Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

ZAE de Montrond (39) : une décision incompréhensible du juge des référés du Tribunal administratif de Besançon !

publié le23 novembre 2016

Rappel des faits

Par une ordonnance datée du 21 octobre 2016, le Juge des référés du Tribunal administratif de Besançon avait suspendu l’exécution de l’arrêté préfectoral du 16 mars 2015 portant dérogation à l’interdiction de détruire, altérer, dégrader des sites de reproduction ou des aires de repos de spécimens d’espèces animales protégées dans le cadre de la création d’une Zone d’activités économiques (ZAE) sur la commune de Montrond, site de la Chalette (39). ( Sur les dérogations à lire!)

Le juge avait estimé que « les seuls éléments présents au dossier pour justifier de l’intérêt public du projet sont constitués par le contenu de la demande de dérogation qui évoque le souhait de la communauté de communes, dont le territoire comporte déjà trois zones d’activités intercommunales, d’en créer une quatrième pour, sans autre précision, « redynamiser l’économie locale et attirer une population nouvelle à Montrond avec la création de plusieurs dizaines d’emplois ». Dans ces conditions, et alors que les dispositions autorisant la dérogation à l’interdiction de détruire l’habitat d’espèces protégées sont d’interprétation stricte et ne sauraient bénéficier qu’aux projets d’intérêt public dont le caractère impératif est suffisamment démontré, le moyen tiré de ce que cette condition n’est pas remplie en l’espèce est susceptible de créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué, de même que celui tiré de l’insuffisante motivation, à cet égard, de cet arrêté. Il résulte de ce qui précède que l’association CPEPESC FC est fondée à demander la suspension de l’arrêté préfectoral du 16 mars 2015… »

Contre toute attente, le préfet du Jura a, dès le 26 octobre, abrogé l’arrêté dérogatoire du 16 mars 2015 pour le remplacer par un autre arrêté signé le même jour. Le préfet explique : « Pour tenir compte des motifs ayant fondé la décision du juge administratif et notamment l’insuffisante motivation de l’arrêté préfectoral qui a été suspendu, le préfet a abrogé cet arrêté et pris un nouvel arrêté qui comporte une motivation plus développée correspondant aux exigences légales et réglementaires ».

Face à ce que nous pouvons qualifier d’abus de pouvoir, car sur le fond le projet reste incontestablement le même, la CPEPESC a saisi de nouveau le tribunal administratif d’un recours en annulation et d’un référé-suspension déposés le 3 novembre 2016.

Curieux retournement de situation

L’audience de référé est intervenue le 17 novembre présidée par le même juge. Pour seule défense supplémentaire, la préfecture et la collectivité ont produit respectivement le jour même et la veille une note datée du 25 octobre 2016 censée justifier l’intérêt public majeur de cette énième zone d’activités économiques. Mais on n’est guère plus avancés puisqu’elle se résume à préciser les raisons pour lesquelles deux autres sites n’ont pas été retenus en lieu et place du site de la Chalette et on y découvre le nom des 5 entreprises ayant déjà réservé des emplacements sur la future ZAE … avec une création de 3 emplois dans un premier temps et de 5 emplois à moyen terme. En réalité les soi-disant dizaines d’emplois créés correspondent à des emplois délocalisés, cela n’a pas été contesté à l’audience…

Le projet dans ces conditions ne pouvait prétendre revêtir la qualification d’intérêt public majeur quand bien même la collectivité le justifie par la création de circuits courts, la sauvegarde de l’exploitation de la ressource bois ou encore la réduction de l’empreinte carbone, motif qui s’accorde mal avec la suppression de 20 ha de milieux naturels et l’installation d’entreprises privées très consommatrices d’énergie.

Pourtant, dans l’ordonnance rendue le 21 novembre, le juge a estimé sans autre précision et motivation qu’ « aucun des moyens développés par l’association requérante n’est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 26 octobre 2016 par lequel le préfet du Jura a accordé à la communauté de communes Champagnole Porte du Haut-Jura, la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement en vue de la réalisation d’une zone d’activités économiques dans la commune de Montrond ».

Ainsi, le préfet du Jura et le juge des référés ont considéré qu’une nouvelle rédaction des motivations, en application de la loi du 11 juillet 1979, suffisait à remplir les conditions d’octroi de la dérogation et à satisfaire aux exigences légales et réglementaires du code de l’environnement.

Incompréhension

Mais comment aujourd’hui le projet pourrait-il répondre au motif tenant à l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur ? S’il ne remplissait pas les conditions le 21 octobre dernier, il ne peut les remplir davantage un mois plus tard. L’inconsistance de la note du 25 octobre produite tardivement en cours d’instance n’aurait pas dû échapper au juge.

En outre, comment le projet ne pourrait-il pas être de nature à remettre en cause l’état de conservation favorable des espèces menacées du site dans leur aire de répartition naturelle, autre critère défendu à l’article L. 411-2, au regard de l’indigence des mesures compensatoires et de l’absence de prise en compte dans la dérogation d’espèces protégées à fort intérêt patrimonial !?

La CPEPESC ne cache pas son désarroi et son indignation face à cette décision incompréhensible.

Espérons que les juges du fond sauront accueillir autrement les moyens défendus par la CPEPESC dans cette affaire, notamment ceux tenant aux nombreuses insuffisances et lacunes de l’étude d’impact faune-flore.