Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Messieurs les Ministres, faites cesser les atteintes répétées aux HAIES !

publié le16 mai 2023

La CPEPESC a adressé Le 27 avril 2023 aux deux Ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture un appel au secours au sujet de l’entretien inadapté des haies et des atteintes conséquentes aux habitats d’espèces protégées.

En voici le texte (et les liens vers les photos justificatives qui lui ont été jointes) :

« La CPEPESC, association régionale agréée de protection de l’environnement, souhaite attirer votre attention sur un sujet qui la préoccupe depuis plusieurs années. Il s’agit de l’entretien réservé aux haies de nos espaces ruraux.

Si l’intérêt des haies n’est plus à démontrer, force est de constater que leur entretien tel que pratiqué aujourd’hui dans de nombreuses régions françaises, et en particulier dans les zones de plaine, pose sérieusement question.

Les habitudes (pourtant pas si anciennes !) ont en effet la vie dure et il n’est pas rare de constater des tailles sévères qui sortent du cadre de l’entretien ordinaire que l’on peut concevoir pour ces éléments structurants du paysage pourtant protégés par la loi (*)  et au titre des Bonnes conditions agricoles et environnementale (BCAE)  « Maintien des particularités topographiques ».

(*) En application de l’article L. 411-1 du code de l’environnement et des arrêtés ministériels spécifiques de protection de la faune sauvage, les haies à basses tiges (ainsi qualifiées parce qu’elles sont essentiellement formées d’essences arbustives et non arborées) constituent des habitats d’espèces, des sites de reproduction et des aires de repos de nombreuses espèces protégées. A ce titre, leur destruction, leur altération ou leur dégradation sont expressément interdites sauf à bénéficier d’une dérogation en vertu de l’article L. 411-2 du même code.

Taillées/girobroyées « au carré », voire déchiquetées,

voire déchiquetées, à hauteur des piquets quand il y en a ou plus bas encore en l’absence de ces derniers, réduites ainsi à leur plus simple expression, les haies ne remplissent plus leur rôle d’accueil et de gîtes pour les espèces qui y sont inféodées (voir Pièce justificative 1).

Quelle que soit la période d’exécution, ces interventions ont pour conséquence, vu la taille sévère, tant en largeur qu’en hauteur pratiquée, de dégrader et d’altérer des habitats d’espèces protégées, rendus impropres à la nidification  et au repos des oiseaux notamment (voir Pièce justificative 2).

Ce sont ainsi des milliers de kilomètres de haies qui « passent à la trappe » chaque année et pour lesquelles les interdictions/recommandations de la politique agricole commune (PAC) de ne plus les tailler entre le 16 mars et le 15 août ne sont guère utiles puisqu’en instaurant des dates de non intervention, le monde agricole et les différents autres acteurs (collectivités, gestionnaires de voiries, etc.) ont bien compris qu’ils pouvaient agir en dehors de ces dates et ne s’en privent pas.

Ajoutons que la taille « au carré », a fortiori si elle est répétée régulièrement comme cela se produit le plus souvent, affaiblit progressivement la haie et fragilise les végétaux qui la composent. Elle empêche les arbustes de fleurir et donc de produire des baies qui sont pourtant une source de nourriture pour de nombreux animaux sauvages.

Ces pratiques se généralisent et s’intensifient alors même que l’objectif de sobriété, porté par le gouvernement, réclamerait que l’on y regarde à deux fois, que l’on évalue l’impact tant économique qu’écologique. D’autant que cet enjeu est aujourd’hui majeur. Actuellement 32 %, contre 25 % en 2008, des espèces d’oiseaux nicheurs sont menacés d’extinction en France métropolitaine selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et parmi ces espèces de nombreux passereaux dépendent directement des haies et des milieux associés.

L’avis du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de BFC

Dans un avis du 28 janvier 2021 rendu sur un projet d’arrêté préfectoral prévu pour réglementer l’entretien des haies et bosquets dans le Territoire de Belfort, le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de Bourgogne-Franche-Comté a précisé « qu’il convenait de favoriser le développement en hauteur des strates arbustives et arborescentes des haies notamment au bénéfice de la biodiversité » et demandait à ce « que soit introduite la durée minimale des cycles d’entretien et valorisation visant à empêcher la taille annuelle des haies et à favoriser le volume de leur frondaison » (Voir Pièce justificative 3).

