Tourbière de Mouthe : Le juge administratif n’aura pas à trancher : Mouthe (25) renonce à construire dans la tourbière de la source du Doubs
Quel étonnement pour la Commission de Protection des Eaux (CPEPESC) d’apprendre, à l’automne 2004, que MOUTHE, une commune adhérente d’un Parc Naturel Régional du Haut Jura protégeant les tourbières, va s’auto-délivrer un permis de construire dans une tourbière prestigieuse, qui plus est celle de la Source du Doubs, dans l’un des plus beaux paysages du massif du Jura, dans le but d’y construire… un hangar destiné à devenir un atelier communal !
L’association se trouve rapidement mobilisée par la volonté de conserver l’intégrité d’un milieu naturel sensible et unique, en l’espèce une zone de tourbières voisines de la source du Doubs, en raison de l’absence de prise en compte de ce milieu et des exigences de protection environnementales.
L’association est a la fois inquiète et confiante ; car si l’ancien POS de 1995 prévoyait bien d’entamer la tourbière pour réaliser la zone d’activité dite du Moutat, la commune de Mouthe avait depuis adhéré à la charte du Parc Naturel Régional du Haut-Jura qui protège les tourbières. D’autre part, la mise en place du réseau NATURA 2000, ne peut que protéger intégralement la grande tourbière qui encadre la source du Doubs !
<doc1566|right> Mais elle découvrira bien vite que la zone du Moutat, a été retirée de la zone de la tourbière de Mouthe lors de sa délimitation en Natura 2000, par l’administration pour permettre en place une zone artisanale, là encore en contradiction avec la charte du PNR et avec l’assentiment des administrations de l’Etat ! </doc1566|right>
Ce curieux « découpage » administratif a été baptisé par la CPEPESC, la « clé plate de Mouthe »! : Sur le document officiel Natura 2000, le rectangle de la zone du Moutat (une vert clair) avait été retirée de la zone de la tourbière délimitée par pour y mettre en place une zone artisanale. (Cliquez sur le document …)
Défendre la zone humide à tout prix
Après avoir appris que la demande de permis avait été déposée, la CPEPESC avait adressé en vain en février 2005 une lettre motivée. Elle y avait rappelé en vain que plus de 50% de la surface des zones humides françaises avaient déjà disparu en un quart de siècle et qu’il serait regrettable que la commune de Mouthe agisse par deux fois en contradiction avec l’esprit de la Charte du PNR du Haut Jura d’une part en tant qu’autorité délivrant une telle autorisation d’urbanisme et d’autre part comme bénéficiaire et maître d’ouvrage du bâtiment.
Le 6 avril 2005, le permis de construire d’un atelier communal au lieu-dit « le Moutat » est délivré par la maire de MOUTHE.
L’association qui a décidé de protéger à tout prix surveille le terrain où se trouve déjà le panneau informatif du permis de construire. Elle doit en effet être prête à déposer en urgence un recours en référé devant le juge si les travaux venaient à commencer.
Pour l’association cette autorisation d’urbanisme est constitutive d’un abus de pouvoir et se trouve entachée de plusieurs illégalités manifestes. Le permis de construire contesté montre que le terrain sera remblayé pour constituer une plate forme remblayée sur la zone humide. La notice descriptive de présentation du projet n’est appuyée que de clichés des lieux pris en hiver et recouverts d’une épaisse couche de neige masquant la végétation et la nature humide des terrains de la tourbière, dont on ne signalait même pas l’existence dans le dossier… etc.
La CPEPESC dépose donc, en commun avec une association locale nouvellement créée pour défendre le site, « l’association La Source du Doubs », une requête en annulation devant le Tribunal Administratif de Besançon. Son recours vise plusieurs illégalités. Les deux associations restent particulièrement vigilantes et prêtes à intervenir en urgence auprès du juge des référés au premier coup de pelle.
En juillet 2005, l’association verse au dossier d’un rapport d’expertise botanique qui atteste et prouve, photos et relevés GPS à l’appui, la présence d’espèces protégées sur la zone humide du Moutat et plus particulièrement sur les parcelles directement concernées par le permis de construire relatif au hangar communal.
