L’assec du DOUBS entre Arçon et Ville-du-Pont : un phénomène naturel en région calcaire qui n’a rien de surprenant lors d’un trop long épisode de sécheresse augmenté maintenant par le réchauffement climatique (juil.2018)
L’évolution naturelle d’un karst
On peut déplorer les effets (surtout la mortalité piscicole) de la transformation en oued du lit du Doubs sur plusieurs kilomètres durant les saisons sèches marquées. L’impact physique & visuel en est aujourd’hui amplifié par le manque d’eau augmenté par le réchauffement climatique. (Une diminution de débit sur la Loue et le Doubs (en période de sécheresse) de 25 à 50 % a été estimée que dans les 30 ans à venir…)
Mais il ne s’agit que d’une évolution normale en région calcaire pour une rivière « installée » au-dessus d’un sous-sol fissuré car très karstifié dans ce secteur.
Dans nos paysages comtois et sur les anciennes cartes on retrouve souvent la trace de cheminements de lits de nombreux tracés de ruisseaux aujourd’hui disparus. Ils se rappellent parfois à nous en se réactivant exceptionnellement lors de grandes précipitations.
Le Doubs pérenne : c’est la Loue
Dans leur lent travail de sape par érosion et dissolution des roches calcaires les eaux sont continuellement à l’œuvre pour chercher à rejoindre souterrainement le point bas de réapparition des eaux, ici la source de la Loue à une altitude inférieure de 270m au Doubs.
Mais le fonctionnement de cet hydrosystème souterrain est complexe. (cf les nombreuses études).
Lorsque le lit d’une rivière est établi sur un sous-sol calcaire fissuré comme le Doubs en aval de Pontarlier, les infiltrations sont permanentes en période normale. Elles contribuent à alimenter souterrainement la source de la Loue d’environ 1 à 2/3 de son débit. Dans le fond du lit du Doubs, ces infiltrations ne sont limitées que par une sorte de feutrage composé de cailloux et autres alluvions plus ou moins colmatées (algues en décomposition, sable,…) qui limitent l’effet de passoire du sous-sol calcaire fissuré.
Si à certains endroits du lit où la roche calcaire est quasiment en contact avec l’eau de la rivière et où des cavités modestes (mais capable d’avaler beaucoup d’eau de façon spectaculaire) ont toujours été constatés à l’aval d’Arçon, la plus grande partie de l’infiltration dans le sous-sol a lieu de façon diffuse à travers les alluvions en de nombreux endroits sur une grande partie du lit du Doubs.
En sécheresse, le niveau de nappe souterraine s’abaisse à une dizaine de mètres plus bas que le fond du lit de la rivière (constaté lors de forages); c’est tout dire l’appel à l’infiltration !
Cependant en très hautes eaux, lorsque le niveau de la nappe alimentée par les versants serait supérieur au niveau de la rivière, les pertes s’inverseraient… ce qui contribuerait à décolmater et les points d’infiltration.
Certains pensent que l’assec de 2018 est plus important que les précédents…
Les assèchements périodiques sévères du Doubs à cet endroit, ne date pas d’hier et ont été nombreux dans le passé. Pour dire si celui-ci est plus sévère il faudrait étudier pour chaque assec passé, l’historique de la météorologie et de la pluviométrie sur le bassin versant amont.
Les mises à sec ont été limitées ces dernières années par une meilleure gestion du barrage de sortie du Lac Saint-Point jouant les rôles de de réserve et de régulateur. Mais cela ne peut fonctionner que si la période de sécheresse ne dure pas trop longtemps. Et l’on retrouve les problématiques qui nous concernent tous de réchauffement climatique et de meilleure gestion de l’eau.
L’illusion d’une solution miracle pour résoudre un problème naturel et complexe
En 1998, face à ceux qui réclamaient (déjà) un projet de colmatage des « pertes du Doubs entre Arçon et Montbenoît »( Il était projeté de creusé un canal étanche parallèle au lit Doubs… Ce qui au passage ne résolvait pas le problème des poissons piégés dans le lit asséché) l’association écrivait :
– La C.P.E.P.E.S.C. ne peut qu’émettre un avis extrêmement défavorable à ce projet. En effet, toute réduction des pertes du Doubs aurait pour conséquence inéluctable une réduction du débit de la Loue en basses eaux, remettant ainsi en cause le fonctionnement naturel de cette rivière et du Doubs depuis des siècles, sans oublier l’état de dégradation marqué de cette rivière, notamment dans son cours amont.
– Elle aurait pour conséquence directe un abaissement des débits et de la ligne d’eau de la rivière, bien marqué durant la période d’étiage. C’est-à-dire de ce qui est nécessaire à la biocénose, au pittoresque des cascades, aux pêcheurs, aux canoéistes, et surtout au paysage.
– Il devrait à l’avenir laisser s’écouler dans les rivières un débit minimum correspondant à 1/10e du débit interannuel, ce qui pose déjà problème à l’heure actuelle.
– L’aspect paysager négatif de l’assèchement du lit du Doubs en étiage sévère (sur 8 km) ne semble pas être un argument solide quand on prévoit d’y remédier en artificialisant le cours du Doubs sur 4,5 km ! Il est très subjectif d’affirmer que l’impact paysager de l’un est inférieur à l’impact paysager de l’autre.
– D’autre part, il est illusoire de penser que l’aménagement envisagé serait en mesure de remédier à la mortalité piscicole. En effet, il est fortement improbable que les poissons « pensent » à se réfugier dans les canaux de dérivation en période d’étiage pour éviter de se faire piéger dans des vasques d’eaux lors de l’assèchement du lit du Doubs.
– Le débit du Doubs peut être amélioré :
* par une bonne gestion du lac Saint-Point, (NB: Ce qui depuis a été organisé, mais reste peut être à améliorer (**) Le barrage étant depuis des lustres à reconstruire!
* par la renaturalisation de la vallée du Drugeon, (NB: Ce qui a été depuis réalisé)
* par la récupération de la source du tunnel du Mont d’Or qui s’écoule en Suisse et rejoint l’Orbe, sans en modifier notablement le débit. Ceci aurait le mérite de rétablir l’écoulement naturel vers le bassin du Doubs.
– La C.P.E. est confortée par les doutes qu’expriment de plus en plus d’élus de la vallée et qui, malgré les propositions qui se veulent rassurantes, comprennent que ce débit que l’on voudrait retirer aux pertes du Doubs ne se retrouvera bien entendu pas tout au long de la vallée, marquée par des étiages serrés comme toutes les rivières d’origine karstique ».
frD.
(**) L’idée d’utiliser le lac St Point comme régulateur du débit du Doubs pour palier aux pertes ne date pas d’hier : « Un décret du 17 août 1922 a(vait) concédé la régularisation du haut-Doubs, par la constitution d’une réserve de 14 millions de m3 dans les lacs de Saint-Point et de Remoray (J. Off., 25 août 1922), à la cote 851,02 nivellement général ». (E.A. Martel 1928).
NDLR :
Autre page sur un sujet connexe :
– Le colmatage des pertes amont du Saut-du-Doubs un résultat bien peu grandiose