Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Artificialisation des sols : une manche perdue mais le combat continue

publié le12 octobre 2023
Zone d’activités des Guinnottes 3 à HERICOURT (70)!

Fin août 2023, la CPEPESC a saisi le tribunal administratif d’une requête en annulation contre l’arrêté d’autorisation environnementale délivré par le préfet de la Haute-Saône à la Communauté de communes du Pays d’Héricourt (CCPH) pour l’aménagement d’une énième zone d’activités dite des Guinnottes 3 succédant à la numéro 1 et 2 sur une douzaine d’hectares.

Si le déboisement et le défrichement des terrains de la phase 2 – ceux de la phase 1 ayant été déboisés en 2019 sans la moindre expertise écologique – ont été réalisés à la hussarde en mars 2022, avant même l’ouverture de l’enquête publique, les travaux lourds de terrassement avec décapage et modelage d’importants volumes de terre végétale ont débuté durant la seconde quinzaine d’août, c’est pourquoi la CPEPESC avait déposé également un référé suspension dès le 5 septembre argumentant sur l’urgence à stopper les travaux en cours dont les conséquences à terme s’avèreraient irréversibles sur les habitats et les espèces protégées.

La situation au 5 septembre n’était pas encore rédhibitoire sachant que les opérations de terrassement n’étaient pas achevées. Les terrains décaissés pouvaient recouvrer leur aspect d’origine et voir leurs fonctionnalités écologiques rétablies sur le plan habitationnel pour les espèces protégées identifiées.

Elle ne l’était pas davantage au 29 septembre, date de l’audience. A cette date et bien que les travaux se soient poursuivis à un rythme soutenu – il ne fallait pas imaginer le contraire avec la CCPH –, aucune surface n’avait encore été imperméabilisée. Seulement voilà, la juge des référés, malgré l’argumentaire avancé par la requérante sur la résilience écologique et la capacité de la nature à se régénérer, alors que la partie adverse justifiait des importants financements mobilisés et de la défiance que faisait naitre ce contentieux chez les entreprises déjà engagées, par une ordonnance rendue le 3 octobre a rejeté la demande de suspension de l’exécution de l’arrêté en litige et donc des travaux en cause sans qu’elle n’ait eu à examiner un moyen sérieux d’annulation :

« Or, il ressort des écrits des parties, de leurs déclarations à l’audience et des photographies versées au dossier, que les travaux préparatoires de terrassement et de décapage des sols sont déjà largement réalisés, voire achevés et que le défrichement est également déjà réalisé. Ainsi, eu égard à cet état d’avancement, l’atteinte aux espèces protégées est déjà très largement consommée, de sorte que la condition d’urgence ne peut plus être regardée comme remplie, d’autant qu’une suspension de l’arrêté mettrait un terme aux obligations qu’il fixe en matière d’évitement, de réduction et de compensation des impacts négatifs sur les espèces protégées. Ainsi, la requête doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, pas plus que sur la condition tenant à l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l’acte litigieux ».

Comme la CPEPESC a déjà eu l’occasion, par expérience, de le constater, dans une telle hypothèse de travaux et face à un aménageur dont l’arme principale a été de mener les travaux au plus vite, le référé-suspension n’est décidément pas adapté.

L’affaire n’est pour autant pas terminée, le fond du dossier devant encore être examiné. Reste en effet à obtenir des mesures compensatoires qui font foncièrement défaut et nul doute que des moyens tels que l’absence d’autorisation de défrichement, pourtant obligatoire pour les collectivités quelle que soit la surface de terrain défriché et l’absence de dossier de dérogation sauront recueillir l’assentiment du tribunal. Rendez-vous dans quelques mois…

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