Définition et cartographie des Zones humides en France : Réponse du Secrétariat d’État chargé de l’écologie
Le sénateur jurassien Bailly avait posé la question écrite suivante :
« Il appelle l’attention de Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie sur la nécessité d’une définition claire des zones humides. Il aimerait savoir par qui et comment ces zones sont identifiées.
Il fait remarquer qu’il est urgent de pallier le manque de cartographie des milieux humides à l’échelle de la France et suggère que ce travail soit réalisé par département afin que les propriétaires, les collectivités territoriales concernés ainsi que les utilisateurs de l’espace puissent disposer d’une information fiable et d’accès facile.
Par ailleurs, il serait souhaitable que soient connues également par le public les différentes mesures réglementaires qui sont appliquées dans ces zones, suivant leur classement. Il serait très heureux d’avoir des informations détaillées à ce sujet ». (Question écrite n° 09722, JO Sénat du 23/07/2009 – page 1824)
Réponse du Secrétariat d’État chargé de l’écologie
Depuis 1992, la législation française dispose d’une définition claire et unique des zones humides qui a été codifiée par l’article L. 211-1 du code de l’environnement. Les critères à retenir pour la définition des zones humides mentionnées au L. 211-1 ont été précisés dans l’article R. 211-108 du même code.
Ces critères de définition et de délimitation constituent le socle des différents inventaires et cartographies réalisés pour répondre aux objectifs de préservation promus par la loi.
L’Observatoire national des zones humides (ONZH) a été créé en 1995 dans le cadre du plan national d’action pour les zones humides. Le ministère en charge de l’écologie (service de l’observation et des statistiques [SOES] – ex-IFEN) assure sa mise en oeuvre et bénéficie de l’appui scientifique du Muséum national d’histoire naturelle. Il s’agit de suivre l’évolution (indicateurs, enquête à dire d’experts) de 152 zones humides d’importance majeure (littoral atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, littoral méditerranéen, vallées alluviales, plaines intérieures), auxquelles s’ajoutent 52 massifs à tourbières (certains restant encore à délimiter). Ces sites, couvrant un périmètre d’observation de 2,4 millions d’hectares, sont représentatifs des différents types d’écosystèmes présents sur le territoire métropolitain, tant du point de vue de la diversité écologique des milieux que des contextes socio-économiques.
La dernière enquête de cet observatoire date de 2003 et couvre la période 1990-2000. Une carte des milieux à composante humide a été élaborée par l’IFEN et le Muséum national d’histoire naturelle en 2001 à partir de l’exploitation et de la synthèse de couches géographiques disponibles au plan national. Il ne s’agit pas d’un inventaire exhaustif des zones humides, mais d’une localisation des principaux milieux à composante humide en France métropolitaine, réalisée sur la base d’informations géographiques disponibles au moment de sa conception. Bien que non exhaustive, cette carte sert de base d’information. Elle a été mise à jour en mai 2009 par le SOES, la superficie des zones ainsi délimitées s’élève à 2,2 millions d’hectares. Le système d’information français sur l’eau (SIE) piloté par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est destiné à diffuser et à partager les données et informations sur tous les compartiments de l’eau.
Par ailleurs, de nombreux partenaires ont développé des systèmes d’information géographiques à des échelles adaptées à leurs besoins (bassin versant, région, parc naturel) ou selon des types de zones humides (tourbières, mares). Des inventaires de zones humides sont réalisés à l’échelle intercommunale, départementale ou du bassin versant, souvent avec le concours des agences de l’eau.
Deux logiciels d’inventaire des zones humides sont utilisés pour aider à la caractérisation des zones humides par les acteurs de terrain : un premier développé par l’ex-IFEN et le service d’administration nationale des données et référentiels sur l’eau (SANDRE) et un second exploité sur le bassin Rhône-Méditerranée.
Il conviendrait maintenant de faire converger les différentes démarches d’inventaires et de zonage, d’harmoniser les données puis d’identifier les compléments à réaliser et les organismes qui pourraient se voir confier cette tâche.
Par ailleurs, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) et la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (LDTR) ont permis la création de nombreux dispositifs législatifs et réglementaires en vue de leur préservation. Leur mise au point a exigé des démarches longues et approfondies. Ces dispositifs se réfèrent tous aux critères de définition et de délimitation évoqués.
Les principaux dispositifs sont les suivants : les zones humides délimitées par arrêté préfectoral pour faciliter l’application de la police de l’eau et de l’environnement (art. L. 214-7-1 du code de l’environnement, arrêté du 24 juin 2008, NOR : DEVO0813942A et circulaire DGFAR/SDER/BEGER – DE/SDMAGE/BEMA 2008 n° 16/DE, NOR : DEVO0813949C) constituent un support pour les services de police de l’eau dans l’instruction de nouvelles demandes d’autorisation ou déclarations ou pour le constat d’infractions nouvelles.
