BOIS FACTORY SA n’a que faire de l’environnement et des zones humides : Nouvelle action en justice de la CPE
Une première plainte déposée déjà en 2019
Suite à la découverte du démarrage d’importants travaux d’aménagement sans toutes les autorisations requises, la CPEPESC avait été amenée en juillet 2019 déposé plainte contre X pour des atteintes délibérées aux zones humides et à la conservation d’habitats d’espèces protégées sans autorisation, à l’occasion de travaux d’aménagement réalisés par la société BOIS FACTORY 70 dans le cadre d’un projet d’unité de production de bûches de bois le long de la branche sud du canal de l’Est à DEMANGEVELLE.
Curieusement un dossier de demande d’examen « au cas par cas » pour ce projet déposé le 6 mars 2019 par la société avait dès le 4 avril suivant été dispensé de la procédure d’évaluation environnementale par le Préfet après une instruction manifestement sommaire…
La CPEPESC quant à elle, s’étant rendue sur place, constatait, après investigations, que ce site renfermait en réalité des enjeux environnementaux non signalés à l’administration par le pétitionnaire !
Dans une démarche préventive et en sa qualité d’association agréée au titre de la protection de l’environnement, la CPEPESC alertait alors immédiatement l’entreprise, demandant expressément au porteur de projet de prendre en considération ces enjeux flagrants. Sans résultat !
Ce porter à connaissance daté du 7 mai 2019 et communiqué en copie au préfet de Haute-Saône et à l’ONCFS
faisait d’abord état de la présence de plusieurs espèces protégées occupant actuellement le site d’implantation – vaste zone humide à joncs associée à une zone moins humide surélevée. Parmi ces espèces, trois présentent un enjeu de conservation :
le Bruant jaune et l’Alouette lulu, la première étant inscrite en catégorie « quasi menacée » en région et en catégorie « vulnérable » en France, la seconde étant classée « quasi menacée » en Franche-Comté ;
le Sonneur à ventre jaune, petit amphibien inscrit en catégorie « vulnérable » à l’échelle nationale qui fait partie des huit espèces les plus menacées de France et figure aux annexes II et IV de la Directive 92/43/CEE Habitats/Faune/Flore. Les menaces pesant sur l’espèce ont amené le ministère en charge de l’écologie à considérer qu’il était prioritaire de conduire des actions de conservation du Sonneur à ventre jaune. C’est pourquoi un Plan national d’actions a été élaboré pour la période 2011-2015 et prolongé jusqu’en 2018. En phase de bilan actuellement, il doit faire l’objet d’une révision pour la période 2019-2029.
Sauf dérogation et pour ces trois espèces, en application des arrêtés respectifs du 19 novembre 2007 et du 29 octobre 2009, « sont interdites sur les parties du territoire métropolitain […] ainsi que dans l’aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants, la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos des espèces considérées, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques ».
La CPEPESC insistait également pour ce que soient pris en compte les « zones humides », ces intérêts étant également protégés par le Code de l’environnement au titre de la loi sur l’eau, en respectant les procédures et la compensation imposée par la disposition 6B-04 du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux Rhône-Méditerranée (SDAGE-RM) à hauteur de 200 % de la surface impactée, manifestement bien supérieure ici à un hectare.
Malgré un rappel, le porteur de projet a délibérément engagé les travaux fin juin-début juillet, soit en pleine période de reproduction et de nidification, ce qui a abouti à la destruction irréversible des zones humides, comme des habitats naturels et d’espèces protégées recensées .
L’environnement on s’en fiche !
Or il ressortait de l’examen du dossier que l’opération d’assèchement et de remblaiement de zones humides n’avait jamais été autorisée au titre de la loi sur l’eau , ni même évoquée dans ses demandes par le pétitionnaire, pas plus qu’elle n’est aujourd’hui cadrée par les arrêtés du Préfet relatifs au régime d’enregistrement de ce projet d’installation classé pour la protection de l’environnement.
De même, aucune autorisation n’a été instruite et délivrée au titre de la réglementation relative aux espèces protégées, alors même que les destructions opérées, comme d’ailleurs la période et les modalités actuelles de réalisation des travaux, portent indéniablement atteinte aux intérêts protégés par l’article L. 411-1 du code de l’environnement.
Le dépôt des demandes ad hoc aurait normalement permis au préfet d’apprécier l’ensemble des impacts de l’opération projetée et de fixer, par arrêté, après enquête publique, les prescriptions indispensables à la préservation des intérêts protégés par la loi.
Le maître d’ouvrage ne pourra ici se prévaloir d’une quelconque méconnaissance de la réglementation en vigueur et des intérêts environnementaux du site en litige puisqu’il a été parfaitement informé par l’association en amont des travaux.
Une nouvelle plainte en 2020
A la suite de nouvelles investigations, l’association a pris connaissance, en 2020, de l’existence de vastes et hauts remblais de terre déposés en forêt humide dans le cadre de ce projet d’aménagement, et localisés en bordure du canal de l’Est, en limite ouest à l’extérieur du périmètre des travaux. Ces remblais, formés des terres de décapage du site, enterrent sous plusieurs mètres des arbres mâtures et comblent environ 2000 à 2500 m² de zones humides !
Aussi le 21 juillet 2020 a t-elle décidé d’adresser une plainte complémentaire au Procureur de la République.
Ces remblais, sur une telle superficie situés en forêt alluviale (humide), étaient soumis à procédure de déclaration préalable et nécessitaient donc le dépôt d’un dossier au titre de la loi sur l’eau qui fait actuellement défaut.
Le dépôt d’un tel dossier, régulier et complet, aurait permis aux services de l’État au moyen d’un récépissé de déclaration d’apprécier l’impact de l’opération projetée et de fixer le cas échéant les prescriptions indispensables et/ou mesures compensatoires à la préservation des intérêts protégés par la législation sur l’eau ou de refuser l’opération en prenant une décision d’opposition.
Ces faits constituent un nouveau délit prévu par l’article L. 214-3 du code de l’environnement et réprimé par l’article L. 173-1 du même code par un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende !
Vingt-huit ans après l’entrée en vigueur de la loi sur l’eau et alors que les zones humides subissent un déclin continu dans leur superficie et leur qualité, de telles pratiques sont particulièrement inadmissibles.
En même temps, on se croit tout permis ?
Une demande amiable adressée en 2019 par l’association au Préfet de Haute-Saône de faire respecter la loi s’était heurtée à un refus implicite, la CPEPESC a par ailleurs été contrainte le 23 novembre 2019 d’attaquer l’État devant le Tribunal administratif pour l’obliger à intervenir en particulier sur les mesures de réparation.
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