Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

MALBOUHANS. Pourquoi faut-il à tout prix sauver ce site exceptionnel de biodiversité?

publié le27 mai 2016

Les sols de l’ancien terrain d’aviation militaire de Malbouhans ont comme ceux de certains autres camps militaire été épargnés par l’exploitation agricole intensive. A Malbouhans, ils ont bénéficié longtemps d’un entretien minimal sans labours et traitements chimiques ce qui leurs confère un intérêt écologique de premier ordre pour le département et la région.

Situé sur les communes de La Neuvelle-lès-Lure, Malbouhans, Saint-Germain et Roye, le site constitue un exceptionnel joyaux de notre patrimoine naturel de part les espèces et les habitats qu’il abrite.

L’intelligence voudrait qu’une protection règlementaire efficace soit rapidement mise en place pour en conserver tout la biodiversité et non pas sa dénaturation par la construction d’une ZAD qui pourrait être installée ailleurs.

Courte présentation

Les anciennes conditions d’entretien de sols de Malbouhans ont permis la conservation de deux habitats d’intérêt communautaire, dont un prioritaire, selon la Directive Habitats-Faune-Flore 92/43 de l’Union européenne : une prairie maigre de fauche de l’Arrhenatherion (code Corine Biotope 38.2) riche en fleurs et des grandes surfaces de pelouses siliceuses du Violion caninae (habitat prioritaire, code Corine Biotope 35.12). Deux autres habitats remarquables complètent cet ensemble : des pelouses siliceuses ouvertes couvrant une très grande superficie  une étendue de cette importance à cette altitude et dans un tel contexte géomorphologique est rarissime en Franche-Comté  et de rares prairies à molinies.

L’absence depuis 2003 d’un entretien extensif par une fauche tardive est grandement préjudiciable à la conservation des prairies de l’Arrhenaterion et secondairement des pelouses du Violion caninae.

Certaines des plantes qui y ont été inventoriées ne sont connues que dans quelques stations du département ou de la région. Dix espèces au minimum sont concernées dont une, Jasione montana est cartographiée dans l’« Atlas des plantes rares ou protégées de Franche-Comté [[Ferrez Y. Prost J.P. (2001).- Atlas des plantes rares ou protégées de Franche-Comté : 312 p.]] » . A titre d’exemple, citons le rare Peucedanum oreoselinum, seule station connue du département, Teesdalia nudicaulis très rare en Franche-Comté à basse altitude, Jasione montana qui n’est actuellement recensée que dans 14 communes de la région, enfin Hernaria glabra très rare dans le département. Par ailleurs, le site héberge de belles populations d’orchidées (Orchis morio et Orchis ustulata notamment).

Chez les oiseaux, parmi une quarantaine d’espèces recensées à ce jour, il faut noter surtout la présence en période de nidification de quelques espèces remarquables en raison de leur statut de conservation défavorable : Caille des blés Coturnix coturnix, Alouette des champs Alauda arvensis, Torcol fourmilier Jynx torquilla, Pie-grièche écorcheur Lanius collurio, Tarier des prés Saxicola rubetra, Tourterelle des bois Streptopelia turtur, etc. Toutes ces espèces accusent un déclin à l’échelle nationale ou européenne (Rocamora & Yeatman-Berthelot, 1999 [[Rocamora G., Yeatman-Berthelot D. (1999).- Oiseaux menaces et à surveiller en France.Listes rouges et recherches de priorités. Populations. Tendances. Menaces. Conservation. Société d’Etudes Ornithologiques de France/Ligue pour la Protection des Oiseaux. Paris : 560 p.]] ). La Pie-grièche écorcheur est inscrite en Annexe I de la Directive Oiseaux 79/409/CEE et est intégralement protégée sur l’ensemble du territoire nationale. Les populations d’Alouette des champs (une trentaine de chanteurs), de Tarier des prés (15-20 couples selon les années) peuvent être considérées comme exceptionnelles dans ce contexte de pelouses semi-naturelles thermophiles.
En terme d’effectifs, la population nicheuse de Tarier des prés de l’aérodrome de Lure/Malbouhans équivaut à celle du Parc Naturel régional des Ballons des Vosges, versant franc-comtois (= 49 communes), c’est dire tout l’intérêt de cette zone pour ce turdidé. « Source démographique », le site de Malbouhans contribue sûrement à alimenter en oiseaux nicheurs la population – au faible succès reproducteur – du Breuchin localisée à une douzaine de kilomètres seulement à vol d’oiseau.
Le Tarier des prés figure désormais en liste rouge régionale, dans la catégorie vulnérable[[Paul J.-P. (2007).- Liste rouge des Mammifères (hors Chiroptères), Oiseaux, Reptiles et Amphibiens en Franche-Comté. Liste préalable au projet d’Atlas de la faune menacée de Franche-Comté. LPO Franche-Comté : 17 p.]].

D’autres vertébrés ont été observés au cours des différentes prospections organisées. Il s’agit de deux espèces de reptiles : la Coronelle lisse Coronella austriaca et le Lézard agile Lacerta agilis. Si le statut de la Coronelle n’est pas jugé préoccupant en Franche-Comté, elle est, en revanche, notée en régression dans plusieurs pays d’Europe[[Corbett K. (1989).- Conservation of European Reptiles and Amphibians. C.Helm (éd.), London]]. Le Lézard agile est la seule espèce de lézard de la région à figurer dans la liste des espèces prioritaires du document intitulé « Plan d’actions pour les Reptiles et les Amphibiens » publié en 1996 sous l’égide du Ministère de l’Environnement.

Ce camp héberge également des espèces d’invertébrés. Un transect, réalisé en 2002 et complété en 2003, a permis de relever une grande diversité de papillons, notamment dans le groupe des Lycènes inféodés aux milieux herbacés secs. Les différents représentants de ce groupe connaissent aujourd’hui une régression particulièrement marquée sur les zones de plaine soumises à une exploitation agricole intensive. C’est surtout la présence du Cuivré des marais Lycaena dispar et du Damier de la Succise Euphydrias aurinia qui confère au site un intérêt majeur. En effet, ces deux papillons, menacés en France et inscrits en Liste Rouge nationale, sont intégralement protégés sur l’ensemble du territoire métropolitain par l’arrêté du 22 juillet 1993 qui permet en outre la protection de leurs habitats respectifs [[Maurin H, Keith P. (1994).- Inventaire de la faune menacée en France. MNHN, WWF-France. Nathan, Paris : 175 p.]]. Ils figurent également en Annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore.

NDLR:

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