Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Carrière en milieu arboré à JUSSEY (70) : la commissaire-enquêtrice dit non !

publié le28 mars 2024

C’est un projet d’une autre époque, porté par la société PIGHETTI TP basée à BOUGEY et soumis tout récemment à enquête publique, que la commissaire-enquêtrice vient de rejeter en bloc. Absolument pas convaincue par l’utilité d’une nouvelle carrière de roches massives, elle a émis le 29 février 2024 un avis défavorable à la demande d’autorisation environnementale suivant en cela l’avis de la CPEPESC et d’autres associations de protection de la nature.

L’association résumait ainsi les impacts négatifs pressentis et les carences de l’étude d’impact : perte d’une surface boisée dont la restauration n’est prévu que sur 1/5iè de sa surface et alors que son état est jugé très bon ; altération, dégradation pérenne de la biodiversité pendant 30 ans voire au-delà en cas d’extension à terme qu’il sera difficile de contester au regard des objectifs défendus au Schéma départemental des carrières ; nuisances diverses (sonores, transports, etc.) ; non compatibilité avec les documents de planification ; mesures « Eviter-Réduire-Compenser » sur la biodiversité insuffisantes, absence de raison impérative d’intérêt public majeur ; recherche d’une autre solution alternative satisfaisante non conduite de façon appropriée, etc.

La commissaire-enquêtrice relevait que « le projet de carrière comporte des impacts sur le cadre de vie des habitants du village de Noroy-les-Jussey, que l’implantation du site, la topographie et les diverses mesures d’évitement et de réduction des impacts prévues rendent modérés. Entraînant un déboisement de la totalité de son emprise, de l’ordre de 5 hectares, au sein d’un massif boisé, le projet a des incidences fortes sur la biodiversité, et notamment sur l’avifaune et les chiroptères qu’abrite cet espace, dont de nombreuses espèces protégées. Des mesures réduisent ces impacts mais l’impact de la perte d’habitats subsiste pour les chiroptères et entraîne une demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces et d’habitats protégés pour sept espèces protégées, accompagnée d’une mesure de compensation portant sur le classement sur deux parcelles contigües d’une surface de bois en îlot de vieillissement et la désignation d’arbres à cavités sans exploitation ».

Et ajoutait qu’ « il est essentiel pour une bonne gestion des ressources, de considérer la capacité de production de granulats qui est autorisée dans la zone de chalandise au regard des besoins. Or, de nombreuses carrières existent dans cette zone de chalandise et la capacité de production autorisée y apparait largement suffisante. Parmi ces carrières, deux carrières très proches, l’une à Jussey même, pour laquelle une demande de renouvellement vient d’être annoncée, et une autre à Melin, ont un volume de production bien inférieur à la capacité qui leur est autorisée. J’estime en conséquence que le besoin d’une carrière nouvelle n’est pas démontré ».

Avant de conclure : « pour éviter la multiplication des sites, le schéma départemental des carrières de la Haute-Saône privilégie les renouvellements d’autorisation et les extensions et précise que toute demande d’ouverture de carrière aura un caractère exceptionnel et ne sera prise en considération que si elle permet un processus de substitution aux matériaux alluvionnaires, c’est-à-dire si les matériaux du site sont de qualité exceptionnelle ou sont rares , ce qui n’est pas le cas du projet qui vise des matériaux de qualité moyenne adaptés aux terrassements et travaux de voirie. J’estime en conséquence que le projet n’est pas compatible avec ces dispositions du schéma départemental.

Pour les mêmes raisons, je considère également que le projet ne répond pas à la condition de raison impérative d’intérêt public majeur exigée par le code de l’environnement pour l’autorisation de dérogation au régime de protection des espèces et habitats protégés ».

Forte du constat que l’objectif de l’absence de perte nette de biodiversité à court et moyen terme ne pourra être respecté en raison de l’impact irréversible pressenti sur les milieux en présence à fortes aménités, la CPEPESC prend l’engagement que, dans l’hypothèse de la délivrance d’une autorisation environnementale, elle déposerait un recours contentieux devant le tribunal administratif comme elle a déjà eu l’occasion de le faire pour d’autres projets destructeurs réfutant l’intérêt manifeste que représentent les habitats d’espèces protégées. Un tel projet, incohérent dans le contexte actuel de réchauffement climatique puisqu’il s’accompagne du défrichement de parcelles boisées qui participent par elles-mêmes à la lutte contre les effets de ce dérèglement, ne peut prospérer et la SARL PIGHETTI TP serait bien inspirée de l’enterrer purement et simplement.