Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

La fromagerie industrielle Mulin veut dépasser les bornes

publié le20 novembre 2024

Alors que cette entreprise installée à Noironte (25) n’a pas encore été jugée pour des dépassements et pollutions des eaux, elle demande encore à s’agrandir et a déposé pour ce faire au dossier d’enregistrement ICPE visant à obtenir l’augmentation de ses capacités de production.

Dans le cadre de la consultation publique relative au dossier de demande enregistrement de cette fromagerie industrielle, la CPEPESC, le 3 octobre 2024, a déposé les observations suivantes :

« Notre association a pris connaissance de la demande d’enregistrement ICPE présentée par la fromagerie Mulin de NOIRONTE dont le projet est d’augmenter le volume de lait ou d’équivalents-laits traités pour lequel elle est autorisé depuis l’année 2000, de 150 000 litres ………(et qu’elle n’hésite pas à dépasser) pour l’augmenter à 465 000 litres !  C’est-à-dire en la plus que triplant !

Une attention particulière doit être portée à cette entreprise qui n’hésite pas au fil des années à s’affranchir des règles et a déjà fait l’objet des sanctions pénales et administratives.

D’autre part, se moquant éperdument des règles, elle attend trop souvent que celles-ci lui soient officiellement rappelées suite à un problème qui ne pouvait pas être poussé sous le tapis, pour chercher à se mettre dans les règles.

Les respectera-t-elle plus rigoureusement demain, si elle obtient un nouveau feu vert de l’administration ?   Ne les violera-t-elle pas trois fois plus ?

Notre association qui a déjà eu affaire avec les pollutions en aval de cet établissement ne peut qu’en douter. Ainsi, le jeudi 2 juin 2022, une forte mortalité de poissons avait été constatée sur le ruisseau de Noironte et jusqu’au ruisseau de Recologne. Cette pollution qui a eu pour effet de faire disparaître totalement la population piscicole et d’impacter sévèrement la biocénose dans sa totalité. Ce ruisseau, déjà impacté en 2017 par une forte pollution, commençait à peine à revivre.

Les comportements de cet établissement, qui ne sont pas encore définitivement jugés devant la justice pénale, ne peuvent qu’être en grande partie responsables de l’état catastrophique de la vie aquatique du ruisseau qui a le malheur d’être le réceptacle de ses effluents.

Le rédacteur du projet a d’ailleurs dans sa demande coché « OUI » en réponse à la question «  Est-il susceptible d’entraîner des perturbations, des dégradations, des destructions de la biodiversité existante : faune, flore, habitats, continuités écologiques ? »

L’article 25 de l’ arrêté du 24 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l’enregistrement au titre de la rubrique n° 2230 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement  prévoit que le rejet doit être compatible avec le milieu aquatique récepteur et que « pour chaque polluant, le flux rejeté est inférieur à 10 % du flux admissible par le milieu ».

Pour respecter cette exigence, l’auteur du projet prévoit de ne plus rejeter ses effluents d’épuration considérablement augmentés en quantité à l’endroit actuel : fossé aboutissant au ruisseau de Placey affluent du Noironte. Il déversera directement dans ce dernier par l’intermédiaire d’une conduite enterrée à réaliser de 990m de longueur sous des terrains dont il n’a pas pour l’instant la maitrise, mais assure faire des démarches en ce sens.

Mais manifestement, malgré un débit plus important du ruisseau de Noironte, cela ne suffit pas pour respecter les 10% du flux admissible en période d’étiage pour le rejet projeté dans ce ruisseau.

Comme solutions, il promet d’optimiser sa station d’épuration, de recycler plutôt que de les rejeter une partie des eaux traitées en période d’étiage pour faire de l’épandage de « ferti-irrigation », d’en recycler une autre fraction après traitement par osmose inverse et enfin d’en stocker une partie… Il suffit d’être crédule…  surtout, à une époque où les sécheresses et les étiages battent des records de durée !

Comment croire qu’une entreprise qui n’a pas su, ou voulu, se conformer aux règles claires et simples des normes de rejet de 2000 soit demain capable d’en respecter d’autres à travers « cette usine à gaz » de régulation de leurs quantités, qu’elle propose, et ne continue pas à dégrader la masse d’eau réceptrice.

Les calculs théoriques présentés qui tendent à démontrer que la masse d’eau ne sera pas dégradée se fondent sur la base d’un respect strict des normes impossibles à respecter avec de tels « bricolages » pour lequel « sollicite un aménagement des prescriptions ».

Quant au fonctionnement de la station et du nouveau dispositif il précise « que le suivi et l’entretien de la station d’épuration sera assuré par le personnel de la maintenance de la fromagerie » et qu’une formation du personnel a été effectué sur le fonctionnement et l’exploitation de la station d’épuration en 2022 ». 

S’agissant de la même station, à l’origine de pollutions, on ne peut que douter que le personnel (à tout faire ?) de la fromagerie, sera apte à gérer la « station optimisée » annoncée pour un effluent multiplié par 3 en volume !

Le traitement de l’eau n’est pas une affaire d’amateurisme, et nécessite une technicité et des connaissances scientifiques en chimie du traitement des eaux qui ne peuvent être acquises par du personnel standard après une formation de quelques jours.  Il nécessite pour une entreprise sérieuse de disposer de techniciens diplômés, expérimentés et compétents pour une surveillance de tous les instants. Ce n’est pas du bricolage.  Rien n’est prévu en ce sens dans le projet. 

Le seul point positif avancé serait la construction d’un grand bassin tampon qui serait déjà indispensable à la fromagerie actuelle avant le rejet dans le milieu aquatique.

S’il existe peu d’informations sur le ruisseau de Noironte, les résultats présentés de prélèvements réalisés en 2022 en étiage et hors étiage, montrent bien qu’il y a un problème pour le milieu récepteur lors des étiages, surtout avec le phosphore. Les boues putrides qui tapissent lit, bien visibles en sécheresse jusqu’au milieu de Recologne, sont un témoignage supplémentaire.

Enfin, il faut ajouter, en ce qui concerne les rejets d’eaux pluviales, que la surface imperméabilisée du site de 1,96 ha ne comporte pas que des toitures, mais aussi des voiries et parkings. Ces surfaces ne peuvent qu’être soumises à des risques de déversement accidentels (manœuvres des nombreux camions, débordements, etc … ). D’autre part, l’entreprise stocke une trentaine de produits chimiques dont la plupart sont dangereux, certains particulièrement pour le milieu aquatique. Il n’en est pas précisé l’usage et les mesures en cas de fuites ou de sinistres vers les eaux pluviales. La « gestion des eaux pluviales » ne prévoit qu’un séparateur d’hydrocarbure… aucun bassin tampon et encore moins la périodicité de la vidange, entretien et évacuation des huiles et sédiments de celui-ci.

Pour toutes ces remarques, la CPEPESC demande le rejet du projet en l’État, surdimensionné par rapport à ce que peut supporter le milieu récepteur aquatique de la masse d’eau ».