Travaux agricoles dommageables à l’environnement dans les Ardennes
La CPEPESC nationale saisit le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne suite au refus d’agir préfectoral concernant des travaux agricoles dommageables à l’environnement et à la biodiversité sur le territoire de trois communes contiguës du département des Ardennes .
Dès octobre 2020, l’association constatait la réalisation de travaux agricoles impactant des éléments topographiques du paysage sur le territoire de la commune de VILLERS-SUR-LE-MONT au lieu-dit Le Poirier Grand-Mère et Sur la Cave. Cette opération s’est soldée par l’arasement d’une haie discontinue sur ~220 ml, composée de buissons clairsemés, d’un bosquet et d’un groupe d’arbres à haut jet.
Ces travaux encore limités, bien que portant déjà atteinte à la conservation d’habitats d’espèces protégées , ne se sont malheureusement pas arrêtés là.
D’autres visites/contrôles ont ainsi permis de constater de multiples autres dommages occasionnés aux milieux. L’extension de ces travaux préjudiciables à l’environnement a conduit la CPEPESC a alerté les services de l’État dès le 13 janvier 2021 (DDT et OFB) mais ces derniers n’ont pas estimé nécessaire de lui répondre. Elle indiquait notamment que ces opérations étaient rarement limitées au seul arasement des éléments marquants du paysage et qu’il y avait fort à craindre qu’elles s’accompagnent, au moins pour partie, d’une extension des surfaces cultivées au détriment des prairies. Les constats ultérieurs donnent raison à la CPEPESC .
A ce jour, notre association ne sait pas si un contrôle a été réalisé mais tout porte à croire, vu les dommages encore constatés postérieurement, que l’OFB et la DDT ne se sont pas déplacés laissant ainsi les responsables poursuivre sans être inquiétés leurs interventions sur les milieux naturels.
Confrontée à la carence de la police de l’environnement.
La CPEPESC a donc adressé le 12 mars 2021 un recours gracieux au Préfet des Ardennes dans lequel elle lui signalait la réalisation de ces travaux litigieux ayant conduit à la destruction de plusieurs centaines de mètres linéaires de haies, de bosquets et d’arbres de haut jet ainsi qu’au comblement d’une mare, sur trois secteurs : un au nord-ouest de VILLERS-SUR-LE-MONT entre les lieux-dits Le Poirier le Prêtre et la Belle Epine le long de la RD66 ; un au sud de VILLERS-SUR-LE-MONT au niveau des lieux dits La Louvière, Le Poirier Grand-Mère, Sur la Cave et Le Gros Terme ; un au nord de SINGLY, au lieu-dit La Fachette.
Dans ce même courrier, la CPEPESC soulignait que ce secteur, à vocation herbagère, était notamment connu pour abriter des espèces de l’avifaune protégée dont plusieurs à enjeu patrimonial car inscrites en Listes rouges régionale et/ou nationale des espèces menacées, et portait à la connaissance de la préfecture la présence en période de reproduction a minima du Bruant jaune, de la Chevêche d’Athéna, du Faucon crécerelle, de la Linotte mélodieuse, du Moineau friquet, de la Pie-grièche écorcheur, du Tarier pâtre et du Verdier d’Europe, autant d’espèces dont la préservation est liée au maintien de vastes ensembles prairiaux entrecoupés de formations arbustives et arborées. Cette liste initiale a été complétée par les données collectées au gré des investigations de terrain.
Elle insistait sur le fait que les différents travaux réalisés portent indiscutablement atteinte à la conservation d’habitats d’espèces protégées et ne pouvaient être effectués sans les autorisations requises au titre des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement sachant que les milieux impactés constituaient tout à la fois des sites de reproduction et/ou des aires de repos au sens de l’article 3 de l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection
Tirant les conséquences d’interventions menées sans que les principes, inscrits à l’article L. 110-1 du code de l’environnement depuis la promulgation de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016, d’actions préventive, de correction à la source des atteintes à l’environnement et de non régression (absence de perte nette de biodiversité) n’aient été suivis, notre association demandait au préfet de mettre en demeure le(s) intéressé(s) de régulariser sa/leur situation en déposant soit un dossier de dérogation tel que prévu au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, soit une demande de remise en état.
