Offensive contre le préfet de haute-Marne qui ne fait pas appliquer la loi sur l’eau !
La nouvelle loi sur l’eau va « dans un but de simplification »(sic) confier plus encore de pouvoirs aux préfets. Mais peu d’empressement à mettre en oeuvre sur le terrain ceux qu’ils détenaient déjà n’est guère rassurant.
Ayant déjà été confrontée à un grand nombre de fois à de multiples refus des préfets d’appliquer la loi sur l’eau au détriment de la protection de l’environnement, l’association ne se fait aucune illusion : pour elle la nouvelle législation sera une reculade sans précédent dans l’histoire de la protection de l’environnement en France.
Un dernier exemple le démontre encore.
Un nouveau front sur la Marne
Ayant appris l’existence d’un important remblai réalisé sauvagement sur une zone humide et inondable du le lit majeur de la Marne, des membres de la CPEPESC nationale se sont rendus au printemps 2006 sur le territoire de la commune de FRONCLES (52), lieu-dit « Sous la Mare » entre la rivière et le canal.
A ce jour, en dépit de la condamnation pénale du contrevenant et des interventions répétées d’un propriétaire riverain auprès des services de l’État, les remblais litigieux occupent toujours illégalement le lit majeur de la Marne, au détriment de la faune, de la flore, de la sécurité publique (réduction du champ d’expansion de crue) et du libre écoulement des eaux. Cette situation inacceptable perdure maintenant depuis plusieurs années sans que les services de l’État ne se décident à prendre les mesures qui s’imposent, au mépris de la législation applicable et de l’intérêt public.
Pourtant saisie de cette affaire depuis 2003, le Préfet de Haute-Marne n’a toujours pas à ce jour mis en demeure le responsable des dépôts de régulariser sa situation au regard des exigences du Code de l’Environnement.
Pire, il est même devenu aujourd’hui évident que les services de l’État (DDE police de l’eau et bureau environnement de la Préfecture, notamment) s’efforcent de conforter la situation de fait accompli soigneusement constituée par l’auteur du remblai au fil des années, en ne préconisant que de timides aménagements accessoires (d’ordre superficiel et paysager), et en dehors du cadre fixé par la réglementation quant aux sanctions administratives à mettre en œuvre.
Les visites de l’association sur le terrain ont confirmé la présence persistante d’un vaste dépôt de matériaux ainsi que l’absence d’une véritable remise en état des terrains ainsi remblayés.
L’association, ne pouvant admettre que le Préfet de Haute-Marne refuse d’appliquer la loi et d’assumer ses missions régaliennes aux profits d’intérêts privés, a donc décidé de porter cette affaire devant le juge administratif pour y faire dire le droit.
Elle souligne par ailleurs qu’en l’absence de dossier régulièrement déposé au titre de la loi sur l’eau, aucune mesure compensatoire n’a été définie à ce jour pour palier au volume inondable amputé au lit majeur (augmentation des risques d’inondation), pas plus que pour rétablir un faciès de végétation humide sur une superficie équivalente à celle aujourd’hui enterrée sous ce vaste remblai.
L’environnement et la sécurité publique sont perdants sous tous les points !
L’association attaque le préfet
L’association a eu le 10 août 2006 le regret de devoir notifier au préfet de Haute-Marne un recours à son encontre devant le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne.
Extraits :
« Monsieur le Préfet de Haute-Marne,
Suite à notre courrier du 14 avril 2006 resté sans réponse et face à l’occupation illégale et persistante du lit majeur de la Marne par un important remblai de matériaux plus ou moins inertes implanté sauvagement en zone humide et inondable depuis plusieurs années, nous avons aujourd’hui le regret de vous notifier ci-joint copie intégrale du recours suivant et de ses pièces justificatives :
– Recours en annulation dirigé contre votre refus d’agir concernant le remblai illégalement constitué par Mr Patrice NICOLLE sur le territoire de la commune de FRONCLES (52), requête adressée ce jour au Tribunal Administratif de CHALONS-en-CHAMPAGNE.
En effet, la situation de ce remblai sauvage, autant que la mise en œuvre effective de vos pouvoirs de police, relèvent de la législation en vigueur et doivent notamment respecter les dispositions prévues par la loi sur l’eau et ses décrets d’application, ce que vous-même et vos services ne peuvent délibérément continuer à ignorer.
Préalablement au dépôt de cette requête, nous avions pourtant tenté d’obtenir par téléphone, les 1er et 6 juin dernier auprès du bureau environnement de votre Préfecture, quelques éclaircissements sur cette affaire et sur votre silence.
L’accueil réservé à cette démarche fut particulièrement froid, imperméable et même méprisant quant aux raisons de notre intervention sur ce dossier. Il nous a finalement été précisé que puisque nous avions formulé une demande écrite, nous aurions une réponse écrite du Préfet. Plus de deux mois après cet entretien, force est de constater que nous avons attendu cette hypothétique réponse en vain, et trop longtemps.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos sentiments les plus dévoués à la cause de l’intérêt général. »
Le recours contentieux
Le recours déposé par l’association auprès du Tribunal administratif s’appuie sur des moyens sérieux par demander au juge de condamner refus d’agir du Préfet contre des travaux sauvages de remblaiement effectués sans la moindre autorisation.
