Condamné en appel à remettre des parcelles en nature de prairie
Un agriculteur condamné en appel à remettre des parcelles cultivées en nature de prairie. Si ce n’est pas une première en Franche-Comté, l’événement est assez rare pour être souligné. Dans cette affaire, l’exploitant agricole, l’EARL des PROTTES, basé à CORNOT (70), avait procédé en 2018 au retournement de prairies aux fins de les convertir en cultures de maïs sur les communes de MALVILLERS/LAVIGNEY. Un classique dans nos paysages de plaine qui enregistrent régulièrement la mise en culture, plus rentable économiquement, de vastes parcellaires au détriment d’ilots prairiaux. Qu’on n’aille pas ici nous faire croire que la PAC c’est bien… mais c’est un autre sujet… Revenons à nos moutons ou plutôt à notre papillon puisque c’est d’un papillon dont il s’agit. Le parcellaire concerné hébergeait en effet une espèce de papillon protégé, le Cuivre des marais Thersamolycaena dispar, dont il est interdit, outre la destruction de spécimens, celle du milieu de vie aux termes de l’article II de l’arrêté ministériel du 23 avril 2007 :
II. – Sont interdites, sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente ainsi que dans l’aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques.
Mal en a pris à l’EARL donc puisque la CPEPESC a eu vent de l’affaire, c’est même son réseau qui est à l’origine de l’identification de la présence de l’espèce sur le site.
Après diverses procédures judiciaires engagées dont certaine encore en cours devant le tribunal administratif (CPEPESC FC : BIODIVERSITÉ : Le cuivré des marais n’a qu’à déménager selon la DREAL ! – Cpepesc ; CPEPESC FC : Un papillon, le Cuivré des marais, au secours des prairies humides – Cpepesc), l’association a fini par saisir la juridiction civile pour obtenir la remise en nature de prairies des parcelles illégalement converties en maïs. Si le juge vésulien, par sa décision du 12 mars 2024, avait reconnu la faute civile de l’EARL, ayant consisté en la destruction de l’habitat du Cuivré des marais, et par conséquent l’existence d’un préjudice environnemental certain résultant de cette faute, il n’avait toutefois pas retenu de mesures de réparation suffisantes pour compenser l’impact sur les populations de Cuivré des marais du site.
Saisie en juin 2024 par l’association, la Première Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Besançon a rendu sa décision le 13 mai 2025. Les juges d’appel ont considéré que le premier magistrat avait commis une erreur d’appréciation en limitant l’ampleur de la restitution prairiale : « La restitution d’une prairie sur 0,34 ha, telle que préconisée par le tribunal de manière contradictoire avec ses propres constatations, n’est dans ces conditions manifestement pas suffisante pour rétablir l’état initial des ressources naturelles et de leurs services écologiques tels qu’envisagés par l’article L ; 162-9 du code de l’environnement ».
Et d’ajouter : « Il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré concernant la mise en place d’une prairie, et d’y substituer l’obligation pour l’EARL de reconvertir en prairie permanente la partie basse du parcellaire le long du cours d’eau de la Sorlière, sur une surface de 3,8 ha, conformément aux préconisations du rapport Guinchard ».
Les juges d’appel assortissent leur décision d’une injonction sous-astreinte : les travaux de reconstitution devront intervenir dans un délai de six mois à compter de la signification de l’arrêt, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une durée de six mois.
Les autres mesures du jugement du 12 mars 2024 qui formaient pour l’essentiel des obligations déjà prévues au titre de la PAC (mise en place de bandes enherbées le long des écoulements naturels) sont confirmées :
– le maintien et l’élargissement à 10 mètres de la bande enherbée le long de la Sorlière, précisant que cette zone proche du ruisseau réunit les conditions pour évoluer à long terme vers une zone humide, dont la gestion pourrait consister en une fauche tardive annuelle, après le 15 septembre,
– le renforcement de la ripisylve le long de la Sorlière, à hauteur du parcellaire exploité par le GAEC en plantant des espèces comme la Viorne obier, le Troène, les saules arbustifs (Salix caprea, Salix viminalis, Salix purpurea), le Fusain d’Europe…,
– le maintien des bandes enherbées le long du petit affluent de la Sorlière, qui traverse le parcellaire exploité par le GAEC des Prottes (5 mètres de part et d’autre),
– le maintien de la bande enherbée entre le chemin d’accès et la lisière forestière.
Conclusion : au même titre que les arasements de haies et de bosquets, les retournements de prairies doivent être examinés aujourd’hui à l’aune des atteintes qu’ils induisent aux espèces protégées puisqu’ils constituent assurément, selon les juges d’appel, des sites de reproduction et/ou des aires de repos d’animaux protégés.
Voir également la décision du 23 février 2021 rendue par cette même juridiction : CPEPESC FC : Un GAEC condamné à des mesures de réparation écologique – Cpepesc
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