Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Travaux nuisibles aux milieux aquatiques et à la faune piscicole à AISEY-ET-RICHECOURT (70) : la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Besançon infirme l’ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile de la CPEPESC rendue par le juge d’instruction de Vesoul

publié le25 mai 2018

Le 30 décembre 2014, la CPEPESC déposait une plainte contre « X » pour des travaux d’aménagement particulièrement dommageables pour l’environnement et la biodiversité constatés le 5 décembre 2014 sur le territoire de la commune d’AISEY-ET-RICHECOURT dans le périmètre de l’actuel site Natura 2000 Vallée de la Saône :

– Près de 4000 mètres linéaires de fossés en rive droite de la Saône ont été recalibrés courant novembre 2014 à la pelle hydraulique sur deux secteurs : au lieu-dit Ligne de la Chapelle et au nord du ruisseau de la Bazeuille. Leurs profils ont été modifiés (élargissement et approfondissement) et le substrat naturel a été extrait et déposé sur les bords des fossés ou évacué.

– Les berges ont été également rectifiées au godet afin de se rapprocher d’une section au « trapèze ». C’est notamment le cas sur le secteur de la Bazeuille où le profil originel du fossé principal, curé sur près de 600 m, a été largement modifié et surcreusé.

– Enfin, l’élargissement et l’approfondissement des écoulements ont induit l’assèchement de zones humides ; à ce seul titre ces travaux nécessitaient l’obtention d’une autorisation délivrée par la préfecture en application des articles L. 214.1 à L. 214.3 du code de l’environnement après instruction d’un dossier comportant une étude d’impact.

Pataugeoire et méandres judiciaires

Malgré plusieurs relances auprès du Parquet, la CPEPESC n’apprend l’existence d’une médiation pénale que 18 mois plus tard par le retour d’un tableau de suivi qu’elle a elle-même transmis au bureau d’ordre pour connaître l’état de traitement de sa plainte.

Selon l’article 41-1 du code de procédure pénale dispose que « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué ou d’un médiateur du procureur de la République :(…) 5° Faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime (…) ».

Dans la mesure où la CPEPESC n’a sollicité aucune médiation dans ce dossier, que son accord n’a pas été recherché pour entamer une procédure de médiation et qu’elle n’a pas spontanément été informée de cette mesure alternative aux poursuites comme le prévoit encore l’article 40-2 du code de procédure pénale, notre association a saisi le juge d’instruction près le tribunal de grande instance de Vesoul le 26 mai 2017 d’une plainte avec constitution de partie civile.

Par ordonnance rendue le 13 juillet 2017, le juge a fixé le montant de la consignation à 7000 euros réévalué à 3500 euros le 26 novembre 2017 par la chambre de l’instruction de Besançon après que la CPEPESC ait interjeté appel.

Le 16 janvier 2018, dans le cadre de l’information judiciaire, le procureur de la république requérait l’irrecevabilité de constitution de partie civile de la CPEPESC ce que confirmait le juge par son ordonnance du 30 janvier 2018 aux motifs qu’une réponse pénale avait été apportée, laquelle était toujours en cours et que, dans ces conditions, l’absence de régularisation du dommage n’était pas imputable aux mis en cause.

Les intérêts collectifs défendus aux statuts de l’association étant bafoués, la CPEPESC a de nouveau interjeté appel de cette décision.

Elle a notamment relevé que si le procureur peut prescrire l’une des obligations prévues par l’article 41-1 du code de procédure pénale, celle-ci n’emporte pas extinction de l’action publique d’autant que la mesure de médiation n’a toujours pas été exécutée plus de deux ans après qu’elle ait été décidée, le procureur ayant d’ailleurs requis le 13 janvier 2018 la prolongation de la mesure de médiation pour une période de 6 mois !

De même, a-t-elle rappelé que son dépôt de plainte devant le juge respectait les formalités exigées par l’article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale puisque la saisine du doyen des juges d’instruction n’est intervenue qu’une fois écoulé le délai conditionnel de 3 mois prévu à cet article depuis qu’une plainte a été déposée devant un magistrat du Parquet.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Besançon, dans son arrêt du 16 mai 2018, a reconnu qu’aucune des dispositions des articles 41-1 et 85 du code de procédure pénale ne s’opposaient à la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile et qu’il convenait par conséquent d’infirmer l’ordonnance déférée, relevant que la prolongation tardive de la mesure de médiation pénale par le procureur de la République n’était que de pure circonstance.

Après avoir déclaré recevable la plainte avec constitution de partie civile, la chambre de l’instruction a donc ordonné le retour du dossier à Monsieur le doyen des juges d’instruction de Vesoul.

Après toutes ces années perdues en échanges et en actes de procédure, la CPEPESC espère que l’instruction de cette affaire portant sur des travaux nuisibles aux milieux aquatiques et à la faune piscicole réalisés sans autorisation reprendra son cours normal et débouchera sur la condamnation des mis en cause à réparer le préjudice écologique et celui de l’association.

Note postérieure à cet article.

En juin 2023, après bien des péripéties judiciaires, l’affaire aboutissait à une sanction pénale symbolique c’est à dire une quasi relaxe et à des dommages et intérêts symboliques aux parties civiles plaignantes dont la CPE. Compte-tenu de l’ampleur du linéaire de cours d’eau impactés et de la connaissance manifeste par les protagonistes que de tels travaux ne pouvaient être engagés sans autorisation spécifique préalable, la relaxe (partielle) prononcée, comme l’absence de toute obligation de remise en état, constituant évidemment un encouragement au fait accompli pour certains professionnels intervenant en milieu agricole! Bien entendu, la CPEPESC ne pouvait que faire appel de ce jugement en ce qui concerne ses intérêts et des mesures compensatoires réparatrices. Le 12 janvier 2024 par un arrêt prononcé publiquement par la chambre des appels correctionnel obtenait une condamnation à verser une somme totale de 2162,22€. Le dossier étant désormais clôturé et les jugements devenus définitifs

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