Elle en profite pour rappeler par écrit « que toute destruction d’espèces protégées serait constitutive d’un délit auquel nous ne pourrions que donner les suites qui s’imposeraient » et, elle propose une nouvelle fois une sortie amiable de cette affaire avant la sanction du tribunal :
« Dans le sens des interventions conduites dès le mois de février et pourtant en amont de la décision aujourd’hui contestée devant la juridiction administrative, notre association précise qu’elle ne cherche pas à vous prendre en traître sur ce dossier et souhaiterait naturellement éviter un développement du contentieux sur le plan pénal. La CPE estime par ailleurs que la Mairie de Mouthe s’honorerait en retirant ce projet, dont la réalisation à cet endroit ne ferait que porter atteinte à l’environnement et à l’image de la commune, en amputant cette zone naturelle et humide du Moutat, dont l’intérêt et la richesse ne sont plus à démontrer. »
Une sortie de crise négociée dans le contexte de la révision du PLU
En octobre 2006, l’avocat de la commune contacte les deux associations pour proposer un arrangement, dans le cadre de la révision de son document d’urbanisme. La commune envisage dans ce cadre la création d’une zone d’activité intercommunale sur un site autre que le Mouthat, au lieu-dit «Les Meix de la Chaux » situé à l’entrée du village côté « Petite Chaux ». La commune propose, si les associations acceptent de retirer leurs recours auprès du Tribunal, de renoncer au maintien de la zone d’activité au lieu-dit «Le Moutat » et surtout de retirer l’arrêté de permis de construire de l’atelier communal.
Après consultation du projet de nouvelle zone d’activité, qui bénéficie d’une meilleure implantation environnementale que celle contestée du Moutat, les associations acceptent sous plusieurs conditions le principe d’un désistement de leur action devant le Tribunal Administratif de Besançon, dont notamment : le retrait effectif du permis de construire litigieux, une délibération portant engagement de la commune vis-à-vis de la zone du Moutat, le replacement du lieu en zone naturelle non urbanisable dans le projet de PLU et sa réintégration dans le zonage NATURA 2000 par demande officielle auprès de l’Etat, une bonne intégration du nouveau projet de zone d’activités «Les Meix de la Chaux » .
En février 2007, par l’intermédiaire de son avocat de la commune fait savoir que la commune accepte de signer un accord en contrepartie du retrait des recours des deux associations. La Commune de MOUTHE propose :
– de s’engager par délibération de son Conseil Municipal à ne plus délivrer de permis de construire dans cette zone jusqu’à l’approbation de la révision en cours du Plan Local d’Urbanisme (PLU).
– Dans le cadre de cette révision du PLU, la commune de MOUTHE de s’engager à modifier le classement de cette zone qui deviendra une zone naturelle et de ce fait non urbanisable.
– De solliciter officiellement le Préfet et la DIREN de FRANCHE-COMTE pour l’intégration de ce secteur dans le zonage Natura 2000 « Tourbières et ruisseaux de Mouthe, Source du Doubs.
– Concernant le projet de zone d’activités « LES MEIX DE LA CHAUX » la Commune de MOUTHE propose de réaliser une charte paysagère en collaboration avec le Parc Naturel du HAUT JURA, afin de réaliser la meilleure intégration paysagère possible et afin de traiter au mieux les effluents.
– Enfin, de procéder au retrait du permis de construire attaqué par les associations.
L’accord sera signé par toutes les parties durant l’été 2007. Conformément à leurs engagements les associations CPEPESC et « La source du Doubs » ont immédiatement informé le tribunal administratif qu’elles se désistaient de l’action en demande d’annulation du permis de construire contesté. Et par ordonnance du 13 septembre 2007, cette juridiction a accepté le désistement de la CPEPESC et de l’Association « La Source du Doubs ».
On ne peut que se réjouir du dénouement constructif de cette affaire d’autant qu’il semble un gage de pérennité durable de la grande tourbière de la source du Doubs.