Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Solemont (25) : rectification sauvage d’un cours d’eau. Le préfet du Doubs une nouvelle fois rappelé à l’ordre en matière de Police de l’eau !

publié le1 juillet 2006

En août 2002, la CPE découvre qu’un exploitant agricole, a procédé à la rectification et au busage d’un petit affluent de la Barbèche sur le territoire de la commune de Solemont dans le Doubs.

Après vérification, il s’avère que ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une autorisation comme l’exige pourtant le Code de l’environnement au titre de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992. Au dossier l’association découvre par la suite que dans un courrier de la DDA en date du 9 décembre 2004, le chef du service Police de l’Eau de l’époque répond au Préfet du Doubs que les travaux concernant le busage d’un ruisseau sur 15 m de longueur environ ainsi que le remblaiement du terrain « ont été réalisés sans autorisation et n’auraient probablement pas été autorisés par mes services si une demande avait été déposée ». Et de conclure « qu’une mise en demeure de remise en état du site me semble justifiée ».

Pourtant, le préfet s’est refusé d’agir et ce malgré nos relances explicites et un recours amiable de la CPEPESC lui demandant expressément de faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre en demeure, sur le fondement des dispositions de l’article L. 216-1 du Code de l’environnement, le responsable des travaux réalisés sans autorisation.

Ce refus a été attaqué devant le tribunal administratif de Besançon en janvier 2005. Le jugement a été rendu le 14 juin 2006.

Si la DDAF considérait en décembre 2004 que ces travaux relevaient bien du régime de l’autorisation et qu’ils n’auraient pas été autorisés si une demande, en ce sens, avait été déposée, en mai 2005, elle fait machine arrière arguant désormais que ces travaux présentaient un caractère d’urgence lié notamment au risque que les inondations font courir à l’exploitation de Monsieur Isabey (fosse à purin et bâtiment d’élevage) se retranchant derrière l’article 34 du décret n°93-742 du 29 mars 1993 qui dispose que « Les travaux qui sont exécutés en vue de prévenir un danger grave et qui présentent un caractère d’urgence sont dispensés des procédures instituées aux titres Ier et II du présent décret et doivent seulement faire l’objet d’un compte rendu motivé indiquant leur incidence sur les éléments mentionnés à l’article 2 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée ».

Bref, pour des raisons encore obscures à nos yeux,la Préfecture du Doubs a tenté de justifier ces travaux maladroitement et cavalièrement, en produisant, à l’appui de ses éléments de réponse, une lettre de Monsieur Isabey, datée du 21 avril 2005 (!) et présentée comme le compte-rendu motivé concernant les travaux de busage « d’urgence » réalisés fin 2002 (!).

Les leviers utilisés par l’administration pour tenter de se sortir de l’ornière sont pitoyables et frisent le ridicule ce que n’a pas manqué de relever le tribunal :

« Considérant qu’en l’espèce, d’une part, pour justifier de l’existence d’un danger grave et du respect de la condition d’urgence par les travaux litigieux, le préfet du Doubs fait état des difficultés rencontrées par M. Isabey, exploitant agricole pour pérenniser son établissement et le mettre aux normes ;

qu’il se prévaut notamment de l’inondation subie, dans la nuit du 13 novembre 2002, par le chantier d’édification d’une fosse à purin que l’exploitant avait entrepris de réaliser à une distance évaluée par l’association requérante et non contestée en défense, de moins de 35 mètres des berges du ruisseau longeant ses bâtiments d’exploitation ;

que toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que l’inondation subie à cette date par le chantier lancé par M. Isabey ait touché l’ensemble de son exploitation, ni qu’elle ait été imprévisible eu égard au régime du cours d’eau à cette période de l’année et à l’endroit où l’exploitant avait délibérément entrepris d’implanter sa fosse à purin ;

que, de surcroît, eu égard aux constats non contestés opérés sur place par l’association requérante, il apparaît que les travaux litigieux étaient en cours avant l’inondation de novembre 2002, en l’occurrence dès août 2002 ;

qu’ainsi, les circonstances de l’espèce ne permettent pas de conclure que la réalisation des travaux litigieux relèverait d’un danger grave ou d’une urgence ;

Considérant que, d’autre part, et en tout état de cause, le document établi par M. Isabey le 21 avril 2005, soit plusieurs années après la réalisation des travaux litigieux et quelques mois après l’introduction de la présente instance devant le tribunal, et portant la mention « compte-rendu motivé », se borne à justifier de la nécessité de leur réalisation par rapport aux exigences de viabilité économique de l’exploitation agricole et ne contient aucun développement sérieux et documenté sur l’incidence des travaux sur les intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement… ».

Le tribunal a donc tout naturellement enjoint au préfet de faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre en demeure l’auteur des travaux litigieux de régulariser sa situation au regard des exigences du code de l’environnement dans un délai de 2 mois.

Un jugement qui apporte enfin la première mesure de bon sens dans cette affaire…