Coup d’arrêt au parc photovoltaïque au sol de Mailley-et-Chazelot
Par une décision qui était attendue rendue le 17 octobre 2024, le tribunal administratif de Besançon vient d’annuler le projet de parc photovoltaïque au sol porté par la société internationale Baywa r.e. et sa filiale Mailley Chazelot Energie.
Cette société se présente comme un des leaders du développement et de l’exploitation de parcs éoliens, solaires et centrales de bioénergie sauf que ses projets nous laissent songeurs quant à l’intérêt qu’elle porte à la préservation de la biodiversité.
Nous en avions un exemple avec le parc photovoltaïque de FONTENET en Charente-Maritime où elle est allée jusqu’à recouvrir en panneaux la quasi intégralité d’un ancien terrain militaire, qui comme d’autres terrains de ce type préservés de toute pratique agricole intensive, se caractérisait pourtant par son riche patrimoine naturel.
Initié sur une opportunité foncière, voulu par la mairie, le parc solaire de Mailley-et-Chazelot en Haute-Saône n’a pas manqué de susciter l’opposition de nombreuses personnes, habitants, agriculteurs, associations au stade de l’enquête publique qui ont bien vu que ce projet, devant s’implanter ex-nihilo en terrains agricoles et naturels, était susceptible de présenter des incidences fortes sur les paysages, avec rupture dans le continuum écologique, et plus globalement sur la biodiversité du site reconnue par l’obligation faite à la société de déposer, outre la demande de permis de construire, un dossier de demande de dérogation au régime de protection des espèces protégées, autant d’éléments de nature à remettre en question l’intérêt de ce projet dit d’énergie renouvelable.
Il n’en fallait pas davantage pour que la CPEPESC s’empare de ce dossier et finisse par saisir le tribunal administratif de Besançon en sollicitant l’annulation du permis de construire délivré par l’autorité préfectorale le 12 décembre 2023.

A l’audience qui s’est tenue le 26 septembre dernier, le rapporteur public a constaté qu’il existait bien un moyen fondé de nature à annuler ledit permis et que ce moyen ne relevait pas de la catégorie des vices régularisables.
Qu’en est-il ? L’article N2 du règlement du PLUi de la Communauté de communes des Combes qui tire son application des dispositions de l’article L. 151-11 du code de l’urbanismepréciseque « sont autorisés dans toute la zone N, à condition qu’ils ne portent pas atteinte au caractère et à l’intérêt du site (paysage, milieux écologiques…), qu’ils ne soient pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole ou forestière, et qu’ils ne compromettent pas la vocation de la zone : – Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (antenne de téléphonie mobile, maison de retraite, MARPA, station d’épuration, etc ….) dont toutes les constructions et installations de production d’énergie (aérogénérateurs, postes de livraison, fermes photovoltaïques au sol, unité de méthanisation, etc…) ».
Pour retenir cette méconnaissance du projet avec l’article N2, le rapporteur public a admis à juste titre qu’il portait atteinte au caractère et à l’intérêt du site (paysage, milieux écologiques…).
Le tribunal a suivi ce moyen : reconnaissant que sur le site en litige, à fortes aménités, plusieurs habitats communautaires y avaient été recensés ainsi que plusieurs espèces d’oiseaux d’intérêt communautaire telles que l’engoulevent d’Europe, l’alouette lulu ou la pie grièche écorcheur, justifiant encore que le projet était « prévu à proximité de zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique, d’un biotope et d’un réservoir de biodiversité complémentaire de la sous-trame des milieux xériques ouverts ce qui en faisait un site à fort enjeu en matière de biodiversité », il a estimé que les constructions et infrastructures prévues impliquait la mise à nu des sols et un débroussaillage pour l’implantation des modules photovoltaïques qui entraineront la destruction des milieux et des habitats naturels existants et que si la société a proposé « des mesures d’évitement et de réduction et que le préfet a subordonné l’exécution de l’autorisation d’urbanisme en litige à l’obtention d’une dérogation « espèces protégées », il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures permettront d’obérer ou même de réduire de manière suffisante les conséquences de l’installation envisagée sur son environnement immédiat ».
Dans ces conditions, le permis de construire encourait forcément la censure puisque le projet querellé doit être regardé comme portant atteinte au caractère et à l’intérêt du site dans lequel il sera implanté.
En juin dernier, le CNPN, instance consultative compétente en matière d’expertise technique et scientifique sur toutes les questions de biodiversité, a alerté, via un avis officiel*, les pouvoirs publics sur le développement des installations photovoltaïques. Il considère : « Mais alors que l’ambition répétée par tous les acteurs institutionnels est d’équiper d’abord les zones artificialisées, l’installation de ces centrales sur des espaces naturels et semi-naturels s’amplifie, au point que de nombreux scientifiques alertent les instances publiques sur le risque d’incohérence entre le développement des énergies renouvelables sur des milieux naturels et semi-naturels d’une part et les enjeux de préservation des puits de carbone et de la biodiversité d’autre part » avant de recommander in fine d’équiper uniquement les zones déjà artificialisées sachant que « la lutte contre le changement climatique, et la transition énergétique en particulier, ne doit pas conduire à accélérer le déclin de la biodiversité ».
* https://www.actu-environnement.com/ae/news/photovoltaique-biodiversite-cnpn-avis-44677.php4
En réalité, nulle volonté altruiste ou humaniste, encore moins écologique, de la part des sociétés qui investissent dans le photovoltaïque au sol. L’intérêt est plus terre à terre, sous prétexte de contribuer à la transition énergétique, il s’agit pour elles de surfer sur la vague et d’engranger de substantiels bénéfices.
La CPEPESC veillera à ce que d’autres projets ne détruisent pas les derniers pans de la biodiversité régionale.