Ce dispositif nécessitait quelques ajustements. Le groupe national pour les zones humides regroupant notamment des représentants des organisations professionnelles agricoles, des industries extractives et de l’État est chargé d’amender ces textes. Un arrêté et une circulaire modificative devraient être publiés prochainement ; les zones humides d’intérêt environnemental particulier (art. L. 211-3 du code de l’environnement et articles R. 114-1 à R. 114-10 du code rural) présentent un intérêt pour la gestion intégrée du bassin versant, la ressource en eau, la biodiversité, les paysages, la valorisation cynégétique ou touristique. Elles font l’objet d’un programme d’action.
La délimitation de ces zones et les programmes d’action qui s’y appliquent sont arrêtés par le préfet après une concertation avec les acteurs locaux. La délimitation relève alors d’un arrêté préfectoral (circulaire du 30 mai 2008 relative à l’application du décret n° 2007-882 du 14 mai 2007) ; les zones stratégiques pour la gestion de l’eau (art. L. 212-5-1 du code de l’environnement) sont celles dont la préservation ou la restauration contribuent aux objectifs de qualité et de quantité d’eau déclinés dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Ces objectifs de bon état sont requis par la directive-cadre européenne sur l’eau et justifient l’instauration de servitudes d’utilité publique (interdiction de drainage, remblaiement ou retournement de prairies par exemple) ou la prescription de modes d’utilisation du sol spécifiques.
De nombreuses consultations sont indispensables avant de parvenir à ce stade : identification du secteur concerné dans le cadre d’un SDAGE, puis délimitation d’une zone humide d’intérêt environnemental particulier et, enfin, instauration de servitudes. La délimitation relève alors de l’arrêté préfectoral au titre de la déclaration d’utilité publique, tel que prévu par l’article L. 211-12 du code de l’environnement ;
les zones humides pouvant être exonérées de la taxe sur le foncier non bâti (article 1395 D et E du code général des impôts, décret n° 2007-511 du 3 avril 2007 et circulaire DGPAAT SDBE n° C 2008-3007 – DGALN DEB/SDEN/BMA n° 22 du 31 juillet 2008). Ces parcelles doivent être classées dans les catégories 2 ou 6 de nature de culture selon l’instruction ministérielle du 31 décembre 1908 (prés et prairies naturels, herbages, pâturages, landes, marais, pâtis de bruyères, terres vaines et vagues). Elles doivent figurer sur une liste dressée par le maire et faire l’objet d’un engagement de gestion portant sur la conservation du caractère humide des parcelles et du maintien en nature de culture précitée. Dans ce cas, il n’y a pas de délimitation mais l’établissement d’une liste de parcelles par le maire.
L’exonération de 50 % est portée à 100 % lorsque les parcelles sont situées dans des espaces bénéficiant de mesures de protection ou de gestion particulières. Pour préciser les règles d’éligibilité à ces dispositifs, différentes délimitations ont dû être établies, ce qui a pu conduire à un manque de lisibilité générale auquel il convient aujourd’hui de répondre de façon satisfaisante. C’est avec cette idée que j’ai personnellement installé le groupe national pour les zones humides le 6 avril 2009.
Réunissant l’ensemble des acteurs concernés selon le format du Grenelle de l’environnement, ce groupe a notamment pour objectif : d’organiser la concertation et l’échange entre toutes les parties prenantes et notamment avec des représentants de l’ensemble des gestionnaires et usagers des zones humides (agriculteurs, pêcheurs, naturalistes, chasseurs, etc. mais aussi les acteurs de l’aménagement du territoire qui peuvent avoir des projets destructeurs de ces zones humides) ; de réaliser un bilan des actions menées ces 15 dernières années, en analysant les avancées et les points de blocage dans la mise en oeuvre du plan national d’actions en faveur des zones humides adopté par le Gouvernement en 1995 et ensuite jusqu’en 2008, de proposer un plan d’actions à trois ans en faveur des zones humides.
Le groupe national a largement pris en compte les problèmes de délimitation des zones humides et de cohérence des politiques publiques qui s’y appliquent, y compris la nécessaire adéquation entre objectifs et moyens. Ces sujets feront l’objet d’un des chapitres du futur plan d’actions à trois ans que le groupe devrait présenter début 2010. (JO Sénat du 12/11/2009 – page 2645 )