FUTURE GARE TGV de Besançon : Le projet est inacceptable en l’état. La cpepesc a réclamé des mesures concrètes au Commissaire enquêteur.
Lors de l’enquête publique relative à la demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau pour le projet de construction de la Gare TGV sur le territoire d’Auxon-dessous (25), l’association a adressé les doléances et réclamations suivantes à Monsieur Eric KELLER, Commissaire enquêteur.
Monsieur le Commissaire enquêteur,
Ce courrier fait suite à la consultation en Préfecture du dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau concernant le projet de construction de la nouvelle gare TGV d’Auxon.
La CPEPESC Franche-Comté, association agréée pour la protection de l’Environnement, souhaite formuler plusieurs observations qui émanent d’une réelle inquiétude quant à la prise en compte effective des enjeux écologiques et fonctionnels de la zone naturelle impactée par le projet.
Sur la prise en compte des zones humides et la compensation des surfaces détruites
Toutes les zones humides, les « ordinaires » comme les « exceptionnelles », sont indispensables au bon fonctionnement des systèmes de vallées fluviales dont l’ensemble des ressources participe au développement durable, intégrant la santé des populations.
Ces véritables infrastructures naturelles sont des éléments centraux de l’équilibre des bassins versants tant au niveau qualité qu’en ce qui concerne la quantité d’eau : régulation des débits (crues, inondations) et des phénomènes dynamiques (érosion).
Par conséquent, la qualité de l’attention portée aux mesures visant à limiter l’impact des travaux d’une part et à compenser les surfaces détruites d’autre part doit se placer à un niveau élevé.
Rappelons que le Schéma Directeur d’Aménagement et Gestion des Eaux du Bassin Rhône-Méditerrannée-Corse préconise la stabilisation de la superficie des zones humides du bassin.
Les décisions d’aménagements doivent, au travers de leurs obligations de compatibilité avec le SDAGE RMC, tenir compte de ces milieux. Afin d’être en accord avec les enjeux de préservation des zones humides du SDAGE, l’intégralité de leur superficie détruite doit être compensée par la création (ou la réhabilitation effective et durable) réglementaire d’un milieu humide d’une surface équivalente.
<doc1933|left>Au paragraphe III-4 de l’étude d’impact et en application des articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement, le pétitionnaire (la SNCF) indique que la quasi-totalité de la surface du projet de la Gare nouvelle s’inscrit en zone humide qu’il s’engage à reconstituer.</doc1933|left>
Mais la dernière annexe jointe au dossier d’étude d’impact (lettre du 10 avril 2008) fait apparaître un engagement de RFF envers la SNCF à compenser les 10 ha détruits dans le cadre des compensations déjà prévues pour la LGV, cette compensation devant se faire conformément à l’arrêté interpréfectoral loi sur l’eau 2006-1605.2777 du 16 mai 2006 de l’unité hydrographique de la basse vallée d l’Ognon et à l’arrêté d’autorisation à venir.
La CPEPESC Franche-Comté conteste vivement cette manière de procéder : bien qu’ils soient liés en terme d’aménagement, les travaux de mise en place du linéaire de la LGV et l’installation de la gare sont deux infrastructures distinctes auxquelles doivent correspondre, sur le plan administratif, deux demandes d’autorisation.
Ainsi, l’emprise de la LGV sur les zones humides se fait sur un couloir et les compensations doivent se répartir tout au long du couloir impacté. En revanche, la gare possède une emprise compacte de 10 ha dont la réelle compensation ne peut avoir du sens que si elle s’applique à proximité immédiate de cette emprise.
D’autre part, c’est au pétitionnaire (la SNCF) que sera délivrée l’autorisation loi sur l’eau pour le projet de gare. Il incombe donc à la SNCF en propre de compenser l’impact des travaux et d’apporter au dossier un projet concret en ce sens. Pourtant, et en l’état, aucun élément concret ne figure dans le dossier à ce titre, ce qui n’est pas acceptable.
On peut douter également du fait que RFF de part ses statuts, missions et compétences puisse être directement mandaté pour gérer cet aspect.
