Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Inventaire de la géodiversité souterraine

Deux bénévoles de la CPEPESC FC, Hugo et Dorine, ont profité le 2 août, d’une balade enrichissante de connaissances géologiques auprès d’un expert karstologue, sur la RNR Grottes du Cirque. Dorine nous en livre ici le récit détaillé:

La grotte de la Rivière souterraine du Seris: Après une jolie descente, l’entrée de la cavité nous attend dans un environnement digne du jurassique : scolopendres en guise de fougères, pépiements multiples, mousses, chaleur et humidité. Il ne manquerait plus que la rencontre avec un dinosaure pour compléter le tableau! Heureusement, l’entrée nous offre protection face à la chaleur. Il y a seulement 30 ans que l’homme peut chercher refuge dans ces lieux : avant, seuls les petits animaux pouvaient s’y abriter. Des spéléologues ont élargi l’entrée, permettant aux humains balourds de venir visiter ces lieux.

Nous arrivons sur la première faille, où résident des témoignages de mystères passés. Des griffades d’animaux à l’entrée attestent du passage de petits mammifères. Des galets d’argile relativement gros témoignent de l’écoulement de l’eau. L’entrée, loin d’être un sanctuaire, fourmille de vie avec la présence de nombreuses bactéries, insectes, etc…Les bactéries présentes, amenées par l’eau et l’air, sont autotrophes (capable de générer leur propre matière organique à partir d’éléments minéraux) ou chimiolithotrophe (se nourrissent des composés inorganiques comme source énergétique).
L’écosystème d’une cavité est d’une grande complexité. Plusieurs écosystèmes coexistent dans l’espace, et ces mêmes écosystèmes évoluent dans le temps.

Notre expédition continue en suivant des fractures et des petits conduits pour déboucher sur une grande salle. Les parois sont formées de calcaires, de bancs marneux, ou de fer. Le calcaire date du Bajocien (une période du jurassique à environ 160 millions d’années). Ses nombreuses aspérités sont signes des nombreux changements de températures ou de composition de l’air de cette époque. Le fer tapisse le plafond, bleu la plupart du temps, et orange le long des failles ou des diaclases (liées à l’oxydation du fer). Dans la grotte subsiste de l’argile qui se trouvait en suspension dans l’eau, et qui a contribué en faible proportion à la formation de la roche sédimentaire (diagenèse) et des bancs marneux (conglomérat d’argiles, calcaires, et de fer) qui présentent actuellement une grande tendance à s’effriter. Sur la paroi, on observe du popcorn, concrétions coralloïdes liées à la précipitation des eaux de condensation sur certaines parties des parois du fait de l’aérologie dans la grotte.  

Des stalagmites, stalactites ou fistules décorent l’environnement. Les stalactites sont un signe également d’une fin du cycle de fonctionnement de la cavité. Au sein de la cavité, diaclases côtoie failles. Une faille est une cassure dans l’écorce terrestre accompagnée d’un mouvement relatif des deux compartiments qu’elle détermine. Elle se distingue ainsi des diaclaseses, qui sont des cassures sans déplacement visible.

Après une montée sportive, on débouche sur une rivière de calcite d’une blancheur immaculée. Cette formation n’est pas datée, mais vu son extension et sa position dans la galerie, il est envisageable de proposer une fourchette de date de l’ordre de 1 000-2 000 ans pour sa mise en place. Sa formation est une conséquence des écoulements de l’eau de condensation. Elle rejoint en aval un puits d’une quinzaine de mètres au-dessus de la rivière du Seris. Fin de la cavité, on se dirige vers un repas bien mérité.

Prochaine étape : la grotte du Y. Dans cette grotte, très large et accessible, nous attend des surprise inattendues. Un recul important du versant a tronqué une grande partie des galeries. Il est possible d’estimer ce recul de plus 10 m depuis la période de l’Holocène (-12 000ans). Des bancs de strate d’une épaisseur de 0,5 à 1m, entrecoupés de joints de stratification, sont visibles. Ils sont composés de bancs de coquillage, de fragments de coquille (bioclastes) et d’oolithes. Ces variations expriment des changements des écosytèmes qui ont conduit à la sédimentation de ces dépôts et à la formation du calcaire (diagenèse). Par endroits, une stratification entrecroisée est bien visible dans les parois. C’est le témoignage des conditions de mer peu profonde et agitée qui régnait ici au cours de la période du Bajocien.

On observe également des stylolithes, petites traits stridulés au sein d’une paroi, témoins des pressions exercées et des changements chimiques intervenus lors de la transformation de la boue sédimentaire en calcaire compact et dur au fur et à mesure de l’accumulation des dépôts sédimentaires.

Parmi les processus d’évolution de la grotte, on observe également des cloches issues de la biocorrosion. Les chauves-souris, de par leur présence en essaim, leur respiration, température corporelle et les écoulements liés à leurs déjections, vont installer des conditions de transformation des morphologies des galeries et installer de nouveaux paysages dans  les grottes.
La grotte en Y hébergea plusieurs colonies de chauves-souris, un gros tas de guano durci en atteste. Des traces plus sombres montrent que ce tas atteignait plus de 1m60.

L’expédition finie, on rentra chez nous, émerveillés par les mystères cachés des grottes. »

Ces cavités composent la RNR Grottes du Cirque. L’accès à la Rivière souterraine du Seris est limité (interdit entre le 1er novembre et le 30 avril), et l’accès aux autres cavités de la RNR est interdit toute l’année.