Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

JUSTICE: Coup d’arrêt à un drainage agricole sans autorisation

publié le14 juillet 2023

En 2012 et 2013, Monsieur Alexandre BLONDÉ, jeune agriculteur nouvellement installé, a engagé des travaux agricoles particulièrement dommageables pour l’environnement sur le territoire des communes de QUERS et DAMBENOIT-LES-COLOMBE (70) dans le but de convertir des parcelles prairiales avec haies, bosquets et arbres isolés en champs de céréales. Les travaux, réalisés sans la dérogation prévue en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, ont porté sur une surface cumulée d’environ 65 hectares dont plus de la moitié est localisée au sein du site NATURA 2000 de la Vallée de la Lanterne.

Pour parfaire son projet, dans une logique productiviste et d’intensification, M. BLONDÉ a fait drainer une surface de 12,85 ha. A l’instar des travaux précédents, cette première opération de drainage a été réalisée sans déclaration, ni autorisation au titre des articles L. 211-1 et L. 214-3 du code de l’environnement.

Le 3 novembre 2016, il déposait en DDT un dossier de déclaration au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement pour un second projet de drainage dans le périmètre du site NATURA 2000 couvrant une surface de 14,10 ha avec comme cours d’eau récepteur des eaux de drainage le ruisseau du Bauvier, ruisseau protégé par un arrêté préfectoral de protection de biotope de l’Ecrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes.

Passe droit sanctionné

Après un premier refus de l’administration, par un nouveau dossier de déclaration déposé le 24 janvier 2018, Monsieur BLONDÉ sollicitait une nouvelle « autorisation » de pouvoir drainer le même parcellaire, augmenté de trois hectares.

La DDT, par un arrêté du 18 février 2019, lui donnait acte de sa déclaration pour un drainage d’une surface ramenée à 14,10 ha sous réserves des prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code de l’environnement. Selon l’analyse du service en charge de la police de l’eau, les travaux à réaliser relevaient du régime de la déclaration au titre des deux seules rubriques 2.2.1.0 et 3.3.1.0 de la nomenclature loi sur l’eau.

Sachant que ce projet était assurément soumis au régime de l’autorisation environnementale et non au simple régime déclaratif, la CPEPESC en a demandé l’annulation au tribunal administratif de Besançon.

Et par un jugement rendu le 6 avril 2021, le tribunal a annulé ledit arrêté en tant qu’il actait la déclaration de M. BLONDE au titre de la rubrique 2.2.1.0 et non de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature figurant au tableau annexé à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, considérant que l’applicabilité de cette dernière excluait celle de la rubrique 2.2.1.0 et a enjoint à la préfète de la Haute-Saône de mettre en demeure M. BLONDÉ de régulariser sa situation en déposant un (nouveau) dossier de déclaration. Ce faisant, il a écarté tous les autres moyens invoqués par la CPEPESC, notamment ceux qui tendaient à démontrer que les travaux litigieux étaient soumis au régime de l’autorisation environnementale au titre de plusieurs rubriques de la nomenclature loi sur l’eau et qu’ils étaient, dès lors, soumis à évaluation environnementale.

Appel devant la Cour administrative d’appel de Nancy

C’est le jugement dont la CPEPESC a demandé l’annulation à la Cour administrative d’appel de Nancy en tant qu’il substitue à la rubrique 2.2.1.0 l’application de la rubrique 2.1.5.0 sous le même régime de la déclaration et qu’il ne soumet pas l’opération litigieuse au régime de l’autorisation environnementale. Le Ministère de la transition écologique, venant comme il nous en a habitués au soutien du préfet, a également interjeté appel de ce jugement. 

La Cour a retenu tous les moyens défendus par l’association en considérant que la ministre de la transition écologique, qui demandait le rejet de la requête de première instance de la CPEPESC dans toutes ses conclusions, « n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l’arrêté du 18 février 2019 du préfet de la Haute-Saône ».

S’agissant de la rubrique 3.3.2.0 (drainage agricole), alors que le tribunal  admettait à tort que les dispositions de l’article R. 214-42 n’avaient vocation à s’appliquer qu’aux projets nouveaux envisagés à la date du dépôt de la demande et que le préfet n’avait pas commis d’erreur en ne tenant pas compte des ouvrages déjà réalisés, qu’ils aient été ou non autorisés, les juges d’appel ont reconnu que les deux opérations de drainage effectuées en 2014 et 2019 devaient être appréciées comme formant une seule et même opération réalisée sur le même bassin versant et par le même exploitant ; que le préfet devait ainsi prendre en compte non seulement le nouveau projet de drainage mais également les surfaces antérieurement drainées pour déterminer si les travaux en litige étaient soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature prévue à l’article R. 214-1 du code de l’environnement et des seuils qu’elle définit.

S’agissant de la rubrique 2.2.1.0, après avoir rejeté l’argumentaire du tribunal sur l’applicabilité de la rubrique 2.1.5.0 au réseau de drainage, elle a estimé, à l’instar du raisonnement précédent, que le préfet devait tenir compte des débits rejetés par les deux drainages de 2014 et 2019, lesquels représentaient assurément plus de 25 % du débit moyen interannuelle du cours d’eau récepteur et que contrairement à ce qu’a retenu l’arrêté, les travaux de M. BLONDÉ étaient soumis non à déclaration mais à autorisation au titre de la présente rubrique. A la date de l’arrêt toutefois, les rejets dans les eaux douces superficielles ne sont plus soumis à autorisation mais seulement à déclaration.

S’agissant de la rubrique 3.3.1.0, dès lors que le projet conduit à l’assèchement de 0,84 ha de zones humides et à la mise en eau d’une surface de zone humide équivalente de 1 680 m² pour l’implantation d’une zone tampon humide artificielle (ZTHA), la cour a estimé que le projet devait être regardé comme relevant du régime de l’autorisation et non de la simple déclaration.

Force devrait restée enfin à l’application de la loi et au respect de la Nature!

In fine, les juges d’appel annule l’article 2 du jugement du tribunal et enjoigne au préfet de mettre en demeure, dans un délai d’un mois, Monsieur BLONDÉ de présenter un dossier de demande d’autorisation pour les réseaux de drainage en litige au titre de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature loi sur l’eau valant également déclaration au titre des autres rubriques 2.2.1.0 et 3.3.2.0 et prenant en compte tant le projet de 2019 que le drainage réalisé en 2014.

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A noter que sur le même secteur, l’association est déjà intervenue concernant des travaux agricoles nuisibles ( voir L’État condamné à exiger réparation pour travaux agricoles néfastes à la Nature.)

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