Enfin, les difficultés éprouvées par RFF pour trouver des compensations aux zones humides impactées par la LGV sont connues et ce constat renforce l’impression qu’un subterfuge a été proposé pour la compensation des zones humides détruites par ce projet de gare.
La CPEPESC demande donc que le commissaire enquêteur, s’il envisage de donner un avis favorable au dossier, conditionne celui-ci par une réserve expresse de proposer une compensation concrète de 10 ha de zone humide en insistant sur la nécessité d’une reconstitution ex nihilo dans un périmètre proche de la zone impactée.
Cet avis est d’autant plus motivé que les études faune-flore présentées dans le dossier d’étude d’impact font clairement apparaître que l’ensemble des espèces et habitats d’espèces à fort intérêt patrimonial du site traduisent une bonne fonctionnalité écologique actuelle de la zone d’emprise du projet.
Cette bonne fonctionnalité actuelle, maintenant menacée, s’explique en partie par l’importance de la surface homogène des milieux naturels favorables à la biodiversité relevée. Cette continuité écologique risque d’être rompue tout comme la présence de noyaux importants de populations, tant et si bien qu’un des cabinets d’étude ayant travaillé sur ce volet conçoit la disparition de la zone humide à terme par drainage.
Sur l’épuration des eaux usées
L’association relève que la station d’épuration à créer n’est pas concernée par la procédure de déclaration (rubrique 2.1.1.0 de la nomenclature loi sur l’eau), sa capacité prévue étant de 180 équivalents habitants, c’est-à-dire près de 10,8 Kg de DBO5 par jour. Cette capacité est insuffisante comme nous l’expliquons ci-après.
A la page 47, la SNCF indique que le système choisi est de type filtre à sable planté de phragmites. Le pétitionnaire justifie la capacité de 180 équivalents habitants par un effectif de personnel de 30 personnes (soit 30 équivalents habitants) et en ne prenant qu’un bas pourcentage (5%) d’une moyenne de 3000 voyageurs par jour prévus (soit 150 équivalents habitants).
Cette valeur n’est qu’une moyenne, comme l’annonce la SNCF. Ce constat exprime bien que le seuil des 3000 voyageurs par jour sera dépassé au moins la moitié de l’année, et probablement de beaucoup certains jours. Aucune estimation de ces pics de fréquentation n’est mentionnée dans le dossier.
En tout état de cause, la capacité de la station d’épuration sera dépassée chaque fois que le seuil des 3000 voyageurs par jour sera dépassé. Toute anticipation des pics de charge polluante dans le dimensionnement de l’unité de traitement fait défaut. La percolation dans le système d’épandage des lits de filtration à phragmites sera donc en surcharge chaque jour où cette moyenne des 3000 voyageurs par jour sera dépassée.
L’efficacité du système de traitement est conditionnée par certaines précautions. Le sous-dimensionnement ne semble pas être la meilleure solution puisque les niveaux de rejet dans l’environnement risquent de dépasser les normes de rejet. Les objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau d’atteindre le bon état pour les masses d’eau recensées sur le site doivent être pris en compte.
Enfin, la création d’une gare TGV s’accompagnera très certainement d’une implantation de services produisant aussi des effluents. Si tel est le cas, ils n’ont pas été pris en compte.
Réaliser une économie sur le traitement des eaux usées semble discutable dans un contexte où le nombre des usagers des transports collectifs ne fera qu’augmenter à l’avenir, compte tenu notamment du prix des carburants.
La CPEPESC Franche-Comté demande que la capacité de l’installation de traitement des eaux usées soit reconsidérée et portée au minimum à 300 équivalents habitants.
Par ailleurs, le point de rejet de la station d’épuration n’est pas suffisamment bien localisé : en page 12 du dossier d’étude d’impact on note une absence de précision claire quant au positionnement de ce rejet, en page 49 il est indiqué « Dans la noue la plus proche », en page 50, il est mentionné « dans le réseau eaux pluviales ».
Ce rejet pourrait donc s’effectuer en amont du bassin de rétention de 3700 m² qui déborde dans le ruisseau du Bois du Pasquier ou bien directement dans ce même ruisseau.