Cet avis confirme incontestablement la nécessité de mettre fin à cette gestion totalement inadaptée aujourd’hui de ces éléments du paysage. Il rejoint les résultats d’une étude de 2013 qui traite de l’impact du mode de gestion des haies sur l’avifaune à travers l’exemple du bocage de l’Avesnois dans le département du Nord, en région Hauts-de-France (Voir Pièce justificative 4).

Les conclusions de cette étude sont sans appel : « dans cette zone, le bocage dominé par des haies hautes et larges accueille une communauté d’oiseaux plus riche, plus abondante et plus diversifiée que celui dont le maillage est dominé par des haies basses et étroites. Plus précisément, l’augmentation du linéaire de haies basses entraînerait une diminution de l’abondance et de la richesse de la communauté aviaire tandis qu’une augmentation du linéaire de haies hautes et larges aurait un effet inverse. Ces résultats, qui vont dans le même sens que ceux de travaux précédents (e.g. Hinsley & Bellamy, 2000) , témoignent de l’importance de la largeur et de la hauteur de la haie, facteurs influençant le plus fortement la richesse et l’abondance des oiseaux nicheurs ».

Ainsi, participant à la dégradation de la qualité des habitats, cette gestion concourt irrémédiablement à l’érosion de la biodiversité.

En 2011, le maire de Paray-le-Monial et président du Pays Charolais-Brionnais lançait la candidature du bocage de l’élevage bovin au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Initiative éminemment louable qui assurerait la valorisation/préservation de ce paysage digne d’intérêt, tant historique, culturel qu’environnemental, mais qui ne pourra se concrétiser sans remettre en cause les pratiques actuelles de gestion des haies. Car dans ce bocage comme dans celui de l’Avesnois, la gestion « au carré » est monnaie courante (Voir Pièce justificative 5).

De la même façon que la CPEPESC interpelle depuis plusieurs années déjà avec plus ou moins de réussite – mais les mentalités progressent  – les différents acteurs (monde agricole, associations foncières, municipalités, conseils départementaux, gestionnaire de réseaux électriques) intervenant dans la gestion des haies, sur leurs pratiques préjudiciables au maintien de la fonctionnalité écologique de ces milieux,

elle vous demande, Monsieur le Ministre, de prendre aujourd’hui les mesures nécessaires et indispensables aux fins de faire cesser ces atteintes répétées et injustifiées.

Avec la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB), la France a pris l’engagement de réduire les pressions sur la biodiversité, de protéger et restaurer les écosystèmes et de susciter des changements en profondeur afin d’inverser la trajectoire du déclin de la biodiversité.

L’occasion vous est donnée de contribuer à remplir concrètement cet objectif tout en participant à lutter contre le réchauffement climatique, les haies vivaces contribuant à réduire les effets des phénomènes de sécheresse.

A l’intérêt écologique et climatique s’ajoute un enjeu économique par réduction des dépenses allouées à ces interventions.

Ce n’est qu’ainsi que ces éléments marquants du paysage recouvriront leur rôle d’accueil, de gîte et de repos pour de nombreuses espèces et que les différents acteurs concernés pourront se prévaloir de contribuer concrètement à la préservation de la biodiversité dont le déclin se poursuit inexorablement malgré les alertes de la communauté scientifique »

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– Copie de cette intervention a également été transmise aux autorités et organisations suivantes :

Présidente du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté,  UNESCO, Direction régionale de l’OFB, PETR Pays Charolais-Brionnais, Président(e)s des Conseils départementaux du Doubs, du Jura, de la Haute Saône, du Territoire de Belfort, de la Nièvre, de l’Yonne, de la Côte d’Or, de la Saône et Loire, du Nord, Directeurs régionaux « Bourgogne » et « Alsace-Franche-Comté » d’ENEDIS, Directeur de la délégation régionale Est de Réseau de Transport d’Électricité, Ligue de Protection des Oiseaux France, France Nature Environnement

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