Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

L’élaboration des chartes départementales d’utilisation des pesticides jugée inconstitutionnelle

publié le20 mars 2021

Le Conseil constitutionnel a jugé le 19 mars 2021 contraires à l’article 7 de la Charte de l’environnement les modalités retenues par le législateur pour l’élaboration des chartes d’engagements départementales relatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

QPC de Générations futures et d’autres associations

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 janvier 2021 par le Conseil d’État pour les associations d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)  relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime
En application de ces dispositions, à l’exclusion de certains produits à faible risque, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de bâtiments est subordonnée à des mesures de protection de leurs habitants. Celles-ci sont définies par les utilisateurs de ces produits dans une charte d’engagements à l’échelle départementale. En vertu des dispositions contestées, ces chartes font l’objet d’une concertation préalable avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique.

Les critiques formulées contre ces dispositions

Les parties requérantes reprochaient à ces dispositions de méconnaître l’article 7 de la Charte de l’environnement, relatif à la participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Elles soutenaient notamment que le législateur aurait insuffisamment précisé les conditions de la concertation préalable à l’élaboration des chartes par lesquelles les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques s’engagent à respecter certaines mesures de protection des riverains. Elles contestaient également le fait que le législateur ait permis que cette concertation associe, non pas chacun des riverains en cause, mais seulement leurs représentants.

Le contrôle des dispositions faisant l’objet de la QPC

  • S’agissant du cadre constitutionnel applicable, le Conseil constitutionnel rappelle notamment que, selon l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Depuis l’entrée en vigueur de cette Charte, il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève, en premier lieu, que, à défaut de mise en place de mesures de protection ou dans l’intérêt de la santé publique, l’autorité administrative peut restreindre ou interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il en résulte que, lorsqu’elle constate que les mesures proposées dans le projet de charte sont suffisantes pour protéger les riverains de la zone d’épandage, elle l’approuve. Cette approbation permet alors aux utilisateurs de procéder à des épandages selon les conditions prévues dans la charte. En revanche, lorsque l’autorité administrative considère ces mesures insuffisantes, elle restreint ou interdit ces épandages. Par conséquent, les chartes d’engagements doivent nécessairement faire l’objet d’une décision de l’autorité administrative pour produire des effets juridiques.

Le Conseil constitutionnel relève, en outre, que dès lors qu’elles régissent les conditions d’utilisation à proximité des habitations des produits phytopharmaceutiques, lesquels ont des conséquences sur la biodiversité et la santé humaine, ces chartes ont une incidence directe et significative sur l’environnement.

Il déduit de ce qui précède que les chartes d’engagements départementales approuvées par l’autorité administrative constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

En second lieu, le Conseil constitutionnel relève que, par les dispositions contestées, le législateur a prévu une procédure particulière de participation du public. La procédure subsidiaire de participation du public prévue par l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement n’est donc pas applicable à l’élaboration de ces chartes. Or, d’une part, les dispositions contestées se bornent à indiquer que la concertation se déroule à l’échelon départemental, sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public à l’élaboration des chartes d’engagements. D’autre part, le fait de permettre que la concertation ne se tienne qu’avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées par des produits phytopharmaceutiques, ne satisfait pas les exigences d’une participation « de toute personne » qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Pour ces motifs, le Conseil juge que les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles résultant de cet article. Il les déclare en conséquence contraires à la Constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision.

(d’après Décision n° 2021-891 QPC du 19 mars 2021 – Communiqué de presse du Conseil constitutionnel)

Accéder à la :

Décision du Conseil constitutionnel n° 2021-891 QPC du 19 mars 2021