Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Le patrimoine géologique de la grotte du Carroussel  

publié le18 février 2024

La Grotte du Carroussel, située sur la commune de Port-sur-Saône (70), est classée en Reserve Naturelle Nationale (RNN) depuis 1990. L’objectif de ce classement a pour but la préservation du milieu souterrain ou gitent des chauves-souris, notamment le Minioptère de Schreibers. Cette espèce reconnue comme très sensible au niveau national utilise les milieux souterrains pour accomplir toutes les différentes périodes de son cycle de vie annuel. 

En 2023, un géomorphologue Didier Cailhol a entrepris de décrire les patrimoines géologiques et karstiques respectifs des deux cavités à chiroptères classées en RNN en Bourgogne Franche-Comté : la Grotte du Carroussel et la Grotte de Gravelle situées à Port-sur-Saône (70) et Macornay (39).

Plan topographique de la grotte du Carroussel.
Source : Laserscan Cpepesc, géomatique : Didier Cailhol.

La Grotte du Carroussel s’ouvre en rive droite de la Saône, en aval du territoire de la commune de Conflandey limitrophe du périmètre de la Réserve. Cette zone est constituée de plateaux calcaires recouverts localement de formations argileuses, et dont les niveaux sont visibles dans le relief en bordure de Saône. En effet le cours d’eau incise ces affleurements rocheux, siège d’une karstification importante. Ces assises calcaires jurassiques se sont formées grâce aux sédiments laissés par les mers anciennes entre -200 et -163 millions d’année (séries géologiques du Lias et du Jurassique moyen). Elles ont ensuite été modifiées par des phases tectoniques et par l’érosion.

Les systèmes karstiques se sont ensuite progressivement développés grâce à l’érosion chimique provoquée par les eaux météoriques acides circulant au départ par infiltration dans le réseau de fentes des roches calcaire. Les drains les plus actifs, c’est-à-dire les plus favorables à leur écoulement, ont donné naissance aux cavités comme celle du Carroussel. Celle-ci présente un développement de 320 mètres (longueur de galeries humainement accessible).

L’étude de la morphologie des parois permet de mettre en évidence le fonctionnement passé de la grotte, et notamment la présence d’un cours d’eau souterrain dont l’écoulement débouchait à l’air libre par le porche d’entrée de la grotte avant de se jeter dans la Saône. Ces informations sont données par différentes marques et encoches qui renseignent sur la direction et la vitesse des circulations d’eau.  Elles correspondent ici à de forts débits (lors des périodes glaciaires et inter glaciaires du Pléistocène) alimentés par des pertes actives situées sur le plateau et aujourd’hui colmatées.

La cavité a aussi subi de nombreuses modifications, notamment à cause de travaux de fouilles archéologiques rudimentaires au XIXe et XXe siècle, nécessitant parfois l’utilisation d’explosif pour le dégagement de blocs rocheux. Un sondage en 1879 d’une profondeur de 2 mètres avait permis de découvrir du matériel mobilier allant des périodes du Néolithique à la Protohistoire, ainsi qu’une dent de loup percée et de nombreux silex paléolithiques. Des ossements de mammouth et d’ours ont également été trouvés dans cette cavité, témoignant également d’une occupation animale ancienne.

Des aménagements avaient aussi été réalisés dans la grotte pour l’extraction du guano de chauves-souris utilisé comme engrais, comme le nivelage du sol permettant son acheminement à l’aide de brouettes vers des bateaux amarrés en contre bas au bord de la Saône.

De telles quantités de guano témoignent d’une occupation ancienne et importante de la grotte par les chauves-souris, qui en font leur habitat aussi bien en été pour la naissance des jeunes qu’en hiver pour hiberner. Ces extractions ont causé des changements climatiques dans la cavité et pourrait avoir contribué en partie au déclin progressif de ses populations.

Enfin, la présence des colonies de chauves-souris aurait également un impact sur la morphologie des parois et des voutes des galeries par biocorrosion. En effet, leur présence influe sur les variations de température et la pression de CO2. La décomposition du guano produit contribue à la dissolution du calcaire.

Source : D. CAILHOL, 2023. Les patrimoines géologiques et karstiques de la Grotte du Carroussel. 24p.

Rédaction : Marie Liotard, 2023

Relecture : Florie Girardot, 2024, François Devaux, 2024

Plus d’informations sur https://www.reserves-naturelles.org/grotte-du-carroussel, ou auprès de la CPEPESC par mail chiropteres@cpepesc.org ou par téléphone au 03 81 88 66 71.