Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Stocamine: Annulation du maintien de stockage souterrain de déchets toxiques

publié le20 octobre 2021

La Cour Administrative d’Appel de Nancy vient de rendre le 17 octobre 2021 son arrêt dans le dossier de Stocamine. Elle prononce l’annulation du jugement du 5 juin 2019 du Tribunal Administratif de Strasbourg ainsi que de l’arrêté préfectoral du 23 mars 2017 qui autorisait l’enfouissement définitif de plus de 40 000 tonnes de déchets toxiques, et relance ainsi le débat sur le déstockage total des déchets enfouis.

C’est une grande victoire pour Alsace Nature, la CEA, la Région Grand Est, la commune de Wittenheim et la CLCV qui ont porté conjointement ce recours en appel.

De par leur décision les juges reconnaissent que l’enfouissement définitif fait courir un risque sanitaire et environnemental important, que le caractère « ultime » des déchets n’est pas fondé et que les capacités financières tout au long de l’exploitation n’étaient pas garanties.

(Lire article sur le site d’ Alsace-Nature : Stocamine, que de temps perdu.)

Sans surprise, la ministre Pompili de la Transition écologique a décidé d’attaquer cette décision devant le Conseil d’État.

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Le communiqué de la CAA de Nancy

La cour administrative d’appel de Nancy a annulé le 17 octobre 2021 l’arrêté du 23 mars 2017 autorisant la société des mines de potasse d’Alsace (MDPA) à maintenir pour une durée illimitée un stockage souterrain de déchets dangereux dans le sous-sol de la commune de Wittelsheim.

La société Stocamine a été créée pour exploiter un stockage souterrain de déchets dangereux, non-radioactifs à environ 600 mètres sous terre, dans une couche de sel gemme, sous les couches de potasse qui avaient été anciennement utilisées par la société MDPA.

Ce stockage, destiné à accueillir jusqu’à 320 000 tonnes de déchets dans le sous-sol du territoire de la commune de Wittelsheim, avait été autorisé pour une durée de 30 ans par le préfet du Haut-Rhin le 3 février 1997. 44 000 tonnes de déchets étaient stockées lorsqu’un incendie s’est produit en 2002 dans l’un des blocs de la structure de stockage, obligeant à interrompre le stockage de nouveaux déchets.

Par un arrêté du 23 mars 2017, le préfet du Haut-Rhin a autorisé la société MDPA, qui avait repris la société Stocamine, à maintenir pour une durée illimitée le stockage déjà effectué, après retrait d’une part importante des déchets contenant du mercure (désormais réalisé à 95%) et d’une partie des déchets phytosanitaires contenant du zirame.

Le département du Haut-Rhin, la région Grand Est, l’association Alsace Nature et la commune de Wittenheim ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler cet arrêté. Par un jugement du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes. Le département du Haut‑Rhin, auquel s’est substituée depuis lors la collectivité européenne d’Alsace, l’association Alsace Nature et l’association Consommation, logement et cadre de vie – union départementale du Haut‑Rhin ont fait appel du jugement devant la cour administrative d’appel de Nancy.

Pour annuler le jugement du tribunal administratif et l’arrêté du préfet, la cour s’est fondée sur trois motifs, tous relatifs aux garanties financières de l’exploitant.

 La prolongation illimitée d’une telle installation de stockage ne peut en effet être autorisée que si l’exploitant dispose de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien ce projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles d’en découler.

La cour a estimé que les nouvelles conditions de stockage imposaient au préfet de procéder à une nouvelle évaluation des garanties financières constituées par l’exploitant et auraient dû donner lieu à une information du public sur ce point, ce qui n’avait pas été le cas. Elle a également relevé que la société MDPA n’apportait aucune indication sur ses capacités financières propres. L’État est son unique actionnaire et lui accorde des subventions annuelles, mais leur maintien dans des conditions permettant d’exploiter à long terme les installations de stockage, en assurant notamment les travaux d’isolement et de remblayage du site, sa surveillance et autres interventions, n’apparaissait pas comme garanti. Enfin, la cour a noté que la société MDPA était en liquidation amiable et n’avait donc vocation à subsister que pour les besoins de la liquidation, conformément à l’article L. 237-2 du code de commerce.

( La décision de la cour administrative d’appel de Nancy)