Porter plainte*
Saisir la Justice est une démarche très sérieuse. Il ne faut le faire que dans des cas graves de pollution ou d’atteintes à l’environnement avérés et en prenant toujours quelques précautions.
Porter plainte pour une atteinte à l’environnement, ce n’est pas faire de la délation, c’est défendre un bien commun et l’intérêt général. Il ne faut pas perdre de vue que l’intérêt final de la démarche, c’est d’abord de mettre fin à une situation ou à des comportements qui doivent non seulement être sanctionnés mais en final donner lieu à réparation (par exemple la remise en état d’un milieu naturel détérioré).
L’action peut avoir un certain effet pédagogique si elle débouche sur une décision de justice claire et si la presse en parle.
Pages de sites publics à consulter:
Porter plainte : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1435
Porter plainte :https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/porter-plainte
– Le portail du justiciable : https://www.justice.fr/
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Commentaires de la CPEPESC
Porter plainte, c’est dénoncer des faits interdits et sanctionnés par la loi (ou que vous supposez interdits en raison de leur gravité).
On peut porter plainte :
– en envoyant un courrier au Procureur de la République, à l’adresse du Tribunal de Grande Instance dont dépend la commune où a été commise l’infraction. Le Procureur de la République est le magistrat qui, à la tête du parquet (ou ministère public) dirige les enquêtes, décide des poursuites et doit veiller à l’application des lois. C’est donc le destinataire des plaintes. Afin de bien s’adresser au bon procureur compétent pour le lieu de commission de l’infraction, consulter le site Internet du Ministère de la Justice sur la page annuaire des juridictions : http://www.justice.gouv.fr/recherche-juridictions/consult.php .
– ou en s’adressant à la gendarmerie ou en milieu urbain au commissariat de police. La plainte sera consignée dans une audition qui le service transmettra au Procureur de la République.
L’intérêt de déposer plainte directement à la gendarmerie du lieu concerné est de chercher à faire constater au plus vite les faits pendant qu’ils sont visibles (éléments de preuves).
Dans la pratique il est souvent difficile pour un particulier de faire enregistrer une plainte et encore plus de faire établir un constat par les gendarmes qui n’ont pas toujours une sensibilité ou une grande connaissance du droit de l’environnement.
De plus, en raison du trop grand nombre de classements sans suite des plaintes par les Procureurs de la République (estimés au 2/3 !! ), les fonctionnaire n’hésitent plus à reconnaitre qu’ils ne sont guère motivés pour rédiger des actes « paperassiers » et effectuer des déplacements qui se révèlent à terme « classés » au bon vouloir discrétionnaire des Parquets surchargés.
Cependant en droit la gendarmerie ou la police n’ont pas le droit de refuser d’accepter un dépôt de plainte. (Ce n’est qu’au procureur de la République auquel sera transmise la plainte qu’il appartient de décider de la suite à donner).
En effet l’article 15-3 du code de procédure pénale stipule clairement que :
« Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. Dans ce cas, la plainte est, s’il y a lieu, transmise au service ou à l’unité territorialement compétents.
Tout dépôt de plainte fait l’objet d’un procès-verbal et donne lieu à la délivrance immédiate d’un récépissé à la victime, qui mentionne les délais de prescription de l’action publique définis aux articles 7 à 9 ainsi que la possibilité d’interrompre le délai de prescription par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, en application de l’article 85. Si elle en fait la demande, une copie du procès-verbal lui est immédiatement remise. Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent s’identifier dans ce procès-verbal par leur numéro d’immatriculation administrative ».
D’autre part en cas de délit (infraction grave, par exemple : pollution des eaux, redressement ou modification du lit d’un cours d’eau sans autorisation, installations classées fonctionnant sans autorisation, décharges sauvages d’ordures ménagères,…) l’article 40 du Code de procédure pénale prévoit que :
«Tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs».
Ces dispositions peuvent être rappelées en cas de difficultés.
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Lors d’un dépôt de plainte adressé par écrit , il faut indiquer :
– les nom et adresse de l’auteur de la plainte et sa qualité, s’il porte plainte ou non au nom d’une structure,
– la nature des faits dénoncés,
– la date,
– le lieu,
– éventuellement le préjudice subit,
– les infractions à la loi (si on les connaît),
– les conséquences (sans oublier celles pour l’environnement),
– les auteurs ou responsables que l’on soupçonne…. (C’est le travail de la justice de déterminer les faits et les exactes responsabilités).
-Il est conseillé de fournir et de joindre le maximum d’informations précises pouvant appuyer l’enquête (documents, situation sur carte, photos, croquis d’accès, etc…).