Compte tenu de leur nature, ces travaux tombent sous le coup des régimes d’autorisation / déclaration édictés par la Loi sur l’Eau du 3 janvier 1992 reprise au Code de l’Environnement.
La procédure spécifique à suivre qui n’a pas été respectée par l’auteur de remblais pas plus que par le préfet.
Il est par ailleurs établi et non contestable :
– Que l’enquête judiciaire et les investigations de terrain menées par les gardes-pêche ont notamment permis relever par procès-verbal transmis au Procureur de la République en date du 7 juillet 2003 et dressé à l’encontre de l’auteur des travaux, les infractions suivantes :
1) Obstacle à l’écoulement des crues : Exécution sans autorisation de travaux nuisibles au débit des eaux et au milieu aquatique
2) Remblai en zone humide : Exécution de travaux non déclarés modifiant le débit des eaux ou le milieu aquatique.
– Que le Maire de la commune de Froncles, avait précisé dès le 23 avril 2003 à l’auteur du dépôt, par lettre recommandée dont le Préfet était également destinataire, que les travaux réalisés « sont contraires à la réglementation et nécessitaient une autorisation municipale en vertu de l’article R.442 C du Code de l’Urbanisme qui n’aurait pas été délivrée en référence au Plan d’Occupation des Sols de la commune. » puisque « Les déblais sont entreposés sur des parcelles figurant en zone Nda « zone inondable » ».
– Que la Préfecture de Haute-Marne a elle-même reconnu, dès le 1er juillet 2003 que les aménagements réalisés « portent atteinte aux dispositions de l’article L.211-1 » du Code de l’Environnement.
– Que Voies Navigables de France (VNF), gestionnaire du Domaine Public Fluvial a exigé du responsable des dépôts, dès le 24 juillet « la remise en état du domaine de VNF » lui demandant « expressément d’évacuer les matériaux qu’il a entreposés dans la zone d’expansion des crues »
La loi ordonnait au préfet d’agir
Comme le prévoit l’article L. 216-1 du Code de l’Environnement, le Préfet n’a pas d’autre alternative – s’il est respectueux de la loi – d’agir. Il doit mettre en demeure toute personne responsable d’un « ouvrage, installation, travaux, aménagement » soumis à la législation sur l’eau qui ne satisfait pas aux dispositions prévues par cette législation.
L’article L. 216-1 du Code de l’Environnement spécifie :
« I. – Indépendamment des poursuites pénales, en cas d’inobservation des dispositions prévues par les articles L. 211-2, L. 211-3, L. 211-5, L. 211-7, L. 211-12, L. 214-1 à L. 214-9, L. 214-11 et L. 214-12 ou les règlements et décisions individuelles pris pour leur application, le préfet met en demeure d’y satisfaire dans un délai déterminé.
II. – Si, à l’expiration du délai fixé, il n’a pas été obtempéré à cette injonction par l’exploitant ou par le propriétaire de l’installation s’il n’y a pas d’exploitant, le préfet peut :
1º L’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant à l’estimation du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée au fur et à mesure de leur exécution ; il est, le cas échéant, procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine ;
2º Faire procéder d’office, sans préjudice de l’article L. 211-5, aux frais de l’intéressé, à l’exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application des dispositions ci-dessus peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office ;
3º Suspendre, s’il y a lieu, l’autorisation jusqu’à exécution des conditions imposées ».
Dans de telles circonstances, le Préfet se trouvait en situation de compétence liée et se devait de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police en demandant à l’intéressé de déposer le dossier réglementaire concernant les opérations visées à la nomenclature de la législation Eau ou d’évacuer les remblais.
Malgré ces dispositions réglementaires qui devraient s’appliquer de plein droit dans le cadre de cette affaire, le Préfet se refuse à prononcer une mise en demeure à l’encontre du responsable des travaux.
L’association demande au tribunal
Outre la condamnation du refus d’agir du Préfet de Haute-Marne l’association à également demandé au tribunal :
– d’enjoindre au Préfet de mettre en demeure, dans un délai d’UN MOIS, l’auteur des travaux de régulariser sa situation au regard des exigences du Code de l’Environnement en déposant le dossier réglementaire prévu par la loi, intégrant les mesures à prendre pour remettre le site dans son état initial (retrait de la totalité des matériaux déposés jusqu’au niveau du terrain naturel initial) sous UN MOIS,
– et d’assortir cette injonction d’une astreinte de 150,00 Euros par jour de retard, en application de l’article L. 911-3 du Code de Justice Administrative, jusqu’au jour de l’exécution effective ;
– ou, dans le cadre des pouvoirs spéciaux que confère au Juge Administratif le recours en plein contentieux, de mettre en demeure directement le responsable des travaux litigieux de satisfaire, dans un délai de DEUX MOIS, aux exigences du Code de l’Environnement .