Travaux sauvages dans le lit de la Seille (39) en 2005: Relaxe pour dysfonctionnement de la justice !!
La cour d’appel de Besançon par un arrêt du 14 juin 2011 relaxe le SERPAC et la DEAL au motif que plus d’une année s’est écoulée entre l’appel du ministère public et le mandement de citations. La CPEPESC s’interroge sur les causes d’une citation si tardive entrainant la relaxe des prévenus en dépit de faits avérés, dûment constatés et relevant d’infractions environnementales graves.
Voici les faits.
En 2005, le SERPAC (Syndicat intercommunal pour l’Etude et la Réalisation d’un Projet d’Assainissement Collectif) a fait réaliser des travaux dans la Seille pour raccorder Baume à une station d’épuration afin que les eaux usées de la ville ne se déversent plus directement dans la rivière.
Le 13 mai 2009, le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier déclarait le SERPAC et l’entreprise DEAL, coupables « d’exécution de travaux soumis à la loi sur l’eau non conformes à l’arrêté d’autorisation » du fait de ne pas avoir respecté sept des prescriptions qui assortissaient l’autorisation préfectorale de faire les travaux (1) . Ils ont été condamnés respectivement au paiement de sept amendes pour contravention de 1000€ chacune. Sur l’action civile, le TGI condamne l’entreprise DEAL et le SERPAC solidairement à payer au titre de dommages et intérêts 5000 euros à la CPEPESC et 15000 euros à la Fédération du Jura pour la pêche et la protection du milieu aquatique.
L’affaire a été frappée d’appel par la société DEAL le 15 mai 2009, par le SERPAC et par le ministère public le 19 mai 2009 tant sur les dispositions civiles que pénales.
A l’audience d’appel, la défense plaide d’emblée la prescription de l’ensemble des contraventions retenues en première instance. Il est fait état du délai écoulé entre les déclarations d’appel (mai 2009) et les citations pour l’audience d’appel (mars 2011). Le ministère public confirme cet état de fait et s’associe pleinement sur ce point aux conclusions de la défense. La cour d’appel de Besançon par son arrêt du 14 juin 2011 ne peut que constater la prescription de ces contraventions, réforme le jugement rendu en première instance et relaxe par conséquent les prévenus de ces chefs de prévention…
« Selon les observations de la défense et les réquisitions du ministère public, il s’avère que la 2ème série d’infractions, constituées de contraventions, est prescrite. Il est constant que l’appel du ministère public, soit le dernier en date, est du 19 mai 2009, et que le mandement de citations a été délivré le 8 mars 2011, soit plus d’une année après le dernier acte interruptif de prescription. La cour ne peut que constater la prescription sur ce point » [extrait de l’arrêt du 14 juin 2011 – (audience du 17 mai 2011)].
Comment fonctionne la prescription en droit pénal ?
La prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable. En droit pénal, la prescription de l’action publique pour les contraventions est d’un an (article 9 du code de procédure pénale), c’est-à-dire que l’auteur de l’infraction ne pourra plus être poursuivi à partir d’un an après la commission de l’infraction. S’agissant en l’espèce d’une infraction continue, c’est-à-dire se déroulant dans la durée, la prescription court à partir du dernier jour de l’acte délictuel. Toutefois la prescription n’est pas inéluctable, elle peut être interrompue ou suspendue par différents actes tels qu’un acte d’instruction, un acte de poursuite, une question préjudicielle ou encore un appel.
En l’espèce, les infractions se sont poursuivies entre le 27 juin 2005 et le 1er février 2006. La prescription court donc à partir du 1er février 2006. Plusieurs actes interruptifs sont intervenus et le dernier en date est l’appel du ministère public du 19 mai 2009. A partir de là, il restait un an pour pouvoir encore poursuivre les auteurs des infractions. Une année entière pour que la justice fasse son travail et produise un mandement de citations à l’encontre des prévenus. Mais cela n’aura pas suffit… et le mandement de citations n’a été délivré que le 8 mars 2011, soit plus d’un an après le dernier acte interruptif de prescription. Et pourtant, ce n’est pas faute pour la CPEPESC d’avoir relancé à plusieurs reprises les tribunaux s’agissant de l’avancement du dossier… (2)
Les prévenus sont donc relaxés en appel de sept infractions pour des raisons obscures en dépit de faits avérés, dûment constatés et relevant d’infractions environnementales graves.
La CPEPESC souhaite pointer le grave dysfonctionnement apparaissant dans la chaine pénale en amont de cette audience d’appel et s’interroge sur ce qui a empêché la cour d’appel de Besançon de ne pas citer dans les délais. Surtout que d’une part le TGI de Lons-le-Saunier fait état d’une transmission du dossier à la cour d’appel de Besançon en date du 20 novembre 2009 (ce qui correspond d’ailleurs aux indications portées sur les minutes de ces deux jugements reçues au siège de l’association). Et d’autre part le service de l’audiencement de la cour d’appel de Besançon nous confirme le 5 mai 2010 qu’il avait reçu le dossier de cette affaire le 18 janvier 2010, ce qui lui laissait là encore plusieurs mois pour citer dans les délais…
Manque de moyens ? Interférences politiques ? La CPEPESC souhaite que toute la lumière soit faite sur ce qui s’apparente aujourd’hui à un déni de justice…
CD.
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Notes des renvois :
(1)
– a) en omettant d’installer des batardeaux en sacs de sable ou palplanche en amont
– b) en installant une pompe dans une fosse naturelle du cours d’eau ou dans un trou creusé dans le lit du cours d’eau, alors qu’était prévue l’installation d’une pompe immergée dans la retenue créée par les batardeaux
– c) en ne renouvelant pas le barrage filtrant mis en place en aval à une fréquence suffisante pour garantir son bon fonctionnement
– d) en ne pompant pas les matières en suspension retenues avant l’enlèvement des barrages
– e) en n’exécutant pas toujours les travaux à sec
– f) en omettant de tenir compte des seuils tufeux de sorte qu’aucun d’entre eux n’a pu être conservé
– g) en omettant d’empêcher les rejets laitiers provenant de l’utilisation de béton dans la Seille.
(2)
notamment : le 26 octobre 2009 nous informons par mail la substitut du procureur du TGI de Lons-le-Saunier du fait que nous n’avons toujours pas reçu le jugement rendu en première instance, le 9 novembre 2009 nous appelons le greffe correctionnel du même TGI qui nous informe que le jugement vient seulement d’être signé, le 20 novembre 2009 nous n’avons toujours pas reçu le jugement et nous relançons le TGI par téléphone, le 22 février 2010 nous téléphonons au greffe du TGI de Lons-le-Saunier qui nous informe que le jugement n’a pas encore été notifié. Enfin le 1er octobre 2010 la CPEPESC est citée à comparaitre devant la cour d’appel de Besançon pour le 14 décembre 2010, demande de renvoi au 17 mai 2011…