Entre-temps, les travaux se sont poursuivis avec des premiers retournements d’habitats prairiaux à VILLERS-SUR-LE-MONT et à SINGLY et des épandages de glyphosate sur deux parcelles classées en prairies permanentes au titre du dernier Registre parcellaire graphique (l’une de ± 4 ha sur la première commune et l’autre de la même surface sur la seconde). En outre, de nouveaux constats d’arasements de haies et de bosquets sur une commune riveraine à BOULZICOURT contribuant à artificialiser, banaliser toujours plus les milieux en présence, ont de nouveau fait l’objet d’un signalement aux services de la DDT et de l’OFB par un courriel du 31 mars 2021. Pas plus que le premier ce signalement ne donnera lieu à une réponse, ni même à un accusé de réception.
C’est par un courrier daté du 16 mai 2021, reçu le 25 mai, soit après le délai de deux mois imparti à l’administration pour répondre au recours amiable de la CPEPESC en date du 12 mars, que le Préfet confirme son refus implicite et répond en ces termes à la demande de la requérante après avoir accentué son courrier sur l’écoconditionnalité des aides de la PAC alors même que l’association ne l’interpellait nullement sur cet aspect :
« En ce qui concerne le volet environnemental, pour intervenir au titre des espèces protégées et demander au responsable des travaux de régulariser la situation, il faut être en mesure de démontrer par des constats récents et précis, que les haies en question sont effectivement un site de reproduction d’espèces protégées au moment des travaux et que le milieu environnant ne présente pas des caractéristiques favorables à la nidification des espèces dérangées ».
Si cette réponse constitue d’abord une fin de non-recevoir au recours gracieux de la CPEPESC en tant que décision confirmative du rejet implicite, elle est avant tout révélatrice, de la part des services de l’État et de son premier représentant, d’une méconnaissance totale des notions de base en biologie des populations animales et de la réglementation relative aux espèces protégées.
Le préfet n’envisage ainsi la question que sous l’angle de l’aspect reproducteur des espèces protégées considérées, écartant à tort le régime de protection qui s’applique également aux aires de repos et tente de justifier pour le moins maladroitement l’absence d’atteinte, par le report des espèces sur les milieux environnants.
Un tel raisonnement, qui valide le fait accompli, cautionne l’acte délictuel et sonne comme un déni de la prise en compte du déclin généralisé des espèces d’oiseaux spécialistes des milieux agricoles, contrevient totalement aux dispositions de l’article 3 de l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection:
« Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente ainsi que dans l’aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques ».
De nouvelles investigations menées en mai et en juin 2021 au cours desquelles la CPEPESC observera ce qu’elle n’avait encore jamais vu sur le terrain (des haies et une lisière, traitées au moyen d’un défoliant à VILLERS-SUR-LE-MONT permettent à la CPEPESC de dresser un bilan cinglant des travaux agricoles dommageables pour l’environnement et la biodiversité sur le territoire de trois communes limitrophes, BOULZICOURT, SINGLY et VILLERS-SUR-LE-MONT :
Que dire face à un tel bilan sinon qu’une partie du monde agricole continue à ignorer les alertes de la communauté scientifique sur le déclin généralisé de la biodiversité et plus particulièrement des populations d’oiseaux et que l’État et ses services, face à ce cuisant échec, continuent à fermer les yeux inlassablement.
Confrontée dans un premier temps au silence du préfet puis à son courrier, révélateur d’un refus d’agir manifeste de sa part malgré les alertes sur les travaux en cours et les constats catastrophiques qui en ont résulté, la CPEPESC a saisi le 15 juillet 2021 le tribunal de Châlons-en-Champagne d’un recours de plein contentieux.
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