Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Un GAEC condamné à des mesures de réparation écologique

publié le21 juin 2021

Le GAEC VIVIEROCHE de La Rochelle (70) et la SAS BONGARZONE ont été condamnés par un arrêt rendu le 23 février 2021, de la Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Besançon, saisie par la CPEPESC :

Les deux entreprises devront verser in solidum à l’association une somme de 1500 euros au titre du préjudice moral.

Le GAEC VIVIEROCHE devra réparer le préjudice écologique résultant des travaux litigieux (cf. jugement) en reconstituant les haies détruites (1200 ml de haies continues et 450 ml de formations discontinues) et les prairies supprimées (sur 9 ha) selon les modalités fixées par la CPEPESC et sous astreinte de 50 euros par jour de retard en cas d’inexécution à l’issue d’un délai d’un an.

Rappel des faits

Le 26 août 2015 et le 10 janvier 2016, la CPEPESC déposait plainte contre « X » pour des travaux agricoles dommageables pour l’environnement et la biodiversité sur le territoire des communes de La ROCHELLE et de MOLAY réalisés en méconnaissances des dispositions fixées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement. 

Engagés entre fin 2014 et fin 2015, ils ont consisté au retournement de prairies, à la suppression de haies et de bosquets sur plusieurs centaines de mètres linéaires et au comblement d’une mare sur le territoire des dites communes aux lieux-dits cadastraux Sur la Corne, Sous la Corvée de la Corne et Aux Boules.

Par un procès-verbal d’infraction du 21 mars 2016, la Communauté de brigade de gendarmerie de JUSSEY relevait que les travaux avaient été réalisés par le GAEC VIVIEROCHE, exploitant et propriétaire pour partie des parcelles litigieuses, en accord avec la SCEA GRAKA, propriétaire pour l’autre partie des parcelles, qui avait fait appel pour l’arrachage des haies à l’entreprise SAS BONGARZONE.

Il ressort de l’analyse des éléments factuels que les travaux ne pouvaient être engagés, quels que soient le but de l’opération et la date d’intervention, sans que leurs auteurs ne soient bénéficiaires d’une dérogation à l’interdiction de détruire, altérer, dégrader des habitats d’espèces protégées en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, dérogation qui aurait permis à l’administration de prévoir en amont des mesures compensatoires à la destruction de ces habitats naturels.

Pourtant, par courrier du 10 juin 2016, Monsieur le Procureur adressait à la CPEPESC un avis de classement estimant que l’infraction était insuffisamment caractérisée.

Après une visite sur le terrain en avril 2017, la CPEPESC précisait que plus de 1200 ml de haies continues et 450 ml de haies discontinues avaient été supprimés lors de cette opération ainsi qu’environ 9 ha de prairies, pourtant classées permanentes au titre de la PAC, convertis en cultures auxquels s’ajoute également le comblement d’une mare.

Les haies et les prairies détruites constituaient des habitats de reproduction et des sites de repos de nombreuses espèces de l’avifaune protégée au sens de l’article L. 411-1 du code de l’environnement dont certaines à enjeu patrimonial comme l’Alouette lulu (quasi menacée, Liste Rouge régionale), le Bruant jaune (Vulnérable, LR nationale), la Huppe fasciée (Vulnérable, LR régionale), le Moineau friquet (En Danger, LR nationale), la Pie-grièche écorcheur (quasi menacée, LR régionale), le Tarier pâtre (Quasi menacé, LR nationale) et le Torcol fourmilier (Quasi menacé, LR régionale).

Leur présence sur site a été confirmée par un bureau d’études en charge de l’étude d’impact du projet éolien des Hauts de la Rigotte.

En première instance, devant la première chambre civile de VESOUL, si le tribunal avait condamné les auteurs à replanter des haies sur un linéaire équivalent à celui détruit, en revanche il n’avait pas assorti cette mesure d’un délai de réalisation, ni d’une contrainte judiciaire pourtant réclamés par la CPEPESC.

Il avait également considéré :

  • qu’aucune pièce du dossier ne permettait d’apporter la preuve que la mare n’était pas déjà asséchée au moment des travaux litigieux ;
  • ni que la CPEPESC établissait la preuve que lors des travaux de 2014 et 2015 un retournement de prairies aurait été réalisé.

Enfin, il avait débouté l’association de sa demande de paiement au titre du préjudice moral.  

La CPEPESC avait donc interjeté appel de ce jugement qui ne lui donnait que partiellement satisfaction puisqu’il ne permettait pas, notamment, de compenser/réparer l’intégralité du préjudice écologique.

La Cour, par sa décision détaillée (consultable ici ) a donc fait droit à la quasi-totalité des demandes de la CPEPESC (à l’exception de la recréation de la mare).

Outre la reconstitution des linéaires de haies détruits, c’est la première fois que la CPEPESC obtient que des parcelles labourées soient remises en état de prairie et il a fallu que cela soit devant une juridiction civile. Elle espère que cette jurisprudence fera date.

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