La première possibilité évitant le rejet direct dans un petit ruisseau dont la qualité globale est déjà fortement altérée (débit trop faible, charge organique et minérale excessive dans l’eau) nous semble préférable.
Sur le traitement des eaux pluviales
La CPEPESC Franche-Comté considère que les mesures proposées pour le traitement des eaux pluviales sont satisfaisantes au regard des possibilités techniques actuelles.
Sur la prise en compte de la petite faune dans le projet d’aménagement
D’abord, nous devons relever l’absence de clarté du dossier. Visiblement, seule l’étude DIREN de 2007, appelée synthèse de l’étude de diagnostic des habitats naturels, a servi à alimenter cette partie du dossier. Et pourtant, dans le corps du texte ne figure qu’un résumé, les résultats complets n’apparaissant qu’en annexe.
Si le procédé (étude jointe en annexe) en soi n’est pas illogique, encore aurait-il fallu que les résultats résumés, présentés aux pages 28-30, décrivent objectivement, sans omission, les principaux enjeux environnementaux identifiés. Ce qui n’est présentement pas le cas. Il manque par exemple le signalement du cortège de picidés (5 espèces au total) . Un tel cortège méritait d’être signalé, même dans un dossier Loi sur l’eau, surtout lorsqu’une des espèces, le Pic mar, à l’instar du Pic cendré, figure en annexe I de la Directive Oiseaux.
Cette omission est navrante pour ne pas dire plus !! Car elle ne permet pas au public de se faire une idée précise des enjeux naturalistes recensés surtout lorsque leur est présenté à la page 30 un tableau de synthèse, du coup, bien tronqué.
Concernant les enjeux batrachologiques très forts du site, si l’enjeu phare de la Rainette verte est bien mentionné avec le signalement des deux principales stations du secteur (étang de Laurêtre et étang d’Auxon), il manque toutefois la citation d’une autre espèce, au statut précaire en Franche-Comté et en France (inscrite en annexe II/IV de la directive Habitats). Il s’agit du Triton crêté, connu sur le site de l’étang de Laurêtre. La dernière mention disponible date de 2002 avec deux individus écrasés sur la RD 14 en bordure de l’étang (Sources : Hugues Pinston et MNHN).
L’interrogation des bases de données naturalistes aurait permis au pétitionnaire de ne pas manquer cet enjeu remarquable de la faune franc-comtoise…
Sur un autre plan, page 34 du dossier d’étude d’impact, le franchissement du ruisseau du Grand Bois par un ouvrage dimensionné pour un débit de crue centennale et permettant un passage de la petite faune est évoqué sans aucune précision sur la conception de ce passage.
En page 46 du même dossier, à propos de la gestion des eaux de la route d’accès à la gare, il est indiqué qu’un passage à batraciens sera réalisé sous la route au Km 0+691 afin de rétablir les circulations Nord-Sud. Ce passage est situé à proximité du ruisseau du Grand Bois et dans le prolongement de l’ouvrage hydraulique de la traversée de la LGV.
Cette (ou ces) proposition(s) faite(s) dans le sens d’un rétablissement des échanges entre populations, vital pour des espèces comme la Rainette verte ou le Triton crêté, sont un minimum… Pourtant, elles ne sont même pas détaillées (conception, type(s) d’ouvrage, etc.).
La CPEPESC Franche-Comté demande à être associée en amont à la mise en œuvre opérationnelle de ces dispositifs pour la petite faune (passages sous chaussée, enceintes grillagées,…). En effet, l’association possède une réelle expérience et une capacité d’expertise dans ce domaine.
En conclusion, la CPEPESC Franche-Comté demande :
– à ce que les carences constatées soient corrigées,
– à ce que les enjeux omis soient pris en compte concrètement,
– à être associée à la mise en œuvre des passages à petite faune
Elle prêtera une attention toute particulière aux modalités de mise en œuvre du projet remanié/amendé à travers, a minima, le respect des exigences réglementaires en matière d’environnement.
En vous remerciant de l’intérêt que voudrez bien accorder à ce courrier, nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire enquêteur, en l’assurance de notre considération distinguée.