Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Le plus grand prédateur n’est-il pas le chasseur?

publié le19 juillet 2011

Mise en cause grossièrement dans la presse, (voir : http://www.leprogres.fr/jura/2011/07/15/les-chasseurs-ne-releveront-pas-les-arguties-du-collectif-grands-predateurs), la CPEPESC ne pouvait que réagir.

L’homme moderne prend de plus en plus conscience de ses devoirs moraux et de conservation envers toutes les autres espèces. C’est aux antipodes de la vieille barbarie qui sommeille encore au fond de tout homme.

Il semble que la fédération des chasseurs du Jura prête aux autres ses propres intentions et ses propres éléments de langage sans apporter d’autres arguments plus factuels ou plus rationnels (nous la citons pour rappel : « L’invective, l’insulte et le mensonge ont toujours été la signature des pensées totalitaires et intégristes ». Sic !) Ces éléments de langage lui appartiennent pleinement et nous lui en laissons volontiers l’entière responsabilité d’écriture.

La CPEPESC peut-elle sérieusement être qualifiée de totalitarisme ? par une fédération des amateurs de chasse dont la mort ludique constitue l’essentiel des motivations ? La chasse n’est-elle pas le désir de domination sur l’espace naturel ?

Nous lui laissons également le soin de s’autoproclamer comme le meilleur gestionnaire des espaces et des espèces naturelles. C’est son droit. Comme c’est le Droit qui a défini le lynx et le loup comme animaux bénéficiant d’une protection juridique particulière à laquelle nous sommes tous très attachés.

Le partage de l’espace toujours réclamé et attendu!

La démocratie est ainsi faite que les espaces naturels sont des espaces gérés par de multiples acteurs n’ont pas forcément les mêmes valeurs, les mêmes passions ni les mêmes intérêts, et cela est bien normal dans une société évoluée. Nous ne voyons pas en quoi l’espace est, actuellement, « partagé », alors que rien ne permet de garantir la sécurité aux promeneurs et aux automobilistes, dans les secteurs de « chasse en cours », même le dimanche! La CPEPESC demande qu’au moins une journée de la fin de semaine soit interdite de chasse, jour férié ou non, ce qui est bien la moindre des choses (1) ! Alors il sera peut-être question de partage. A notre avis, toutefois, la nature ne se « partage » pas, elle se côtoie, elle se vit.

Or, à la demande générale des fédérations de chasse, chaque année, en France, des millions d’animaux sauvages sont tués, tirés, piégés, empoisonnés, massacrés parce que… considérés comme « nuisibles », ils sont inscrits sur une liste noire autorisant leur destruction systématique. C’est ainsi que renards, fouines, ragondins, rats musqués, corneilles, pies, martres, belettes, blaireaux… sont persécutés toute l’année en toute légalité. C’est d’autant plus choquant que ce classement des mal-aimés en « nuisibles » ne repose sur aucune justification scientifique ni écologique ni même économique.

Des moyens existent pour protéger les cultures et les élevages : effarouchement sonore, clôtures électrifiées, chiens de troupeau ou parcage de nuit pour les moutons en alpage. Mais comme chacun sait, les chasseurs sont les grands défenseurs de la biodiversité – une biodiversité selon leur goût? Aux espèces sauvages, les chasseurs préfèrent sans doute des espèces quasi-domestiquées comme le sanglier, dont la surpopulation est entretenue avec les pratiques (contre nature) d’agrainage, et qui provoque les dégâts que l’on sait, prétexte ensuite à les chasser sans relâche. La surveillance de la biodiversité passe-t-elle également par le lâcher de volatiles issus de poulaillers, les veilles d’ouverture de la chasse, comme les perdrix ou les faisans (ces derniers pouvant d’ailleurs être considérés comme une espèce non autochtone, puisque étant originaires d’Asie) ?

Si la Fédération de chasse du Jura dit vouloir protéger l’environnement, revendique le statut d’association de protection de l’environnement, elle doit donc admettre que la protection de l’environnement passe aussi par le retour d’espèces qui autrefois vivaient sur notre territoire et ont aujourd’hui disparu, parce que souvent éradiquées par… les chasseurs. C’est le cas du loup ou du lynx. Elle ne devrait pas s’opposer au projet de parc national de zone humide dans la basse vallée du Doubs!

Qui est nuisible ?

Les scientifiques affirment aujourd’hui que la nature dispose d’une capacité à s’autoréguler, que l’intervention de l’homme n’est en aucun cas indispensable à un quelconque équilibre écologique. Pourquoi continue-t-on alors de piéger et chasser exagérément les animaux dits « nuisibles »?

