TotalEnergies Renouvelables peu soucieuse des « espèces protégées »
Pour son parc photovoltaïque de MANTRY (39) : la société TotalEnergies Renouvelables France contrainte de déposer un dossier de dérogation « espèces protégées »
En 2019, le groupe industriel TotalEnergies Renouvelables France a souhaité développer un parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de MANTRY dans le Jura sur un ancien délaissé autoroutier. Accentuant son argumentation sur le fait que le site était anthropisé, elle a toujours refusé, au grand damne de la CPEPESC, d’admettre qu’il pouvait constituer un site de reproduction et une aire de repos de plusieurs espèces protégées à enjeu de conservation.

C’est ainsi que le bureau d’étude considérait que « le choix de l’implantation du projet s’appuie sur la prise en compte du caractère anthropisé de la zone d’étude,
prioritaire pour développer un projet de centrale photovoltaïque au sol et des différents enjeux environnementaux et paysagers pressentis sur le site, qui apparaissent comme faibles, d’où le choix d’étude de ce site » (extrait de l’étude d’impact) alors que la CPEPESC signalait dès le stade de l’enquête publique que « malgré ces lacunes [de l’étude d’impact], les expertises faunistiques du bureau d’étude Siteléco révèlent des enjeux écologiques indéniables. Les milieux représentés, zones de pelouses et zones rudérales entrecoupées de buissons, d’arbustes et d’arbres de haut jet, constituent assurément des habitats d’espèces protégées à enjeu patrimonial (Listes rouges régionale et/ou nationale), notamment parmi l’avifaune et les chiroptères.
Ainsi, parmi l’avifaune, 61 espèces d’oiseaux ont été inventoriées entre le 29 avril 2020 et le 26 janvier 2021 au cours des six sorties/prospections réalisées et non pas seulement 51 comme écrit par erreur. Comme le précise l’étude d’impact, cette richesse spécifique « est intéressante au regard de la superficie et de la relative homogénéité des habitats naturels » .
La CPEPESC ajoutait qu’« avec des mesures d’évitement et de réduction insuffisantes sans parler des mesures de suivi proposées qui excluent l’avifaune, groupe dont l’enjeu est pourtant le plus élevé, et en l’absence de mesures compensatoires, l’objectif de l’absence de perte nette de biodiversité à court et moyen terme, objectif inscrit au code de l’environnement depuis la promulgation de la loi pour la reconquête de la biodiversité d’août 2016, ne pourra en aucune façon être garanti ».
Confrontée à l’issue de l’enquête publique au refus caractérisé de TotalEnergies, la CPEPESC a saisi la juridiction administrative d’un recours de pleine juridiction après avoir sollicité en vain le préfet.
Initialement, c’est le permis de construire signé le 1er août 2022 qu’elle s’apprêtait à contester, mais faute d’avoir eu connaissance dans les délais de la délivrance de ce dernier, elle a dû se contenter de demander au tribunal administratif d’annuler le refus d’agir préfectoral de mettre en demeure la société de déposer un dossier de dérogation au régime de protection des espèces protégées.
Le jugement a été rendu le 25 juillet. Après avoir rappelé comment s’établissait dorénavant le système de protection des espèces résultant des dispositions combinées fixées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 et des arrêtés de protection spécifique, le tribunal administratif, a estimé que :
« Il résulte également de cette étude que les mesures proposées pour éviter et réduire les impacts liés à la destruction de ces habitats consistent dans la mise en place d’un calendrier d’entretien spécifique de la centrale photovoltaïque et la mise en défens de la ripisylve du ruisseau du Prélot, ainsi que cela est exprimé dans le tableau d’évaluation
général des impacts bruts résiduels. Toutefois, ces mesures, qui se limitent d’une part à l’entretien du site, lequel intervient après la destruction des habitats, et d’autre part au constat d’un report possible des espèces concernées dans des lieux adjacents, sont manifestement insuffisantes et inadaptées pour réduire ou éviter les inconvénients résultant de la destruction des habitats en cause, lesquels couvrent une partie significative de la zone à défricher eu égard aux documents photographiques, notamment aériens, produits au dossier.
Dès lors, il apparaît que les risques que comporte le projet pour une partie importante des espèces listées au point 10, sont suffisamment caractérisés, au sens des dispositions précitées et que les mesures d’évitement et de réduction qui procèdent des propositions de l’étude environnementale évoquée au point précédent ne présentent pas des garanties d’effectivité telles qu’elles permettraient de les diminuer. Dès lors, le dépôt d’une demande de dérogation « espèces protégées » était nécessaire et le moyen
tiré de l’absence de cette dérogation doit être retenu ».
Le tribunal a donc enjoint au préfet du Jura de mettre en demeure la société TotalEnergies de déposer une demande de dérogation à l’interdiction de destruction des espèces et des habitats protégés au titre de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement dans un délai qu’il a fixé à un mois.
La CPEPESC peut regretter que cette injonction n’ait pas été assortie d’une astreinte, d’autant qu’un appel du groupe industriel, à l’instar de… la Ministre de la transition écologique, est plus que probable.
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