Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Travaux sauvages en milieu aquatique à Aisey-et-Richecourt (70). Surchargée la Justice barbotte en touche

publié le9 décembre 2017

Fin décembre 2014, la CPEPESC portait plainte auprès du Procureur de la République de Vesoul pour travaux sauvages et recalibrage de fossés et rus sans autorisation sur le territoire de la commune d’AISEY-ET-RICHECOURT (70) avec assèchement de zones humides, destruction de frayère et altération d’habitats d’espèces protégées et à l’intérieur du périmètre du site Natura 2000 de la Vallée de la Saône.

Ce sont notamment près de 4000 mètres linéaires (ml) de fossés en rive
droite de la Saône qui avaient été curés à la pelle hydraulique sur deux
secteurs : au lieu-dit Ligne de la Chapelle et au nord du ruisseau de la
Bazeuille. Et selon estimation, la surface en zone humide qui a été
impactées par ce recalibrage forcé dépasserait les 2 hectares.

De tels travaux sont de nature à appauvrir considérablement la mosaïque d’habitats naturels nécessaire au maintien de la biocénose aquatique.

Ce secteur abrite en effet des habitats d’intérêt communautaire au titre de
la directive Habitats 92/43/CE : des mégaphorbiaies hygrophyles d’ourlets
rattachées à l’alliance du Filipendulion ulmariae qui se développent justement sur les fossés curés au niveau du secteur de Ligne de la Chapelle (Code Natura 2000 : 6430) et des prairies humides de fauche du Colchico autumnalis-Festucetum pratensis (Code Natura 2000 : 6510-4) observables au niveau de la Bazeuille.

Il constitue également l’habitat de reproduction de plusieurs espèces
d’oiseaux d’intérêt communautaire (Râle des genêts) et/ou protégés (Tarier
des prés, Pipit farlouse, Bruant proyer). Il accueille également le Courlis
cendré, espèce inscrite en Liste rouge nationale (catégorie Vulnérable) et
en liste rouge régionale (catégorie En danger).

*

Durant les deux années écoulées, l’association a sollicité le bureau d’ordre du tribunal à trois reprises afin de connaître l’état d’avancement de cette affaire pour laquelle notre association restait sans nouvelle :

– Le 18 mai 2015, il lui était répondu que le dossier était en cours d’enquête, qu’elle serait informée de toute évolution du dossier et qu’il n’était plus utile de téléphoner,

– Sept mois plus tard, faute de retour de la part du parquet, la CPEPESC apprenait que l’enquête avait été confiée à l’ONEMA depuis avril 2015…

– Fin août 2016, il était répondu que le dossier était à l’enquête auprès du délégué du procureur, Monsieur MOHN.

Face à ce constat, en septembre 2016, la CPEPESC a sollicité le bureau d’ordre par fax afin de connaitre l’état d’avancement complet de ce dossier. Le 4 octobre 2016, le bureau d’ordre répondait qu’une médiation était
en cours.

En tant que partie civile, cette situation interpelle vivement. En effet, l’article 41-1 du code de procédure pénale dispose que « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué ou d’un médiateur du procureur de la République:(…) 5° Faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime (…) ».

Dès lors, et dans la mesure où la CPEPESC n’a sollicité aucune médiation
dans ce dossier, cette association, plaignante partie civile, s’étonne non seulement que son accord n’ait pas été recherché pour entamer une procédure de médiation, mais aussi qu’elle n’ait pas spontanément été informée de cette mesure alternative aux poursuites comme le prévoit encore l’article 40-2 du code précité.

Monsieur BOUYSSOU, substitut du procureur, lui a enfin précisé le 21 février 2017 que contrairement à la réponse qui lui avait été faite le 4 octobre 2016, ce n’était pas une procédure de médiation qui avait été décidée mais une demande de remise en état dans le cadre d’une composition pénale.

En d’autres termes, Monsieur le Substitut a proposé une composition pénale
à ou aux auteur(s) des faits mais sans pour autant prendre en compte les
droits de la victime en méconnaissance de l’article 41-2 du CPP qui dispose que « lorsque la victime est identifiée, et sauf si l’auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l’infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. Il informe la victime de cette proposition. Cette réparation peut consister, avec l’accord de la victime, en la remise en état d’un bien endommagé par la commission de l’infraction ».

Plainte avec constitution partie civile auprès du Juge d’instruction

Le 26 mai 2017, constatant que les intérêts collectifs défendus aux statuts
de l’association étaient bafoués, la CPEPESC, entendant faire valoir ses
droits en tant que partie civile, a porté plainte et s’est constituée partie civile après du Juge d’Instruction du TGI de Vesoul.

Le 17 juillet 2017, la CPEPESC reçoit un courrier du juge d’instruction lui
demandant de verser une consignation exorbitante de 7000 € et au plus tard
le 14 août 2017 sous peine d’irrecevabilité de sa plainte.

Constatant une mesure dissuasive, la CPEPESC a fait appel de l’ordonnance du Juge d’instruction devant la Cour d’Appel de Besançon. Celle-ci fin octobre a réduit ce montant de moitié et à consigner avant le 18 janvier 2018.

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Si même la Justice cherche à ne plus respecter la loi et à botter en
touche, il y a du souci à se faire non seulement pour la Nature et les milieux aquatiques, mais aussi pour la Démocratie.

L’affaire continue donc – et pas sans mal – de suivre son cours.