Législation ICPE : le préfet rappelé à l’ordre par le tribunal administratif
En 2018, à Combeaufontaine, la CPEPESC constatait qu’un gros bosquet, au sein d’une parcelle cultivée, de quelques 3000 à 4000 m² était en cours de défrichement le long de la route nationale 19 au lieu- dit « Champ Reversey » (parcelle cadastrée ZH 29). Elle en informait la DDT qui précisait que ces travaux n’étaient pas déclarés et que l’ONCFS devrait ouvrir une enquête. Ces travaux ne s’achevèrent pas là puisque l’exploitant procéda dans la continuité au comblement du terrain présentant une certaine déclivité liée à une ancienne exploitation de granulats calcaires.
La CPEPESC adressa alors le 28 mars 2022 un courrier au préfet de Haute-Saône pour l’informer de l’existence d’un site de stockage de déchets inertes de construction et de démolition en lui demandant d’user de ses pouvoirs de police au titre de l’article L. 171-7 du code de l’environnement, afin de mettre en demeure le responsable de ce stockage de déchets de se conformer à la législation. Comme il nous y a habitués, le préfet opposa un refus tacite que la CPEPESC attaqua devant le tribunal administratif par une requête déposée le 25 juillet 2022.
En défense, le préfet, reprenant les propos de l’inspecteur des installations classées issus de son rapport du 29 mars 2023 arguant que « le remblaiement de l’excavation présente un caractère “utile” qu’il convient de considérer comme étant une opération de valorisation et non comme une opération de stockage (élimination). À ce titre, cette opération n’est pas concernée par la rubrique 2760-3 de la nomenclature des installations classées pour l’environnement dont le libellé est “Installation de stockage de déchets inertes” ». Il justifie son positionnement par le fait que, par un arrêté du 24 février 2021, dont la CPEPESC n’a appris l’existence qu’en cours d’instance, il a mis en demeure l’exploitant, l’EARL GROSSETETE, de déposer un dossier de dérogation au régime de protection des espèces protégées ou un projet de remise en état sachant que les arbres et le taillis abattus ainsi que le front de taille rocheux constituaient des habitats d’espèces protégées.
Il faudrait donc croire ici que les volumes de déchets déversés visaient à permettre la replantation imposée par l’État, trouvant ici l’utile prétexte à leur valorisation…
Sauf que ces remblais n’ont pas été mis en place, comme l’État l’affirme, pour une valorisation en vue d’une remise en état des habitats détruits sur la zone, mais bien dans le cadre d’une opération illégale d’enfouissement de déchets inertes.
Selon la Cour de Justice de l’Union Européenne, « lorsque l’économie de matières premières n’est qu’un effet secondaire d’une opération dont la finalité principale est l’élimination des déchets, elle ne saurait remettre en cause la qualification de cette opération comme opération d’élimination » (CJUE, 28 juillet 2016, Aff. C 147/15, Città Metropolitana di Bari, c/Edilizia Mastrodonato Srl).
Constaté par l’OFB comme préjudiciable à la conservation d’habitats d’espèces protégées (dont des reptiles), le comblement n’était en soi ni utile, ni réclamé et ne peut évidemment pas être considéré comme une opération de valorisation destinée « à répondre à la demande de régularisation de l’arrêté préfectoral du 24/02/2021 portant mise en demeure » puisqu’il s’agissait avant tout pour l’agriculteur de se débarrasser de déchets inertes sans se conformer à la législation ICPE dans la perspective, en outre, de profiter d’un terrain nivelé qu’il pourrait rendre cultivable. Sinon, dans quel autre intérêt aurait-il souhaité ou toléré ces remblais ?
Par une décision rendue le 18 juin 2024, le tribunal administratif a ainsi retenu que « dans ces conditions, les remblaiements effectués, qui ne peuvent être qualifiés de simple opération de remise en état du site, sont constitutifs d’un stockage de déchets au sens de la rubrique 2760-3 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. Ainsi, le préfet de la Haute-Saône était tenu, au regard de l’article L. 171-7 du code de l’environnement, de mettre en demeure les responsables de se conformer à la législation des installations classées pour l’exploitation d’une installation de stockage de déchets inertes.
Par suite, l’association requérante est fondée à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Saône a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement ».
Et « a enjoint au préfet de mettre en demeure, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le responsable du dépôt de déchets sur la parcelle ZH29 située sur la commune de Combeaufontaine de régulariser la situation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ».
Une nouvelle fois il serait de bon augure que le préfet et ses services ne cherchent pas – sans faire de mauvais jeu de mots – à enterrer les dossiers et poursuivent un travail en toute impartialité dans le sens de l’intérêt général au lieu de privilégier l’intérêt de quelques-uns.
Au titre de la règlementation distincte relative au régime de protection des espèces protégées l’association sollicitera prochainement l’administration aux fins d’obtenir de
sérieuses et véritables mesures compensatoires à moins qu’elle ne saisisse directement l’exploitant agricole d’abord à l’amiable puis en ouvrant un contentieux au civil en cas de refus d’obtempérer.
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