ATTENTION. Il est impérativement conseillé de « porter plainte contre « X » ou « contre toute personne qu’impliquera l’enquête » (et non contre une personne nominativement désignée). On indiquera seulement le(s) responsable(s) possible(s) ou soupçonné(s), pour laisser à la justice le soin de vérifier leur(s) éventuelle(s) implication(s) et d’incriminer elle-même le(s) vrai(s) responsable(s).
Cette précaution permet d’éviter le risque d’être attaqué par la suite en diffamation, au cas où la plainte échouerait ou si une personne désignée ne se recelait pas responsable de l’infraction.
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Il faut impérativement motiver le plus possible une plainte (atteinte au patrimoine naturel, risques, conséquences futures, permanence éventuelle de l’infraction…), pour encourager le Parquet à engager une enquête et des poursuites, et éviter un « classement sans suite » par le Procureur de la République.
Par la suite, si l’affaire débouche sur un procès pénal, les personnes (ou associations) ayant porté plainte doivent recevoir un avis d’audience. Elles peuvent, si elles ont subi des préjudices (les associations environnementales : sous certaines conditions), se constituer partie civile au procès et réclamer des dommages et intérêts.
Si l’affaire concerne une destruction du milieu naturel, il faut toujours demander à chaque audition la remise en état des lieux, sous contrôle de l’administration, sous délai et sous astreinte financière journalière en cas de retard. Le juge ordonne parfois cette mesure : une des meilleures des réparations pour le préjudice environnemental…. à condition qu’elle soit sérieusement réalisée.
La suite données à une plainte
Le Procureur de la République peut demander à la gendarmerie, à la police ou à un service spécialisé d’effectuer une enquête dite préliminaire.
Le Procureur a toute latitude pour classer sans suite ou non, une plainte.
** En cas de classement sans suite, l’article 40-2 du Code de procédure pénale prévoit que le Procureur de la République doit :
– informer l’auteur de la plainte de « « sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui la justifient ».
– Lorsque l’auteur des faits est identifié mais que le procureur de la République décide de classer sans suite la procédure, il doit aviser les plaignants de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui la justifient. »
A noter qu’en cas de classement paraissant abusif l’article 40-3 du C.P.P. prévoit que : « Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut, dans les conditions prévues à l’article 36, enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé ». Il faut reconnaitre qu’en pratique cela n’aboutit que rarement à un résultat.
Si le Procureur ne classe pas la plainte, il peut :
– soit Décider de mesures alternatives aux poursuites adaptées à la gravité de l’infraction. Voir : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2277
Dans ce cadre, pour les infractions de faible gravité, le procureur peut aussi désigner un médiateur et proposer à l’auteur des faits une médiation pénale dont la mise en place nécessite l’accord de la victime.
Le Procureur de la République doit aviser les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, « des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement.
– soit Ouvrir une information judiciaire en demandant la désignation d’un juge d’instruction. Cela aboutira à un renvoie ou non du responsable des faits devant le tribunal.
– soit pour des affaires simples, le procureur peut saisir directement le tribunal.
Être partie civile
La victime du délit dénoncé ou une association environnementale peuvent dans certains cas être partie civile et obtenir devant le juge des dommages et intérêts.
Si la personne ou l’association qui dépose une plainte a l’attention d’être partie civile, elle doit l’indiquer clairement dans sa plainte et a donc aussi intérêt à obtenir un récépissé ou accusé de réception postal du Procureur. (voir l’article « Si vous portez plainte… Obtenir un récépissé ou accusé de réception postal du Procureur est maintenant souhaitable ! »)
Au procès elle devra démontrer son préjudice, si possible à l’aide de documents (photos, documents, factures, expertise, etc..) pour demander des dommages et intérêts en réparation.
Porter plainte et se constituer partie civile auprès du juge d’instruction
Il est possible de porter sa plainte en se constituant partie civile devant le juge d’instruction, mais pour se faire, il faudra déjà porter plainte devant le procureur de la République et attendre 3 mois, à moins que le procureur n’ait pris une décision de classement. (A noter qu’il faudra aussi verser une caution fixée par le juge d’instruction).
Voir impérativement l’ article 85 du code de procédure pénale.
… mais l’impartialité organisée? des Procureurs?
Une curieuse disposition a été ajouté en mars 2019 à l’article 86 du code de procédure pénale.
Dorénavant même si l’enquête effectuée à la suite de la plainte a bien établi l’existence d’un délit punissable et que le procureur l’a malgré tout classée, celui-ci peut encore mettre un obstacle à la saisine du Juge d’instruction: Depuis, le procureur peut « requérir du juge d’instruction de rendre une ordonnance de refus d’informer, tout en invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe ».
En langage clair, l’État par cette modification de la loi, a organisé un refus de faire appliquer la loi par les magistrats en premier lieu par l’arbitraire des procureurs de la République tout en laissant seules les victimes se « débrouiller » si elles osent ou en ont les moyens en engageant une procédure devant la juridiction civile.
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