Le droit d’action en justice des associations de défense de l’environnement*
Une association de défense de l’environnement doit être avant tout partenaire de la Nature et de sa biodiversité.
Il ne suffit malheureusement pas de belles déclarations, promesses, débats ou conférences, pour mettre à l’abri des pollueurs et autres vandales, notre patrimoine naturel vivant.
Il existe maintenant, même s’il est encore bien imparfait, un arsenal de lois environnementales et de sanctions pour contraindre ceux qui ne respectent pas la Nature.
En agissant, la CPEPESC s’est toujours refusée à en être leur complice tacite.
Elle se bat pour faire respecter les lois environnementales de la République, même si nécessaire, jusque devant les tribunaux. Elle se doit aussi de réclamer des réparations pour les préjudices subis, y compris s’il est possible, par la réparation des dégâts causés à la Nature ou leur compensation (remise en état des lieux, replantation de haies supprimées, reconstitution de zones humides, nettoyage de sites pollués, etc…)
Mais il n’est pas facile de jouer à la fois le rôle d’avertisseur, de négociateur, de gendarme et d’avocat du patrimoine naturel d’autant que les juristes associatifs amateurs du droit de l’environnement sont des espèces rares. En face, des ennemis de la Nature, souvent puissants financièrement, disposent de conseils juridiques ou « environnementaux » à leurs bottes et bien introduits dans les prétoires ou même dans certains niveaux élevés des pouvoirs décisionnels.
Pour défendre l’environnement le législateur avait reconnu par un agrément à toutes les associations de protection de l’environnement justifiant d’activités sérieuses, des droits d’action devant les tribunaux lorsque la nature est polluée, dénaturée ou tout simplement menacée de l’être par certaines décisions abusives, irrégulières ou illégales nuisibles à l’environnement et prises par les décideurs publics.
Mais sous la pression des lobbies, ces conditions d’agrément et donc de possibilités d’actions ont été progressivement rognées pour réduire le nombre d’associations agrées.
( cf : Décret n° 2011-832 du 12 juillet 2011 relatif à la réforme de l’agrément des associations agréées,… et l’Arrêté du 12 juillet 2011 relatif à la composition du dossier d’agrément … ).
Une double casquette réversible
On peut d’ailleurs s’étonner qu’il soit encore nécessaire dans une démocratie pour une association régulièrement constituée d’avoir à solliciter l’obtention préalable l’agrément d’une autorité administrative pour pouvoir défendre l’intérêt général devant une justice prétendue indépendante du pouvoir.
Il faut encore souligner que c’est trop souvent la même autorité qui délivre parfois, sous la pression des lobbys des décisions ou autorisations abusives voire illégales.
‘
Le droit d’action en justice des associations dans le Code de l’environnement.
– Actions contentieuses devant la juridiction administrative :
Selon l’article L142-1 du code de l’environnement «Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément».
Si de plus l’association sollicite la réparation d’un préjudice, notamment moral, causé par les conséquences dommageables d’une illégalité fautive, elle devra démontrer l’existence d’un préjudice direct et certain en résultant (CE, 30 mars 2015, ASPAS, n°375144).
En ce qui concerne les associations dépourvues d’agrément, le Conseil d’État, dans un arrêt du 25 juillet 2013 à jugé que « l’article L. 142-1 du code de l’environnement ne conditionne pas la recevabilité des actions en justice des associations de protection de l’environnement à la délivrance d’un agrément par l’autorité administrative, mais se limite à reconnaître une présomption d’intérêt à agir pour contester certaines décisions administratives au bénéfice des associations de protection de l’environnement qui en sont titulaires ; que cette disposition ne fait pas obstacle à ce que les associations non agréées puissent engager des instances devant les mêmes juridictions si elles justifient, comme tout requérant, d’un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour agir »( Conseil d’État, 25 juillet 2013, n° 355745)
– Actions devant la justice répressive :
Selon l’article 2 du code de procédure pénale l’action civile appartient à ceux qui ont personnellement souffert d’un dommage causé par l’infraction.
Par ailleurs, : « Les associations agréées mentionnées à l’article L. 141-2 peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, à la pêche maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances,la sûreté nucléaire et la radioprotection, les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ainsi qu’aux textes pris pour leur application ainsi qu’aux textes pris pour leur application.
Ce droit est également reconnu, sous les mêmes conditions, aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et qui se proposent, par leurs statuts, la sauvegarde de tout ou partie des intérêts visés à l’, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions relatives à l’eau, ou des intérêts visés à l’article , en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions relatives aux installations classées ».
A noter que, par arrêt du 7 octobre 2008, la Cour d’appel de Versailles a retenu que « le fait de commettre des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à la protection de la nature et de l’environnement cause un préjudice moral indirect à l’association agréée de protection de l’environnement puisque ces infractions portent atteinte aux intérêts collectifs qu’elle a pour objet de défendre »(CA Versailles, 7 octobre 2008, n° 440).
Cette position A été confirmée par un arrêt du 14 octobre 2008 de la cour d’appel de Nîmes, qui a précisé que le régime dérogatoire au droit commun instauré par l’article L. 142-2 du code de l’environnement, « permet de réparer un préjudice indirect du fait d’une infraction environnementale, [et] conduit à apprécier de façon extensive le dommage de l’association agréée de protection et à prendre en compte les risques de pollution que les non-conformités créent pour l’environnement, qu’ainsi la constatation d’un dommage avéré au milieu naturel n’est pas exigée »(CA Nîmes, 14 octobre 2008, n° 513). .
Dès lors, ce n’est pas seulement l’atteinte directe (pollution d’un milieu par exemple) mais aussi l’atteinte indirecte aux intérêts collectifs défendus par les associations de protection de la Nature qui constituent le préjudice moral dont elles sont fondées à demander réparation au titre de l’article L. 142-2 du Code de l’environnement.
Le référé pénal pour faire cesser une pollution
L’article L.216-13 du code de l’environnement prévoit qu’en cas de non-respect des prescriptions imposées à la plupart des activités et ouvrages importants une association agréée de protection de l’environnement peut demander au procureur de la République d’intervenir. Le procureur de la République suite à cette requête « peut ordonner pour une durée d’un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale [….] »
Le mot PEUT dans le texte … explique que cette démarche associative n’est que rarement suivie d’effet par la Justice.
.
Association agrée et victimes de préjudices
Une association agréée peut être mandatée par au moins deux personnes physiques victimes de préjudices concernant les infractions (environnementales). Cette disposition prévue à l’ article L. 142-3 du code de l’environnement n’a jamais été utilisée à notre connaissance.
*
Jurisprudence : La Cour de cassation est favorable à l’action civile introduite par les associations protectrices de l’environnement. Ainsi, la Haute juridiction a jugé qu’une association de protection de l’environnement peut exercer une action civile non seulement devant une juridiction répressive mais également devant une juridiction civile (arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 décembre 2006). Elle a également jugé qu’une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social sans faire référence à l’exigence d’un agrément (arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 octobre 2006).
.