Parce que la plupart de ces mal-aimés ne le sont qu’aux yeux des pratiquants cynégétiques. Le petit gibier élevé et relâché par (et pour) les chasseurs constitue en effet une proie facile pour les prédateurs, ce que n’acceptent pas les chasseurs. C’est la raison principale de ces destructions. Aujourd’hui, personne n’est en mesure d’estimer la pression exercée par la chasse et le piégeage sur ces dits « nuisibles ».

Depuis 1994, 74 % des effectifs de pies bavardes ont disparu en France, le résultat d’un intense piégeage sans quota ni suivi scientifique. À l’heure où la biodiversité est en danger, des mesures s’imposent pour cesser de persécuter ces espèces animales sauvages indispensables à l’équilibre de la nature.

Les chasseurs sont bien traités, en France, pays d’Europe qui compte le plus de chasseurs (2) , et le plus grand nombre d’espèces chassables (87 !) (3) , la plus longue période de chasse (4) et enfin, elle seul pays d’Europe où l’on chasse tous les jours de la semaine (en Haute-Saône et dans le Territoire de Belfort, par exemple). Et par conséquent, c’est en France que l’on dénombre le plus d’accidents de chasse (5) !

Ça aussi, ça commence à bien faire!

Ces gens parlent fort, et sont écoutés, car autant d’électeurs potentiels faciles à rassembler. Ainsi, deux lois pratiquement identiques seront présentées par les groupes « chasse » du Sénat le 5 mai, et ceux de l’Assemblée Nationale le 10 mai 2011, pour demander le vote de 3 nouveaux « privilèges » accordés aux amateurs de tir sur gibier vivant : défiscalisation des terrains de chasse, réduction du prix du permis de tuer (appelé par euphémisme « permis de chasse »), et soi-disant rôle d’« éducation » dans nos écoles.

Il serait bon que nos dirigeants et représentants prennent conscience du recul, dans la plupart des pays, de cette pratique d’un autre âge, et voient à plus long terme quelles solutions apporter aux problèmes de cohabitation entre homme et faune sauvage, solutions qui sont beaucoup plus variées et démocratiques que le tir sur tout ce qui dérange quelques-uns !

Aussi nous sommes vivement opposés aux interventions de chasseurs dans les écoles, car nous émettons des doutes sur l’objectivité du message qui sera délivré à de jeunes esprits naturellement enclins à préférer la vie de la faune au plaisir de la tuer.

Nous tenons aussi à rappeler, comme le Collectif « Grands Prédateurs », que seuls le dialogue et le respect mutuel permettront de mieux se comprendre, notamment à travers l’élaboration renouvelée des schémas concertés de gestion cynégétique.

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Notes de références:

(1) . Qu’on en juge en Franche-Comté :

a) Dans le Doubs la chasse est suspendue le vendredi à l’exclusion des jours fériés, pour tout gibier, pendant la période d’ouverture générale (article 5, arrêté 2010-2307-03064 du 23 juillet 2010)

b) En Haute-Saône : pas de jours sans chasse.

c) Dans le territoire de Belfort : pas de jours sans chasse.

d) Dans le Jura : La pratique de la chasse à tir est interdite le mardi sauf s’il s’agit d’un jour férié. (article 3, arrêté DDT 2010/375, 22 juin 2010)

La très grande majorité des citoyens français désirent toujours un jour sans chasse le weekend !

(2) . soit 1, 35 millions en 2009, source Univers Nature.

(3) . « C’est en France que l’on chasse le plus d’espèces : on y chasse des espèces migratrices qui sont protégées chez nos voisins européens, on y chasse des espèces qui sont en mauvais état de conservation. » Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage et le respect des intérêts des non-chasseurs. C’est le cas par exemple du Canard chipeau, du Canard pilet, de la Nette rousse, de l’Alouette des champs, du Bécasseau maubêche, des bécassines… » > www.roc.asso.fr

(4) . Avec près de 200 jours par an (moyenne nationale, des variations pouvant exister d’une région à l’autre) : du 7 août au 20 février (source Univers Nature).

(5) . soit 223 accidents dont 40 mortels en 1997, 179 accidents dont 24 mortels en 2006, mais le nombre de chasseurs a baissé lui aussi. En 2010 pourtant, on a dénombré 34 accidents mortels de chasse ! Sources : www.senat.fr/questions/base/2005/qSEQ051019881.html et
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