Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

L’élevage industriel, à l’origine de l’épidémie de grippe aviaire ?

publié le7 mars 2006

La grippe aviaire et le virus H5N1 défraient la chronique. Si les victimes animales et les risques de contagion à l’homme sont régulièrement évoqués, il est plus rare de mentionner les travaux scientifiques qui soulignent que l’épidémie actuelle est liée à la réactivitation d’un virus connu depuis plus de 40 ans.

Le H5N1 serait devenu aussi virulent à cause de l’organisation mondiale de la production de poulets qui concentrent, en Asie du Sud Est, 40 % des élevages mondiaux.

Dans son numéro de décembre 2005, le magazine anglais The Ecologist est revenu à la charge avec des accusations plus précises contre l’élevage asiatique et les supermarchés Tesco. La journaliste Pat Thomas consacre un long article à l’écologie du virus AH5N1 ou plus simplement H5N1, désormais célèbre en France. Elle rappelle les hécatombes d’oiseaux que ce virus avait causées au siècle précédent. Les collections de tissus permettent en effet de trouver l’ARN d’un virus, donc son identité, des décennies après ses ravages.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), écrit-elle, H5N1 a sévi dans 4 des 21 grippes d’ élevages industriels, recensées en quarante ans. Il a d’abord frappé des poulets en Ecosse en 1959, puis des dindes en Angleterre en 91. En 1996 et 1997, on l’a retrouvé à Honk Kong (Chine) sur des poulets, et de nouveau en 2002. Ceci ne signifie pas que H5N1 n’ait pas touché d’autres oiseaux, des basse-cour ou migrateurs sauvages mais il ne les tuait pas en masse. Un virus peut rester dormant et passer inaperçu chez les porteurs sains, voire dans toute une population.

La cinquième épidémie de H5N1 a débuté en décembre 2003 et n’a pas cessé depuis lors. Elle vient de ravager en France, une unité de 11000 dindes, à Versailleux dans l’Ain.

5 millions de poulets dans un élevage thaï

Cette grippe aviaire très violente a d’abord éclaté, en même temps, dans les élevages d’Indonésie, de Thaïlande, de Chine et du Japon. En Thaïlande, explique le bulletin n’° 17 de l’OIE, l’Office international des épizooties (janvier 2004), la maladie est apparue dans l’un des huit bâtiments d’un « élevage traditionnel » de 66 350 poules pondeuses dont 6180 sont mortes de grippe et le reste rapidement euthanasié.

On peut s’interroger sur le confort animal quand l’OIE entend par « élevage traditionnel » une telle concentration d’animaux. Pour The Ecologist, H5N1 est un virus des élevages industriels.

Or l’Asie du sud-est nourrit 7 milliards de poulets : 40 % de la volaille du monde ! Beaucoup sont destinés aux marmites locales, mais l’Asie est aussi un gros exportateur. La Thaïlande tient le 4è rang, derrière les Etats Unis, le Brésil et l’Union Européenne dans les ventes de poulets mondiales. Les élevages atteignent, dans ce pays, des tailles gigantesques où les conditions d’élevage sont effroyables. On parle de 5 millions d’oiseaux sur une seule exploitation, avec des pollutions considérables de l’air et de l’eau.

A ce stade, l’exploitant n’est plus éleveur ni soigneur, mais un gardien distribuant des granulés et des aliments facteurs de croissance, dans l’incapacité de détecter le malaise d’un animal.

Le problème réside, selon la journaliste anglaise Pat Thomas, « dans le droit héréditaire à la nourriture bon marché que s’arroge l’Occident ». Et de conclure : « Si le virus mutait pour devenir contagieux chez l’homme, nous serions pris à notre propre traquenard. »

Tous les trente ans, les humains subissent une pandémie de grippe (épidémie mondiale) dont la pire fut celle de 1918 dite « grippe espagnole » qui décima une population affaiblie par la guerre. En effet la promiscuité et la sous-alimentation augmentent la virulence de la grippe et sa mortalité, autant chez l’homme que chez les animaux.

La dernière pandémie de grippe remonte à cinquante ans, ce qui inquiète les virologues. Leur réseau de surveillance couvre le monde entier. Dès qu’ils observent la mutation d’un virus de grippe humaine, un vaccin est mis en chantier et l’automne venu, dans l’hémisphère opposé, on vaccine la population âgée. L’expérience a montré que les virus de grippe mutaient en hiver, là où sont concentrés populations, porcs ou volailles, en Asie et au Brésil.

La vaccination, qui exige de manipuler les virus, peut entraîner des mutations imprévues. Ceci explique la réticence des autorités à vacciner les poulaillers contre H5 N1. Elles préfèrent se concentrer sur les pensionnaires des zoos ou les oies et les canards dans l’Ouest de la France de crainte de contact avec les oiseaux migrateurs.

Les Pays-Bas, en revanche, vaccinent leurs élevages intensifs, au risque de transformer le virus des oiseaux en ennemi du genre humain. Les éleveurs français se résolvent eux à un confinement dont ils sentent bien qu’il ne renforce pas l’immunité de leurs volailles.

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