Le deal de Cléron! La fromagerie Perrin–Vermot doit «phosphorer» pour déphosphorer son rejet vers la Loue
Dans les développements d’algues et de cyanotoxines, le rôle du phosphore résiduaire dans les rivières est particulièrement montré du doigt. Le cas présent démontre que beaucoup reste à faire au niveau du contrôle des rejets résiduaires dans l’environnement.
A la suite du débordement survenu le 20 août 2010 d’effluents mousseux de sa station d’épuration, la direction de la fromagerie industrielle Perrin de Cléron (a), a cru bon de devoir réagir les jours suivants en diffusant largement un communiqué minimisant les faits et affirmant que de son coté malgré cet incident mineur tout était presque parfait. D’ailleurs l’entreprise est certifiée ISO 14001 depuis 2008. Comment ne pas la croire?
Mais reste que l’accident n’a été déclaré que le 23 août par téléphone à l’Inspecteur des Installations Classées alors que beaucoup d’eau avait coulé depuis dans le ruisseau de la Mée, affluent de la Loue, qui a reçu la pollution…et l’a évacuée, sans que celle-ci puisse être sérieusement constatée. Une étonnante zone d’ombre en quelque sorte bien pratique.
Depuis la CPEPESC s’est fait communiquer comme le permet la législation européenne d’accès aux documents environnementaux, le dossier « installation classée » de cette entreprise à la suite de la pollution.
Dix fois trop de phosphore rejeté
Elle y a relevé qu’à la suite d’une visite d’inspection inopinée, effectuée le 2 septembre 2010, soit une dizaines de jours après la pollution, les inspecteurs des Installations Classées avaient émis des observations concernant la surveillance de la « Qualité des effluents rejetés » par la station d’épuration de la Fromagerie Perrin_Vermot :
Extraits :
– « Contrôle documentaire des résultats d’analyse transmis:
En sortie de station d’épuration les valeurs limites sont systématiquement dépassées en concentration et en flux pour le paramètre « phosphore total». Le dépassement atteint un facteur 10 et plus par rapport à la valeur limite (remarque: le rendement d’épuration sur le phosphore est inférieur à 90%). ( b )
Les valeurs limites sont globalement respectées pour les autres paramètres (6 dépassements observés entre mars 2005 et mai 2008 sur les quatre autres paramètres).
– Analyses réalisées sur le milieu récepteur:
Les résultats d’analyses sur le milieu récepteur (deux analyses par an de la DB05 en amont et en aval du rejet) n’ont pas été vérifiés. »
Une source de phosphore à stopper
A la suite de ces remarques, les inspecteurs des installations classées, ont demandé à la fromagerie Perrin-Vermot de « commenter les dépassements constatés et d’étudier les moyens à mettre en œuvre pour respecter les valeurs limites, en concentration et en flux, pour le phosphore notamment » et de « réaliser une étude sur les mesures et/ou travaux à mettre en œuvre …pour respecter les seuils de rejets fixés ». (c)
Le bureau d’étude doit être choisi avant la fin de cette année 2010 ! Un échéancier de travaux devra être fixé.
Le même rapport de l’inspection des installations classées en date du 7 septembre 2010 fait aussi état de la non transmission à l’administration depuis 2008 des récapitulatifs des analyses et mesures qui doivent être effectuées sur l’eau tous les 2 mois et de la non régularisation de la situation administrative d’une ressource privée alimentant la fromagerie en eau pour laquelle une étude hydrogéologie a été réalisée.
Comme quoi, la peinture verte ISO 14001 n’efface pas tout (et donc qu’il serait malvenu de prétendre que la CPEPESC a fait inutilement lors du déversement polluant dans la Loue… tout un fromage!).
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Cet exemple illustre parfaitement que pour sauvegarder les rivières, et la Loue en particulier, il faut déjà commencer par exiger sur le terrain le respect des règles existantes en permanence, et non pas seulement quand il y a des problèmes. Il faudrait une vraie police de l’environnement.
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Notes :
(a) La station d’épuration actuelle (bio réacteur à membranes) de la Fromagerie Perrin-Vermot, fonctionne depuis octobre 2001. Elle possède en capacité de 17000 EH (traitement des eaux de lavage du travail de 180000 litres de lait par jour et du lactosérum acide correspondant).
(b ) En ce qui concerne le phosphore, l’entreprise Perrin-Vermot est tenue de respecter, selon les prescriptions préfectorales, en sortie de station d’épuration des valeurs limites suivantes tant en concentration, qu’en flux :
– concentration maximale instantanée : 4mg/l.
– concentration moyenne sur 24 h. : 2 mg/l. ou avoir un rendement d’épuration sur le phosphore : supérieur à 90%.
– flux maximum sur 24heures : 0,4 kg/jour.
( cf. alinéa 16.3, page 13 de l’arrêté préfectoral d’autorisation de 2001)
(c) Dans l’étude d’impact du dossier de régularisation d’autorisation, datant de mars 2000, on affirmait déjà que le seuil phosphore serait respecté: « Le nouvel outil d’épuration sera réalisé et mis en place par la société Orélis. Cette société, sur de sa technique et de son procédé, s’est engagée contractuellement (C’est-à-dire par écrit ) au respect des normes de rejet de l’ouvrage c’est-à-dire : Débit maximum journalier : 200m3 ; DCO : 18 kg/jour ; DBO5 : 6 kg/jour ; MES : 6 kg/jour ; Phosphore total : 0,4 kg/jour ; Ntk : 2 kg/jour ; » (Etude Impact ,paragr. « 4.2.2 EAU, page 50).
(d) Et pour la petite histoire, avant la station actuelle mise en service 2001, c’était comment?
Extrait de l’étude d’impact de cette époque :« Le SATESE du Doubs a réalisé des bilans Entrée-Sortie de la station d’épuration entre le 8 novembre 1993 et le 20 janvier 1999. Durant cette période nous pouvons constater que la station avait un fonctionnement difficile en particulier avant la mesure du 26/9/96. Son fonctionnement n’assurait pas l’épuration des effluents de façon suffisant par rapport aux normes de rejet de l’arrêté. Les moyennes des rendements épuratoires sont comprises entre 82,64% et 94,41% ce qui est faible pour une installation de ce type » (E.I., p23/54).