nourrissent dans ces secteurs traités, la LPO constate que ces campagnes de traitements provoquent une nouvelle hécatombe. Au printemps, la moitié des couples de milans royaux, nichant dans un secteur des volcans d’Auvergne, avait déjà disparu sur des zones traitées.

La LPO déplore l’immobilisme et le mutisme des services de l’Etat en Auvergne, pourtant alertés de la situation catastrophique actuelle. La nocivité de cette substance n’est plus à démontrer.

L’utilisation de ce poison devait d’ailleurs être interdite, sur le territoire français, à partir du 31 décembre 2010, mais elle a finalement été à nouveau autorisée par l’Europe et le ministère de l’Agriculture.
Pourtant, des techniques alternatives à la lutte chimique (piégeage, travail du sol…) existent et ont prouvé leur efficacité. Une politique de gestion des milieux, favorisant un paysage agricole diversifié (haies, boqueteaux), s’avère également être un meilleur antidote à la prolifération des rongeurs.

Une nouvelle fois, la LPO déplore l’incohérence des politiques publiques. Faut-il encore rappeler que la France abrite la deuxième population mondiale de milans royaux après l’Allemagne ? Elle a donc une lourde responsabilité dans la conservation de ce rapace présent uniquement en Europe. La situation est d’autant plus déplorable et paradoxale que le milan royal bénéficie d’un plan national de restauration et d’un plan d’action européen.

Dans l’attente des résultats toxicologiques, la LPO demande la suspension immédiate de tous les traitements à la bromadiolone dans les zones fréquentées par le milan royal. Le principe de précaution s’impose !

Fiche signalétique

Le milan royal (Milvus milvus) est un rapace diurne de grande taille. D’une longueur de 59 à 66 centimètres pour une envergure de 145 à 165 centimètres, il pèse entre 800 et 1 050 grammes pour les mâles et 950 à 1 300 grammes pour les femelles.
Il se reconnaît à sa longue queue rousse triangulaire et profondément échancrée, typique de l’espèce.

Menaces

• La dégradation de son habitat et la disparition de ses proies ;
• Les empoisonnements accidentels et volontaires ;
• La diminution du nombre de décharges (où ce rapace, aux mœurs de charognard, trouve sa nourriture) ;
• Les tirs ;
• Les collisions avec les voitures, les lignes électriques et les éoliennes.

Statuts

Suite à son déclin constaté entre 1990 et 2000, le statut européen du milan royal a évolué depuis 2005 : il figure désormais dans les catégories « en déclin » avec comme critère « déclin modéré et récent ». Inscrite sur la Liste rouge de l’UICN en raison de son endémisme européen, cette espèce est considérée, depuis cette date, comme quasi-menacée. En France, le milan royal figure désormais parmi les espèces vulnérables (liste rouge actualisée en 2008).

Distribution mondiale

La population nicheuse mondiale est exclusivement présente en Europe : l’Allemagne, la France et l’Espagne abritent, à elles trois, environ 72 % de la population mondiale. Si l’on ajoute la Suède, le Royaume-Uni et la Suisse, on obtient pour ces 6 pays environ 93 % de la population mondiale (20 800 à 24 900 couples).

En France, on distingue cinq foyers principaux :

• le Massif central
• l’ensemble du Piémont pyrénéen
• la Chaîne jurassienne
• les plaines du Nord-est
• la Corse.

Plus d’informations
Sur le site Internet : http://rapaces.lpo.fr/milan-royal